Le premier opéra virtuel, né au Japon, débarque à Paris

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éra qui se présenté à partir du 12 novembre au théâtre du Chatelet (Photo : Bertrand Guay)

[12/11/2013 08:27:32] Paris (AFP) Quatre écrans, sept projecteurs haute définition, 50 enceintes et une diva manga: le premier opéra virtuel, créé en mai à Tokyo, est donné pour la première fois hors du Japon pour trois représentations à Paris au Théâtre du Châtelet du 12 au 15 novembre.

La “diva” de cet opéra est une jeune fille de 16 ans à l’esthétique proche du manga, qui répond au doux nom de “Hatsune Miku”, soit “le premier son venu du futur”.

Hatsune est un “Vocaloid”, marque déposée par Yamaha pour désigner un logiciel de synthèse vocale, contraction de “vocal” et “androïde”.

Mais elle est beaucoup plus que cela: l’idée de la société Crypton Future Media d’accoler une enveloppe charnelle au logiciel vocal a fait de la jeune fille virtuelle une star au Japon.

Hatsune Miku se produit en concert, elle figurait récemment au Mori Museum de Tokyo dans une exposition à côté d’oeuvres de Chagall et Jeff Koons, et elle voyage même sous forme de dessins dans la sonde spatiale japonaise Akatsuki.

Son image appartient à tout le monde: elle est en “open source”, ce qui signifie qu’elle peut être diffusée et modifiée à travers le “dressage”: ses contributeurs peuvent développer son image et ses fonctions, paramétrer son élocution et son chant.

“J’ai choisi Hatsune Miku parce que j’imaginais une sorte de voix qui circule, comme un fantôme, dans un opéra entièrement constitué d’images et d’installations sonores”, explique Keiichiro Shibuya. Les images ont été crées par un prodige du jeu vidéo, YKBX. Keiichiro Shibuya interprète lui-même la musique sur scène, maquillé et les cheveux bleus, tel un personnage de manga.

Mais qu’on ne s’y trompe pas: spécialiste reconnu de musique électronique, ce quadra à l’allure juvénile, formé au conservatoire de Tokyo par un disciple d’Olivier Messiaen, est un fin connaisseur de la culture européenne. Venu à Paris pour la première fois après la mort de son père, il est “ébloui” par l’opéra Wozzeck mis en scène par Patrice Chéreau au Châtelet (1992).

Mort brève

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ésentée le 13 juin 2011 devant la presse à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

Pour lui, “l’opéra occidental, où l’humain est au coeur de l’action, n’est pas en osmose avec la pensée japonaise: il est difficile pour un Japonais de composer un opéra. Je me suis attaché à montrer le vide, plutôt que l’humain sur scène.”

Le vide est “une tragédie” qu’il attribue à “la difficulté de communiquer des Japonais. Plus on contrôle l’information, plus on ressent un vide intérieur”, explique-t-il. “Les Japonais sont très rodés à l’envoi de messages courts, de SMS et de mails, et ils ressentent comme une mort brève lorsqu’on ne leur répond pas immédiatement.”

La mort est au coeur de l’opéra, baptisé “The End – Vocaloid Opera” et inspiré par la mort de sa femme Maria, il y a cinq ans.

Peut-on mourir lorsqu’on existe pas ? C’est la question vertigineuse que pose la jeune diva virtuelle. L’opéra est une sorte de méditation métaphysique, portée par la musique électronique de Keiichiro Shibuya.

L’accident nucléaire de Fukushima a attisé au Japon “la conscience que le monde se dirige vers sa fin”, constate-t-il. Son objectif est donc de concevoir une “musique de la fin”, peut-être porteuse d’espoirs nouveaux.

Lorsque l’opéra est sorti à Tokyo, des fans se sont indignés qu’un “lascar fasse mourir Hatsune Miku sans autorisation”, raconte-t-il en riant. Mais ce n’est pas si tranché: “je laisse au public la liberté de décider”.

“The End – Vocaloid Opera” va voyager en Amérique du Nord -des discussions sont en cours avec Montréal et les Etats-Unis- et il rêve de le montrer à Berlin et Londres.