Près de Paris, des producteurs de champignons font de la résistance

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à Montesson (Yvelines), le 27 février 2013 (Photo : Franck Fife)

[03/03/2013 10:50:30] MONTESSON (France / Yvelines) (AFP) Ils ne sont plus qu’une poignée à perpétuer la tradition, dans un marché de plus en plus concurrentiel: à quelques kilomètres de la capitale, les derniers producteurs de “champignons de Paris” font de la résistance pour que cette espèce reste une spécialité régionale.

Cultivé en abondance au 19e et au début du 20e siècle dans les carrières de l’Ile-de-France, jusqu’à emprunter son nom générique à la Ville Lumière, le petit champignon à chapeau blanc s’est éloigné des sous-sols parisiens avec l’avènement de l’agriculture industrielle.

Une centaine de producteurs en 1950, cinquante en 1970 et seulement six aujourd’hui… “La plupart des exploitations, ces dernières années, ont mis la clé sous la porte”, constate Didier Dupin, directeur de l’Interprofession du champignon de couche.

En cause: la concurrence nationale, notamment des producteurs du Val de Loire, mais aussi et surtout celle des autres pays européens, comme la Pologne et les Pays-Bas, voire de la Chine, omniprésente dans le secteur des champignons en conserve et surgelés.

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és à Montesson, dans les Yvelines, le 27 février 2013 (Photo : Franck Fife)

En 2011, 108.000 tonnes d’agaricus bisporus (nom scientifique du champignon de Paris, espèce la plus cultivée et la plus consommée au monde) ont ainsi été produites en France, contre 250.000 en Pologne et 304.000 aux Pays-Bas. La production francilienne s’élevait seulement à quelques tonnes.

Le chant du cygne pour le champignon “made in Paris”? “Pas pour autant”, tranche Françoise Chancel, chargée d’études à la chambre d’agriculture d’Ile-de-France. “Il y a encore des perspectives. Et la filière existe encore, même si les producteurs sont peu nombreux”, ajoute-t-elle.

Parmi ceux qui perpétuent la tradition: Angel Moioli, 52 ans, installé depuis près de vingt ans dans une ancienne carrière de pierre de taille à Montesson (Yvelines), à quelques kilomètres à vol d’oiseau du quartier d’affaires de la Défense.

“La concurrence est rude. En Pologne, la main d’oeuvre est beaucoup moins chère, on ne se bat pas à armes égales. Mais on a un savoir-faire, une tradition qu’on peut encore défendre”, soutient ce fils et petits-fils de champignonniste, en manipulant quelques “agarics” fraîchement sortis de terre.

“Plus c’est près, plus c’est frais”

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à Montesson (Yvelines), le 27 février 2013 (Photo : Franck Fife)

Derrière lui, des milliers de champignons de toutes tailles se pressent sur de vastes plateaux, remplis de compost élaboré à partir de paille et de fumier de cheval. Dans ses caves, la température oscille autour de 15 degrés et le taux d’humidité est surveillé de près.

“Aux Pays-Bas, les champignons poussent dans des hangars ou dans des serres. La température est plus élevée, pour qu’ils grandissent plus vite, mais du coup ils ont moins de goût et la chair est moins ferme. Le champignon est un filtre. Il absorbe tout de l’atmosphère qui l’entoure”, explique-t-il.

Voilà trois ans, ce quinquagénaire affable a failli mettre la clé sous la porte, faute de débouchés suffisants. Pour survivre, il a choisi de diversifier sa production, étendue aux pleurottes et shiitake (un champignon asiatique). Mais aussi de modifier son système de distribution, en privilégiant les circuits courts.

“Avant, je travaillais avec des grossistes à Rungis. Aujourd’hui, je vends principalement par le biais des Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) mais aussi en vente directe”, souligne Angel Moioli, qui revendique le caractère “artisanal” de sa production.

“J’essaie de faire un champignon qui a du goût, pas des choses insipides”, assène le champignonniste, qui a converti une partie de sa production en bio.

Une marque de fabrique à défaut d’une appellation d’origine, dont ne bénéficie pas le champignon de Paris. “Les producteurs doivent jouer sur la qualité et la proximité. Le champignon, plus c’est près, plus c’est frais”, souligne Didier Dupin.