Tunisie – Notation souveraine : Les raisons de la dégradation sont à 90% politiques!


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observer les données publiées sur le site de la Banque centrale de Tunisie (BCT),
nous ne pouvons nous réjouir de l’amélioration des indicateurs économiques d’un
mois à l’autre. Au 16 août 2013 et à titre indicatif, le secteur de
l’agriculture et de la pêche affichait un recul de 2,58%; celui des industries
manufacturières enregistrait une régression de 1,98%, les activités marchandes
ont évolué de 0,48% et celles non marchandes de 0,95%.

Au dernier Conseil d’administration de la BCT, on n’a pas manqué de relever une
certaine atonie du rythme de l’activité économique durant le premier semestre de
l’année 2013, ce qui rendrait la réalisation de l’objectif de croissance fixé
dans le Budget économique pour l’année 2013 incertain. Et ce malgré certaines
évolutions sectorielles positives, comme la progression du rythme de la
production du secteur industriel au mois d’avril et l’amélioration des
indicateurs du secteur touristique au mois de juin.

Quant à l’évolution des prix à la consommation, les indicateurs ne sont pas au
beau fixe, le taux d’inflation s’est stabilisé à un niveau élevé au mois de juin
2013, soit 6,4% en glissement annuel, et ce pour le troisième mois consécutif,
sachant que l’indice des prix à la consommation a augmenté de 0,3% en juin 2013
contre 0,1% le mois précédent. La variation de la consommation intermédiaire non
ventilée en services financiers affiche, pour sa part, un recul de 21,35%. Ceci
reflète aussi bien la consommation ou l’achat des services par les ménages que
par celles des entreprises et des administrations.

Les dépenses de fonctionnement de l’Administration ont, pour leur part, auraient
augmenté de 50% depuis la prise du pouvoir par Ennahdha. Rien que pour les 6
premiers mois de l’année 2013, elles se seraient amplifiées de 25,6%, selon des
rapports établis à la présidence du gouvernement.

Les raisons? Nous ne pouvons jurer de rien. L’Administration tunisienne était
réputée à l’international pour être des plus fortes au monde.

Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui? Nous n’avons aucune idée sur les suites
données aux courts passages de certains ministres partants du gouvernement
Jebali ni aux mutations et aux nominations remplaçant des compétences par
d’autres dont on ne connaît même pas le degré de qualification.

Les démissionnaires ou partants ont-ils gardé salaires et privilèges
(résidences, voitures de service, bons d’essence et indemnités de fonctions qui
n’existent plus)? Nous n’en savons rien à ce jour sauf que jusqu’à preuve du
contraire, nous croyons savoir qu’Imed Daimi, ancien chef du cabinet
présidentiel, refuserait de quitter la résidence mise à sa disposition par
l’Etat et de laisser tomber tous les privilèges y attenant. Et dire que les
CPRistes sont de fervents défenseurs de l’intégrité et de féroces assaillants de
la corruption… Mais ce qui s’applique aux autres n’est pas forcément le meilleur
pour nous. Dans l’attente, le budget de l’Etat est mis en souffrance.

Pire, la danse rythmique à laquelle s’adonnent les dirigeants nahdhaoui entre le
“oui“ et le “oui mais“, concernant la proposition de sortie de crise de l’UGTT,
l’UTICA et le Front de Salut national, nuit au plus haut point à l’image de la
Tunisie.

«C’est catastrophique, assure un expert économique. La justification de la
dégradation de la note souveraine de la Tunisie est à 90% pour des raisons
politiques. Car les agences de notation considèrent que la Tunisie ne réussit
pas le processus de transition démocratique comme il se doit, ce qui a des
conséquences directes sur la situation socioéconomique qui se transformeraient
en crise profonde et risqueraient de mener le pays vers la dictature».

Mouez Laabidi, macroéconomiste et universitaire, va dans le même sens: «Les
perspectives négatives annoncées par les agences de rating confirment la
situation de confusion dans laquelle se débat le pays; s’il n’y a pas
d’amélioration, les agences pourraient aller encore plus loin dans leur
réquisitoire touchant à la situation en Tunisie. Elles seront, bien entendu,
confortées dans leurs premiers jugements. Il est impératif que l’on trouve au
plus vite une sortie de crise».

Qu’à cela ne tienne, Ali Larayedh, chef du gouvernement, n’est nullement
inquiété ni par le déficit budgétaire ni par la hausse des dépenses
administratives, encore moins par le malaise social. Il continue à exercer son
rôle de chef du gouvernement dans la sérénité et sans se soucier –ou très peu-
outre mesure de ce qui peut advenir au pays.

Ainsi, alors que samedi 24 août le Front du salut national prépare une
manifestation monstre pour appeler à la dissolution du gouvernement, lui
honorait –tranquillement- de sa présence l’ouverture de la compétition
internationale de Tunisie pour la récitation et la lecture du Coran au ministère
des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle. Il rappelle ainsi une
citation célèbre du grand Yasser Arafat «Ya Jabal may iheddak Rih» (Oh Montagne,
aucun vent ne pourrait t’atteindre).

Mais Ali Larayedh se projette-t-il vraiment en tant qu’éminence et ne craint-il
pas que les vents du changement ne suscitent une chute vertigineuse du haut de
la montagne au sommet de laquelle il est perché et qui l’empêchent de voir
réellement ce qui se passe dans le pays?