Japon : profits mirobolants des banques, les yakuzas en profitent

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étons passent devant un panneau affichant les résultats de la Bourse de Tokyo, en septembre 2013 (Photo : Toru Yamanaka)

[15/11/2013 11:09:20] Tokyo (AFP) Les plus grandes banques du Japon ont encaissé des bénéfices semestriels inédits depuis des années, mais elles seraient bien inspirées de cesser d’en faire profiter la mafia, notent les éditorialistes.

D’avril à septembre, les géants bancaires que sont Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG), Mizuho Financial Group, Sumitomo Mitsui Financial Group (SMFG), ainsi que d’autres établissements de plus petit calibre (Sumitomo Mitsui Trust et Resona) ont totalisé des gains nets cumulés de 1.650 milliards de yens (12,5 milliards d’euros), soit un bond de 60% sur un an.

De telles sommes ne s’étaient pas vues depuis 2006, avant la crise financière internationale et la chute de la banque américaine Lehman Brothers à l’automne 2008.

Toutes les banques japonaises ont bénéficié récemment d’une envolée des valeurs sur les marchés nippons, grâce à la politique du Premier ministre Shinzo Abe qui a fait chuter le yen depuis un an, précipitant les investisseurs sur les actions des entreprises exportatrices de l’archipel.

Les dépréciations d’actifs de portefeuille ont ainsi fondu de 95% sur un an. De plus, leurs ventes de produits financiers ont augmenté tandis qu’elles se défaisaient d’obligations d’Etat qui ne rapportent pas.

Beau bilan, mais est-ce que cela va durer, s’interrogent les analystes.

Malgré un quatrième trimestre de croissance d’affilée en juillet-septembre au Japon, “le rythme ralentit et n’est réellement soutenu que par les dépenses publiques sans expansion de l’activité privée”, remarque les spécialistes de l’agence de notation Fitch.

De surcroît, en dépit d’un contexte monétaire ultra-accommodant (une des trois flèches de la politique dite “Abenomics” de M. Abe), “il n’y a pas eu de hausse perceptible de la demande de prêts malgré les récentes augmentations des dépenses de capitaux privés”, soulignent-ils. Cela met en évidence selon eux “la propension des entreprises japonaises à utiliser des liquidités et limiter le recours à l’emprunt bancaire”.

Du coup, les banques gagnent surtout sur les marchés… et quand elles prêtent, ce n’est pas toujours avec perspicacité.

Des prêts mal placés

Car, les unes après les autres, ces mêmes banques reconnaissent avoir accordé directement de l’argent à des membres de gangs de mafieux, les yakuzas.

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un yakuza tenant une cigarette (Photo : Frank Zeller)

On savait que des filiales de crédit à la consommation avaient commis cette boulette par manque de contrôle, mais il y a deux jours, lors d’une audition devant la commission des Finances de la chambre basse, le président de l’Association nationale des banques, Takeshi Kunibe, avait reconnu qu’il existait aussi “des transactions directes entre banques de détail et personnes apparemment liées aux forces antisociales”, euphémisme qui désigne les syndicats du crime.

M. Kunibe est aussi le numéro un de la banque de détail Sumitomo Mitsui Banking, concernée par cette confession.

Le patron de Mizuho Financial Group, Yasuhiro Sato, avait lui aussi formulé un aveu similaire devant la même instance.

Puis ce fut aussi au tour de Nobuyuki Hirano, PDG de Mitsubishi Tokyo UFJ, de “ne pouvoir totalement nier” l’existence de telles transactions avec des yakuzas, lesquels sont en théorie recensés dans des bases de données et interdits bancaires.

En outre, trois autres établissements, Resona, Shinsei et Sumitomo Mitsui Trust Bank, sont dans le même cas, selon le journal Asahi.

Les banquiers insistent cependant sur le fait que les prêts ont pu être octroyés avant de se rendre compte que les individus concernés appartenaient à la pègre.

Ces aveux accompagnés de séances d’excuses et courbettes devant les caméras sont tous intervenus après que l’Agence de régulation des services financiers (FSA) a mis il y a plusieurs semaines en demeure Mizuho d’en finir avec les quelques 230 prêts alloués par une de ses filiales de crédit à la consommation, Orico, à des membres de gangs de yakuzas, pour des achats de voitures ou appareils domestiques.

Aucune des banques de détail qui ont depuis reconnu être aussi probablement concernées par des transactions similaires n’a donné de détails sur le nombre de crédits et les montants afférents, sans doute très petits au regard de leurs bénéfices, mais “le problème est qu’elles prêtent aussi à des mafieux”, déplore le journaliste et essayiste Atsushi Mizoguchi interrogé sur la radio NHK.