La productivité tunisienne… en proie au laisser-aller?


manifact-03092012.jpgL’absentéisme
et le relâchement touchent des plus hauts jamais atteints auparavant dans le
secteur manufacturier
en Tunisie, selon certains observateurs. Il faut réagir.
Et vite.

Une année et demie après la révolution, le secteur industriel ne s’est pas
totalement débarrassé des séquelles de la démobilisation ouvrière. Diverses
enquêtes menées auparavant par les chambres mixtes, ou des bureaux d’études
internationaux, tiraient la sonnette d’alarme sur la dérive de la productivité
dans notre pays. Mais il semble qu’à l’heure actuelle la question culmine à un
pic jamais atteint à ce jour. Faut-il laisser faire? Faut-il sévir?

Pourquoi cette négligence comportementale au travail

L’aspect le plus gênant du travail en industrie, c’est la non-identification du
salarié à son entreprise. Les ergonomes situent là le mal profond qui pourrait
être à l’origine de ce qui ressemble à un désintérêt total du salarié à la
pérennité de l’entreprise. C’est un phénomène culturel profond, à traiter avec
doigté.

La question est de savoir si ce comportement, négatif, viendrait du manque
d’intéressement des salariés à la vie de l’entreprise, en réaction à une
attitude négative du management.

Quels sont les faits? Les voici. L’industrie manufacturière en Tunisie souffre
d’une nonchalance des salariés. Pire encore, le phénomène s’étend, selon les
chefs d’entreprise qui ont été consultés pour l’occasion, aux agents de
l’administration publique.

Cette nonchalance du personnel au sein de l’entreprise est apparue après la
chute de l’ancien régime. Le climat de sit-in et des revendications à roulement
continu ont amené cet état d’esprit. A la Fenatex (Fédération nationale du
textile), on l’affirme haut et net: le fléau ne fait que s’accentuer. Cet été,
l’activité des usines de textile connaît un déclin exceptionnel. La chose,
semble-t-il, a pris une autre acuité avec l’arrivée du mois saint.

Des statistiques, toutes récentes encore, font ressortir, selon M. Gherab, un
taux d’absentéisme dans la quasi-totalité des entreprises tunisiennes, lequel a
atteint, ces derniers mois, des niveaux records, allant de 15% à 20%.

Impuissants devant le fléau de l’absentéisme?

Déjà que par temps normal, le taux d’absentéisme dans nos entreprises et nos
administrations était à des niveaux record voisins de 10%. C’est tout simple:
nous sommes au-delà de la moyenne française, qui est déjà supérieure à la
moyenne européenne. En arrivant le matin, le dixième de l’effectif ne répond pas
présent, c’est énorme. Ce sont des journées de travail perdues pour la
collectivité.

Imaginez ce gâchis. Les entreprises paient les travailleurs pour «pointer» leurs
fiches de présence. L’ennui c’est que les chefs d’entreprise, pris dans la
tourmente qu’ils sont, sont plutôt soucieux de volume que de productivité. Il
leur faut sortir les commandes. Les contrats en cours doivent être honorés, pour
ne pas perdre la face avec leurs clients étrangers.

Peut-on sévir? Difficile! Il semble que l’application de la loi devienne de plus
en plus compliquée.

La riposte ouvrière, en représailles à d’éventuelles mesures de coercition,
serait, dit-on, dissuasive. Les chefs d’entreprise ont peur de la mobilisation
revendicative de l’ensemble du corps des salariés.

Autre lest, on cite la mauvaise qualité des services présentés par
l’administration tunisienne, ce qui finit par peser sur le rendement des
entreprises. Certaines entreprises auraient été pénalisées par des pertes de
commandes de ce fait précis.

Les observateurs relèvent que le désordre est devenu courant après la révolution
au sein de l’administration. Il faut dire que ce qui est un nouvel état d’esprit
de révoltés règne dans le corps administratif et le monde du travail.

L’affaire se corse quand, par caprice calendaire, l’été, ce quart chaud et
démobilisateur, est accompagné du mois saint. L’absentéisme prend des
proportions inquiétantes y compris dans certains pans de l’administration,
telles les municipalités, où on parle d’un record de 65%!

Les esprits observent qu’il y a un climat d’impunité. On pense que le défaut de
sanction dans l’administration, dû au climat d’effervescence politique actuel, y
est favorable. Le retour aux opérations d’inspection est en train d’inverser la
tendance.

Comment réactiver la relation motivation/intéressement?

Pour faire face à tout conflit entre la maîtrise et le corps opérationnel, il
est important de trouver un équilibre entre l’application de la loi et la
motivation des salariés. Ceci peut être réalisé en procédant à une approche
participative qui associe le personnel. Faut-il aller vers un nouveau courant
syndical? Du syndicalisme participatif au lieu de celui revendicatif? Cela
paraît probable si l’on améliore le système d’incitation à la productivité.

Dans ce même sillage, la réforme des horaires administratifs, en adoptant un
régime de 5 jours par semaine et prolongeant la période de repos hebdomadaire
(deux jours), pourrait impulser un nouvel état d’esprit et casser cette
mécanique négativiste du rendement.

Beaucoup de chefs d’entreprise se plaignent de la séance unique selon le mode
estival, hérité, faut-il le rappeler, du régime colonial.

Pour surmonter ce problème, il a été proposé d’assouplir les horaires d’été, en
assurant des séances de permanence qui garantissent la continuité du service
administratif, au cours de la saison estivale. Il faut tout essayer si on veut
traiter le fléau à la base.

Est-ce qu’on peut escompter un redressement de la productivité dans le secteur
manufacturier?

A suivre.