Tunisie – Crise politique : Sommes-nous le jour du ‘’D-Day’’


manif-6588444564gg-l.jpgCe
24 août on a le sentiment que c’est le commencement de la fin pour la deuxième
manche de la transition. Les états majors de la Troïka, et principalement
Ennahdha, ont perdu du temps précieux à tergiverser. Le Front du salut national
(FSN) en a profité pour accréditer des figures nationales emblématiques en vue
d’assurer l’alternance. L’ennui c’est que le peuple s’est fait à cette idée.

Quel que soit le scénario de riposte secret dont peut disposer Ennahdha, la
seule certitude du moment est qu’il faut tourner la page et aller vite vers la
passation. Comment se déroulera la chute?

Le marathon des négociations et le feu roulant des annonces qui se contredisent
et s’entrecoupent, enfin, le ballet agaçant des rencontres entre états majors
ont définitivement sonné le glas de la deuxième manche de la transition. Les
gens ont perdu espoir, et quand on prend le risque d’exaspérer le bon peuple, il
ne vous prête plus l’oreille. Et, quand le peuple entre en transe, toutes les
options sont ouvertes.

Pour se faire une idée de ce qui pourrait advenir, il n’y a qu’à se remémorer le
fil des événements entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011.

Comment se mettra en place la troisième manche?

Le détricotage de l’Etat, l’atteinte au sacré

Les Tunisiens ont un crédo, à savoir que l’Etat est leur dernier rempart, leur
protecteur et leur interlocuteur unique. Cet édifice a été sapé par le modèle
des deux gouvernements successifs présidés par des personnalités de premier plan
issues d’Ennahdha. L’essentiel de leur œuvre a été de brader le lustre et
l’autorité de l’Etat.

Dans le budget 2013, on a réinstitué la zakat et les aoukafs, ce qui signifie
une grande dilution de l’autorité spirituelle de l’Etat.

Par ailleurs, les associations en tous genres, et notamment caritatives, ont
ravagé des pans entiers du champ des prestations dévolues à l’Etat. Cette
subsidiarité a torpillé le sentiment de citoyenneté auprès du bon peuple tentant
de ravir la place de l’Etat dans le quotidien et le cœur des Tunisiens.

Quand, dans un quartier, on n’amenait pas l’eau ou l’électricité, le Tunisien
avait l’habitude d’actionner l’Etat en justice et il obtenait gain de cause.
Avec la nébuleuse des associations, le Tunisien se trouve perdu, il n’a plus
contre qui se tourner.

Or l’Etat tunisien, quel qu’ait pu être son degré d’inefficacité, était là et
c’était le partenaire de dernier recours, pour les citoyens et surtout les plus
démunis d’entre eux. Ne retrouvant plus cet être sacro saint à leurs côtés, les
Tunisiens sont pris d’un vertige social et d’une perte de repères citoyens. Et
la dynamique contestataire se nourrit de ce sentiment de frustration.

Les Tunisiens ont le sentiment qu’ils ont été blousés. On peut les comprendre
car si l’Etat était resté dans son périmètre naturel, il n’aurait pas permis
l’assassinat politique, l’instabilité et enfin l’insécurité. En bafouant l’Etat,
on a atteint au sacré intime des Tunisiens. En lançant cet outrage à l’Etat, on
a rompu le contrat social. Et c’est bien ce qui semble condamner la deuxième
manche de la transition.

Les acteurs influents de cette période se sont brûlés les ailes tel le phénix
qui, se croyant trop beau, s’est trop rapproché du soleil. Alors si on ajoute le
bilan économique et social -et en la matière pour couper court à toute
polémique, autant se reporter aux commentaires des agences de notation-, on peut
comprendre que l’état d’esprit du bon peuple n’est plus à la négociation.

En ce 24 août, le pays s’apprête à vivre un épisode historique. Sera-t-il
paisible ou sanglant?

L’Histoire est déjà écrite

Le FSN a joué le coup avec beaucoup de délicatesse. Se mettant en retrait de ce
tohu-bohu des négociations, il s’est employé à familiariser les Tunisiens avec
les figures de substitution qu’il a soufflées doucement, les accréditant d’un
pouvoir providentiel.

Qui contesterait la sagesse d’un Mustapha Filali? Qui nierait l’expertise
tranquille d’un Kamel Nabli? Epoustouflant! L’opinion les a validés dans son
subconscient. Alors marcher aujourd’hui pacifiquement de Bab Saadoun au Bardo
reviendrait à un acte de délivrance citoyenne. Peu importe les ripostes
éventuelles qu’on pourra opposer à cette marche non violente, pacifique mais non
moins déterminée. Rien ne pourra l’arrêter même si on peut la faire trébucher.
Elle finira par aboutir. La grenade de la détermination populaire est
dégoupillée. Le reste n’est qu’une affaire d’heures ou peut-être de jours.
L’Histoire semble déjà écrite.