Allemagne : bonne santé des petits brasseurs dans un secteur en berne

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ère produite au château Au-Hallertau, en Bavière (Photo : Christof Stache)

[30/07/2013 08:41:33] Au-Hallertau (Allemagne) (AFP) La mousse devient compacte et brunâtre, le breuvage doré s’alcoolise doucement. En pleine Bavière, le château Au-Hallertau prend le temps de parfaire sa bière, comme les nombreuses brasseries artisanales qui prospèrent dans un secteur en difficulté.

En seulement deux semaines, sa dernière création, une bière fortement houblonnée, s’est trouvée en rupture de stock, se réjouit Michael Beck von Peccoz, sixième génération de brasseurs, dans l’imposante demeure familiale située à 60 km de Munich.

Une gageure quand on sait qu’en Allemagne la consommation de bière par personne, désormais de 107 litres par an, baisse d’année en année. En cause, le vieillissement de la population, le goût croissant des jeunes pour d’autres boissons, l’habitude perdue de s’attabler des heures autour d’une bière fraîche…

Pourtant, malgré une guerre des prix sans merci, le nombre de brasseries augmente: les grosses fusionnent entre elles mais les petites se multiplient, surfant sur un engouement pour les bières originales.

“Les petites brasseries peuvent offrir de la variété. Elles sont plus flexibles”, explique Jürgen Solkowski, qui a rénové en 2003 une métairie en ruine du château de Cecilienhof, à Potsdam (nord-est), dans la vieille tradition des restaurateurs brassant leur bière sur place. Sur la terrasse bucolique de la brasserie “Meierei im Neuen Garten” avec vue sur lac, une bière différente est à savourer chaque mois.

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ère produite au château Au-Hallertau, en Bavière (Photo : Christof Stache)

Fabrication “top secret”, boisson rendue “sexy”, inspirations venues d’ailleurs… Les petits brasseurs revendiquent qualité et originalité. Qui souvent se paient. Jusqu’à 50% plus cher que ce qu’on appelle en allemand “les bières de télévision”, reconnaît Erich von Lobkowicz, patron de la brasserie Maxlrain, au sud de Munich, tout en vantant “les nombreuses nuances de goût” d’une bonne bière.

Mais les clients sont là: tous affirment voir leur chiffre d’affaires augmenter régulièrement, de 5% à 10% par an pour la brasserie Au-Hallertau par exemple, et la demande dépasse les frontières.

“Les brasseries de taille moyenne parviennent de plus en plus à exporter leurs bières spéciales. La demande de Chine a d’ailleurs fortement augmenté ces dernières années”, affirme Roland Demleitner, de la fédération allemande des brasseries privées.

C’est d’ailleurs vers l’Empire du milieu que s’apprêtent à partir les petits tonneaux de bière brune fraîchement remplis dans la brasserie à l’arrière du château Au-Hallertau.

La palette de pays amateurs de bières artisanales bavaroises s’étend désormais bien au-delà de l’Italie voisine, qui, de par sa proximité, fut la première destination à l’export. Mais l’ancrage régional est primordial, insiste Erich von Lobkowicz, qui exporte un quart de sa production avec le luxe de se passer de publicité. Son succès s’est forgé sur le bouche à oreille, les médailles remportées et les cinquante fêtes diverses organisées chaque année dans son château vieux de presque 400 ans, qui orne les étiquettes des bouteilles.

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ère au château Au-Hallertau, en Bavière (Photo : Christof Stache)

La volonté est de surtout ne pas basculer du côté des grands. Avec 60.000 hectolitres fabriqués par an, “nous allons rester dans cet ordre de grandeur, en faisant de la bière de qualité à un prix plus élevé”, explique M. Beck von Peccoz, fringuant quinquagénaire en veste traditionnelle bavaroise.

Avec seulement 1.000 hectolitres produits par an, la bière de M. Solkowski à Potsdam n’est elle servie que dans le restaurant, à l’entrée duquel houblon, malt et eau mijotent dans des cuves de cuivre. Pour ne pas la vendre plus chère, elle n’est ni filtrée ni mise en bouteille, explique le sexagénaire, qui espère transmettre la brasserie à l’un de ses fils.

Phénomène visible ailleurs qu’en Allemagne, surtout aux Etats-Unis, en Belgique ou en France, ces bières dites spéciales restent “encore un marché de niche” mais elles ont “un potentiel considérable à moyen et long terme”, anticipe M. Demleitner.

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és pour fabriquer la bière au château Au-Hallertau, en Bavière (Photo : Christof Stache)

La principale inquiétude de Jürgen Solkowski pour l’avenir vient du ciel. Une journée normale, il écoule presque trois fois moins de bière que par un beau samedi ensoleillé.

“Une bière doit avoir un goût qui donne envie d’en boire une autre. Et c’est là tout le secret d’une bière artisanale”, vante Erich von Lobkowicz.