Le bas de laine des Français appelé au secours du financement des PME

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argent liquide (Photo : Philippe Huguen)

[06/03/2013 16:54:03] PARIS (AFP) Les Français épargnent massivement mais leurs PME peinent à se financer et croître sans se faire avaler par de grands groupes: une vaste réflexion est engagée en France sur les moyens de canaliser une partie de ce confortable bas de laine vers les entrepreneurs.

Ce sont 3.500 milliards d’euros d’épargne financière souvent peu risquée et généreusement défiscalisée qui font de l’Hexagone un des pays les plus épargnants.

“Aujourd’hui, si vous êtes normalement constitué, votre banquier vous propose d’abord le livret A puis le LDD puis, s’il y a encore un peu d’argent, il vous fait ouvrir un plan épargne logement et, s’il reste vraiment quelque chose, on vous conseille l’assurance vie”, résume dans un sourire Jean Rognetta, président de PME Finance.

“Tous ces produits, extrêmement liquides donc relativement sûrs, sont fortement incités fiscalement”, poursuit M. Rognetta, dont l’organisation regroupe toutes les professions du financement des petites et moyennes entreprises (PME).

Or, le besoin de financement des entreprises françaises est de “80 milliards d’euros par an qui ne sont plus couverts par les financements bancaires”, fait remarquer Arnaud de Bresson, délégué général d’Europlace, qui fédère les principaux acteurs de la place financière de Paris.

L’économiste Jean-Hervé Lorenzi avance lui le chiffre de 20 milliards d’euros nécessaires aux PME et entreprises de taille intermédiaire, plus fortement génératrices d’emplois.

Le président François Hollande a annoncé en septembre la mise en place d’un plan d’épargne en action à destination des PME, qui viendrait donner l’exemple et doper la participation des particuliers dans le financement du tissu économique. Une promesse reprise dans le Pacte emploi compétitivité présenté par le gouvernement le 6 novembre.

“Sortir du baratin habituel”

“3.500 milliards d’euros d’épargne financière, c’est largement suffisant. La question qui se pose c’est la façon dont cet argent est orienté”, a commenté la députée socialiste et économiste Karine Berger, lors d’un récent colloque organisé par PME Finance auquel participaient entrepreneurs et investisseurs. Mme Berger doit rendre à la mi-mars un rapport sur la réforme de l’épargne avec le député socialiste Dominique Lefebvre.

“Nous avons l’épargne, elle est mal placée”, a-t-elle lancé.

Le pays est confronté à “un déficit de compétitivité” qui doit l’amener à s'”intéresser aux entreprises qui feront l’économie de demain”, a souligné de son côté Thierry Giami conseiller de la direction générale de la Caisse des dépôts et président de l’Observatoire du financement des entreprises par le marché. “Nous devons réinvestir infiniment plus que ce que ce que nous avons fait jusqu’à présent dans l’innovation”, a-t-il averti.

Au cours de ses multiples auditions, Mme Berger a constaté deux faiblesses majeures de la France. D’une part, le peu d’incitation au risque. D’autre part, la perte du contrôle de décision par un créateur d’entreprise lorsque des investisseurs deviennent majoritaires dans sa société, le dissuadant de la faire croître.

Sur le premier point, Mme Berger appelle à “obliger les gens à s’interroger sur la rentabilité de ce qu’ils financent”. “C’est quand même le b.a.-ba du mécanisme entrepreneurial”, lance-t-elle.

Quant à la protection de l’actionnaire minoritaire, elle suggère de regarder du côté de l’Allemagne qui dispose d’une loi protégeant fortement ceux qui ont réellement créé et développé leur entreprise.

Concernant le projet de création d’un PEA-PME, quel que soit le type de structure que l’on retiendra, si on ne résout pas la question de la protection de l’actionnaire minoritaire, “on risque de créer un canal qui n’arrive nulle part”, a-t-elle averti.

“Le vrai sujet c’est qu’il va y avoir une vraie discussion pour la première fois depuis longtemps”, a affirmé l’économiste Jean-Hervé Lorenzi au cours du colloque, appelant à agir et à “sortir du baratin habituel” sur la croissance des PME en France.