Le gratte-ciel Intempo de Benidorm, visage de la crise en Espagne

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éaire de Benidorm et du gratte-ciel Intempo (d), le 24 septembre 2013 en Espagne (Photo : José Jordan)

[01/10/2013 09:07:13] Benidorm (Espagne) (AFP) S’élançant dans le ciel azur de la station balnéaire de Benidorm, au-dessus d’une forêt de tours, la silhouette aux vitres dorées du “plus haut gratte-ciel résidentiel d’Europe” est devenue malgré elle l’emblème de la folie immobilière qui a précipité la crise en Espagne.

Sur le cadran lumineux bleu de l’ascenseur flambant neuf défilent les étages de ce nouveau géant qui domine la ligne d’horizon de Benidorm, ville emblématique du tourisme de masse sur la Méditerranée: il faut moins de 55 secondes pour passer du troisième sous-sol au 45ème étage.

Au pied de l’immeuble, baptisé Intempo, les fondations d’une piscine semi-olympique attendent d’être carrelées pour accueillir le millier de résidents qui pourraient, espèrent ses promoteurs, habiter à terme ce qu’ils présentent comme “le plus haut gratte-ciel résidentiel d’Europe”, avec ses 54 niveaux.

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à Benidorm, le 24 septembre 2013 en Espagne (Photo : José Jordan)

Au sommet, à plus de 180 mètres, les façades de la pyramide inversée qui unit les deux tours du gratte-ciel sont encore ouvertes au vent.

Bientôt, à la place des sols en béton et câbles dénudés devraient être aménagés deux duplex de luxe d’environ 300 m2 dont les parois vitrées donneront d’un côté, plein sud, sur les cinq kilomètres de plage, et de l’autre sur l’arrière-pays.

“Vous voyez qu’il n’y a pas de raison de polémiquer: il y a 11 ascenseurs”, insiste Guillermo Campos. Architecte technique du promoteur d’Intempo, Olga Urbana, il est bien décidé à démentir les articles qui affirmaient cet été que les constructeurs avaient oublié de prévoir une cage d’ascenseur.

Ce ne sont pas les seuls gros titres qui ont entamé la réputation de l’immeuble.

Démarrés aux dernières heures du boom immobilier, en 2007, les travaux ont été récemment perturbés par des conflits médiatisés avec les constructeurs, qui réclament un million d’euros en impayés aux promoteurs, et les architectes.

Le boom immobilier de 2007

Mais surtout, le prêt qui finance les travaux est allé fin 2012 grossir le bilan toxique de la “bad bank”, la structure, baptisée Sareb, créée en Espagne dans le cadre du sauvetage européen du secteur bancaire.

La banque nationalisée Caixa Galicia qui a accordé ce prêt a dû en effet, après son sauvetage, transférer automatiquement une partie de ses actifs et crédits immobiliers à la Sareb, au prix d’un rabais.

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éaire de Benidorm, le 24 septembre 2013 en Espagne (Photo : José Jordan)

“Cela ne signifie pas qu’ils soient considérés comme douteux”, explique une porte-parole de la Sareb.

Mais l’association du nom d’Intempo avec le symbole de la déroute du secteur financier espagnol ne peut que compliquer la tâche déjà titanesque de vendre 269 appartements de standing dans un marché au point mort.

Guillermo Campos affirme avoir vendu 35% des appartements. Un pourcentage plutôt faible à si peu de temps de la livraison, prévue début 2014.

La mairie de Benidorm n’est pourtant pas inquiète.

Que l’immeuble mette plus ou moins de temps à se remplir “n’importe pas”, affirme José Luis Camarasa, architecte en chef de la mairie.

“Ici, l’urbanisme suit un plan conçu il y a déjà 50 ans” qui a permis à la ville d’éviter les écueils du boom, poursuit-il. “Ce que Benidorm a bâti en 50 ans, soit 30.000 logements, certaines villes l’ont construit en un an”.

C’est lorsque Benidorm n’était encore qu’un village de pêcheurs, en 1955, que son maire avait lancé un premier plan d’urbanisme, modifié en 1963 pour autoriser la construction de tours sans limite de hauteur. L’objectif: “démocratiser le tourisme”, affirme José Luis Camarasa.

L’enthousiasme de la mairie n’est pas partagé par les écologistes. “Concentrer des milliers de personnes dans un immeuble a un impact écologique important”, souligne Pilar Marcos, porte-parole de Greenpeace en Espagne.

“Regardez cette eau propre”, rétorque Guillermo Campos en désignant la plage depuis le point de vue vertigineux qu’offre le toit d’Intempo.

Sur sa nouvelle promenade déambulent de nombreux touristes, même en ce début d’automne, espagnols mais aussi britanniques, français ou allemands.

Guillermo Campos, qui espère une reprise du marché à partir de la mi-2014, compte d’ailleurs sur l’intérêt d’acheteurs “russes, algériens et britanniques”, alors que les prix annoncés apparaissent élevés: de 350.000 euros pour un F1 à trois millions d’euros pour un duplex.

“Il faudra sans doute qu’ils arrivent à un point d’équilibre avec le marché”, admet José Luis Camarasa. “Mais Benidorm est le joyau de la couronne” du marché immobilier dans la région de Valence, lance-t-il, optimiste.