Tunisie – Politique : Le président Marzouki condamne le lynchage de Mohamed Nakdh

m-marzouki-220.jpgEn prenant à contrepied le ministère de l’Intérieur, le président Marzouki relance la thèse de la nomination de personnalités indépendantes à la tête des ministères de souveraineté.

Militant des Droits de l’Homme, il l’est; militant des Droits de l’Homme il l’est resté. Le président Marzouki, dans son interview à la télé, a bel et bien accrédité la thèse du lynchage du militant de Nidaa Tounes, feu Mohamed Nakdh. Et, il l’a condamné de manière nette et franche. Il a su, en des termes épiques, visualiser à l’opinion publique les méfaits de cette tragédie. Il a bien spécifié que lorsque des milices agissent pour leur propre compte pour des raisons d’épuration, c’est un déni d’Etat.

Pareil quand des citoyens, sous la menace, prennent le pari de se défendre par eux-mêmes, cela met out la sûreté nationale. Et c’est le chaos. Mais tout en représentant la chose avec pertinence, le président de la République provisoire a été assez laconique sur des sujets non moins essentiels. Quel message essentiel voulait adresser le président à l’opinion?

Faire barrage au fléau du crime politique

La dénonciation du crime politique par un militant des Droits de l’Homme restitue toute la dimension apocalyptique du phénomène. Il en appelle à la conscience des partis politiques pour circonvenir le fléau. Avec des non-dits, il semblait indiquer que l’irruption des «pasdaran» tunisiens, les protecteurs de la révolution, organisés en corps d’intervention et d’intimidation, on risque la reproduction du scénario iranien, avec en bout de course une République islamique.

Que l’ordre soit bafoué, au vu et au su de tous, et principalement des responsables de la sûreté nationale, cela peut être l’amorce du “détricotage“ de l’ordre national et peut-être même de l’Etat. Le péril est en la demeure, indiquait le président Marzouki, avec ce qu’il a de bonne foi.

Ses attributions ne lui permettent pas de peser directement sur le cours des choses, aussi a-t-il recours au bon sens et à la clairvoyance politique. Le pays risque gros. Il peut être englouti dans la spirale de la violence si on la laisse s’installer. Et, alors, notre rêve de transition démocratique s’évanouira comme de la fumée.

La circonstance est grave et la vindicte politique risque de mettre le feu aux poudres. Les sentiments d’exclusion et le marquage individuel des militants politiques appellent à un appareil de sûreté qui campe sur une attitude républicaine ferme et sans équivoque. L’appel à des personnalités politiques indépendantes à la tête des ministères de souveraineté, qui semble être la conséquence logique de la réflexion du président de la République, prend tout son relief, dans ce climat de tension. Lee président voit-il juste?

«L’angélisme» du président

Autant il a vu juste, sur la question de la sécurité dans le pays, autant le président ne semble pas prendre la mesure des enjeux pour la Rédaction de la Constitution. Mazouki, qui s’est démarqué de son parti autant sur la question du meurtre politique que pour l’initiative de l’UGTT -et c’est tout à son honneur de militant des Droits de l’Homme qu’il est resté- ne paraît pas prendre la juste mesure des problèmes qui sous-tendent la finalisation du texte de la Constitution. On a vu un président qui croit que la concorde a régné et que le texte final sera celui d’une Constitution «laïque», c’est-à-dire celle d’un Etat «citoyen» et non religieux. C’est mal connaître ses partenaires dans la coalition. Tous les chefs des principales commissions sont issus du parti Ennahdha. Dans ces conditions, comment pourraient-ils retourner devant leurs bases électives s’ils souscriraient pour une Constitution d’un Etat non religieux?

Là où il ne voit qu’harmonie et concorde, il y a le plus gros bogue constitutionnel. Sur la nature du régime et sur la nature de l’Etat, il est presque quasiment acquis que nous aurons recours au référendum tant les positions en présence sont antinomiques. Et ce dont préviennent tous les constitutionnalistes et qu’il faut redouter par-dessus tout, c’est l’hypothèse d’un non au referendum qui nous laisserait dans une totale impuissance avec un système entièrement paralysé.