Affaire du film anti-islam : Les pouvoirs islamistes issus du printemps arabe dans la tourmente?

 

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Les pouvoirs essentiellement islamistes, issus du printemps arabe, ne sont-ils pas, pour la première fois, face-à-face avec l’administration américaine, attaquée violemment par une frange des populations des pays qu’ils gouvernent et qui la tiennent pour responsable de la production de ce film et de sa diffusion. Un « allié » dont ils ont bénéficié d’un soutien certain.

Maintenant que l’on sait un peu plus sur le film anti-islam du réalisateur israélo-américain Sam Bacile (il s’agirait d’un pseudonyme), qui s’attaque dans un film de série « Z » (« L’innocence des musulmans » (Innocence of Muslims)), avec haine, au prophète Mohamed (SAWS) et présente les musulmans comme immoraux et violents, on pourrait se demander si, avec cette affaire, donc, les pouvoirs essentiellement islamistes issus du printemps arabe ne se trouvent-ils pas, peut être, pour la première fois, face-à-face avec l’administration américaine, attaquée violemment par une frange des populations des pays qu’ils gouvernent et qui la tiennent pour responsable de la production de ce film et de sa diffusion.

Un instigateur ?

Ces pouvoirs, qui ont –faut-il le rappeler- toujours bénéficié d’un soutien certain des Etats-Unis d’Amérique, sont dans une situation à laquelle ils ne s’attendaient pas. Ils vivent même un dilemme qui va, estiment des observateurs, marquer les relations qu’ils entretiennent avec le pays de l’Oncle Sam. Cette situation –on le devine- ne pourrait que les indisposer.

Comment ? Voilà, en effet, une affaire sur laquelle ils ne peuvent, d’une part, pour des raisons bien évidentes, se taire et dans lequel l’ « allié » américain est perçu par une partie des peuples de la région, sans doute, comme parti prenante, voir un instigateur. Allez, en effet, expliquer à la foule qui manifeste contre le film de Sam Bacile que les responsables américains n’ont pas réellement laissé faire. Le film n’a-t-il pas été produit et diffusé aux Etats-Unis d’Amérique au vu et au su des autorités de ce pays ? Son réalisateur n’est-il pas, à ce qu’on dit, américano-israélien ? Et n’est-il pas admis que les Américains défendent toujours Israël contre les Arabes et les Musulmans?

Rien de plus normal, dans ces conditions, que leurs représentants et militants réagissent vigoureusement en appelant même à manifester. Ce fut le cas du moins en Egypte où les Frères musulmans, dont est issu le chef de l’Etat, ont appelé à une manifestation pour vendredi 14 septembre 2012 avant, il est vrai, qu’ils n’invitent leurs partisans à faire marche arrière.

Il y a eu mort d’homme

Et d’autre part, ils condamnant tout aussi vigoureusement les actes de violence contre les représentations des Etats-Unis d’Amérique. Ce qui n’est du reste que des plus sages. Comment pourraient-ils faire autrement ? Mais aussi sont obligés de mener des enquêtes pour punir des coupables qui, en apparence, veulent défendre la religion. Les responsables libyens collaboreraient, à ce niveau, aux investigations des autorités américaines. Comprenez la CIA, les services de renseignements américains. Le président Barak Obama a demandé, si l’on croit un e dépêche de l’Agence France Presse, en date du 13 septembre, « la collaboration de Tripoli afin d’arrêter et traduire en justice les auteurs des meurtres. »

Ce qui est du reste de bonne guerre. Il n’est un secret pour quasi personne que les services de renseignement collaborent ensemble. Des révélations ont, à plusieurs reprises, fait état de collaborations contre nature : israéliens et palestiniens, soviétiques et américains au plus fort de la guerre froide.

Mais là aussi allez expliquer à la rue libyenne, par exemple, que les autorités libyennes auraient accepté, en la matière, de travailler main dans la main avec les services du pays d’où le mal est parti. Ou que ces autorités aient, plus ou moins, laissé faire concernant le survol des locaux de l’ambassade américaine de Benghazi par des drones américains. Une dépêche de l’agence Reuters a soutenu, le 14 septembre, en effet, qu’un responsable libyen a reconnu que ces drones ont survolé « certains quartiers de la ville, prenant des photographies et cherchant à localiser des militants radicaux soupçonnés d’avoir organisé l’attaque de la représentation consulaire. » Pourrait-il, ici aussi, en être autrement ? Il y a eu, bel et bien, mort d’homme –l’ambassadeur des USA en Libye- et des dégâts importants (destruction de locaux, incendie de voiture et saccage de matériel)

L’Egypte est, cela dit, peut-être, le pays qui risque le plus d’être fragilisé par l’affaire du film « L’Innocence des Musulmans ». Et il est à craindre que ceux qui ont déclenché l’affaire de ce film haineux n’aient pas pensé à déstabiliser ce pays. Ne compte-t-il pas une communauté copte, dont l’un de ses membres, un certain Morris Sadek, installé aux USA, aurait joué un rôle dans la promotion du film ? L’Egypte n’entretient-elle pas des relations diplomatiques des plus tumultueuses avec Israël, qui n’est pas en odeur de sainteté avec les Frères musulmans, qui sont le principal soutien du gouvernement égyptien ? Mohamed Ghanem, l’un des leaders des Frères musulmans en Egypte a appelé, en janvier 2011, à arrêter l’approvisionnement en gaz à Israël et à préparer l’armée égyptienne pour une guerre avec son voisin.

Ce dernier avait déclaré pas plus tard qu’en juin 2012 ceci : « Nous avons renversé un des régimes –celui de Hosni Moubarek- parmi les plus répressifs, avec détermination, c’est désormais le temps de la libération des peuples, et d’abord, du peuple palestinien, qui subit la pire occupation jamais imposée à l’Homme, l’occupation sioniste ».

A ce propos, comment ne pas croire, concernant l’affaire de ce film anti-islam au complot. Et comment ne pas craindre aussi que ce film débile et techniquement très mal fait n’ait pas été fait pour semer la zizanie et provoquer des réactions violentes. Soit un piège dans lequel certains sont peut être trop vite tombés.