Venezuela : après Chavez, le secteur pétrolier ne connaîtra pas de révolution

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étrol sur les bords du lac Maracaibo au Venezuela (Photo : Juan Barreto)

[06/03/2013 15:07:55] LONDRES (AFP) Après la mort d’Hugo Chavez, le secteur pétrolier vénézuélien, nationalisé et utilisé comme arme politique, ne connaîtra pas de changement radical immédiat mais une ouverture accrue sera nécessaire à terme pour doper l’exploitation des réserves de brut.

“C’est la fin d’une époque, Chavez laisse derrière lui un vide politique qui sera extrêmement difficile à remplir”, mais en même temps, si son vice-président et dauphin Nicolas Maduro est élu pour lui succéder, “il maintiendra la même approche nationaliste envers le secteur pétrolier”, a indiqué à l’AFP Diego Moya-Ocampos, analyste d’IHS Global Insight.

“La transition laisse planer une incertitude sur la production de brut du pays, mais nous ne nous attendons pas à des changements majeurs dans la politique pétrolière de Caracas”, ont abondé les experts du cabinet JBC Energy.

Selon eux, “il y a notamment peu de chances de voir le pays s’ouvrir davantage (dans l’immédiat) à des investissements étrangers accrus, alors que se poursuivent des litiges avec des compagnies internationales”, tel l’américain ConocoPhillips.

Le parcours d’Hugo Chavez est très étroitement lié à la manne pétrolière, qui a accompagné son ascension politique et dont il a fait sa principale arme, nationalisant les actifs de firmes étrangères et imposant le contrôle de la compagnie publique PDVSA sur tous les projets pétroliers et gaziers.

Elu en décembre 1998 dans un pays en grave crise en raison de la chute des prix du brut, M. Chavez a ensuite profité de la forte reprise des cours du baril (multipliés par 10 en une décennie), investissant des milliards de pétro-dollars dans ses “missions sociales” destinées aux classes populaires et gâtant ses alliés diplomatiques.

Le Venezuela fournit ainsi à Cuba quelque 100.000 barils de pétrole par jour à des conditions préférentielles et en échange de personnel médical. Le Nicaragua reçoit quant à lui 10 millions de barils de pétrole par an et des aides sociales, et l’Uruguay entre 6 et 8 millions de barils par an.

Mais c’est la Chine, très soucieuse de sécuriser ses approvisionnements énergétiques, qui pourrait pâtir le plus d’une érosion des relations privilégiées qu’elle avait tissées avec le régime d’Hugo Chavez.

Après avoir accordé à Caracas des crédits massifs, via la Banque chinoise de développement (CDB), en contrepartie d’un remboursement en hydrocarbures, “Pékin va s’inquiéter de l?avenir de ce placement stratégique”, a souligné Jean-François Dufour, expert du cabinet de conseil DCA Chine-Analyse.

“Alors que le gouvernement chinois a prêté près de 50 milliards de dollars au Venezuela (au cours des cinq dernières années), les incertitudes politiques pourraient décourager la Chine d’accorder des pétro-crédits supplémentaires (…) or, ces prêts chinois sont devenus cruciaux” pour les finances vénézuéliennes, a ajouté M. Rees.

La rente pétrolière représentant 90% des ressources en devises du pays, “la capacité d’une éventuelle administration Maduro à continuer la politique sociale de Chavez dépendra d’un accroissement de la production pétrolière”, ce qui pourrait l’inciter à plus de flexibilité dans ses relations avec les compagnies internationales, a estimé de son côté Diego Moya-Ocampos.

Mais même une plus grand ouverture aux capitaux étrangers ne bouleversera pas la donne du jour au lendemain: “il a fallu dix ans à M. Chavez pour délabrer l’industrie pétrolière du pays, il faudra probablement dix ans pour qu’elle remonte la pente”, a jugé David Rees. La production de brut s’est effondrée de 25% sous la présidence Chavez, faute d’investissements suffisants.

Dans tous les cas, le Venezuela devrait rester un acteur majeur des marchés pétroliers. Selon des estimations d’économistes du groupe pétrolier BP, il possède les plus grosses réserves prouvées de brut de la planète (296 milliards de barils), devant l’Arabie saoudite (265 milliards).

Mieux, malgré les accrochages politiques, le Venezuela exporte 36% de sa production pétrolière vers les Etats-Unis — dont il était en 2012 un des principaux fournisseurs de pétrole derrière le Canada, l’Arabie saoudite et le Mexique, couvrant environ 10% des importations américaines.