Deuxième jour du procès Kerviel : les traders sont-ils des “perdreaux de l’année”?

photo_1338886903576-1-1.jpg
érôme Kerviel au premier jour de son procès en appel, le 4 juin 2012 à Paris (Photo : Martin Bureau)

[05/06/2012 09:02:53] PARIS (AFP) Une salle de marchés n’est pas “une ONG”, ni les traders des “perdreaux de l’année”: Jérôme Kerviel tente de démontrer à son procès en appel que l’objectif de la Société Générale était bien de gagner de l’argent et que beaucoup de coups étaient permis pour y parvenir.

“Quel était votre mandat?”, lui demande au premier jour la présidente de la cour, Mireille Filippini, ancienne juge d’instruction spécialisée dans les affaires financières, pas du genre à s’en laisser conter.

Arbitrage ou “market making”, pour résumer, “mon mandat était de gagner de l’argent pour la banque”, répond l’ancien trader, 35 ans, campé au micro dans son costume sombre, décidé à rester sur la ligne adoptée à son premier procès, en plus offensif.

Il veut démontrer que même s’il est sorti des clous en termes de montants, il n’a fait qu’appliquer des méthodes courantes dans la banque, où spéculation, prise de risques et opérations fictives ne l’ont pas attendu pour exister.

Il est poursuivi pour avoir fait perdre près de 5 milliards d’euros en janvier 2008 à la Société Générale, en prenant sans mandat ni autorisation tout au long de 2007 d’énormes positions spéculatives et d’avoir dissimulé ses agissements à ses supérieurs.

Reconnu coupable notamment d’abus de confiance, il a été condamné en 2010 en première instance à trois ans de prison ferme et à des dommages et intérêts de 4,9 milliards, montant de la perte dont il refuse d’assumer la responsabilité.

photo_1338886916670-1-1.jpg
és dans des scandales financiers

Lui considère qu’il aurait pu se refaire, si on lui en avait laissé le temps et la possibilité. Ce qui fait hurler la banque et ses avocats, qui vont s’employer, comme au premier procès, à démontrer que le trading à la Société Générale n’est pas un film hollywoodien.

Tout le monde le faisait

La présidente de la cour n’a pas fait de cadeau à Jérôme Kerviel, évoquant tout de suite la “charte déontologique” qu’il a signée lorsqu’il est devenu trader à la Société Générale, l’engageant à la loyauté, à la confiance réciproque, à la prudence. Il y est dit qu’il ne faut pas chercher à gagner de l’argent en faisant bouger les marchés.

Pas gagner d’argent? L’ancien trader lâche un rire désabusé. “Evidemment qu’on est là pour gagner de l’argent! Les salles de marché, c’est une ONG?”, s’interroge-t-il, en répétant qu’il y a un “énorme gap” (écart, ndlr) entre ce qui peut s’écrire ou se dire officiellement, et ce qui se fait.

Pour preuve, en 2005, il réalisait un résultat de 5 millions d’euros, qui devenait son objectif assigné pour 2006. En 2006, son résultat était de 12 millions, lequel devenait l’objectif pour 2007. Cette année-là, il engrangeait officiellement 55 millions, ce qui devenait le but pour 2008…

Une représentante de la Société Générale, Claire Dumas, qui était déjà là au premier procès, s’emploie à démonter ses arguments, maintient que la règle de la salle de marchés est la prudence.

“Ca veut dire quoi, gérer le risque?”, demande Jérôme Kerviel. “+Je gère mon risque+, dans la bouche d’un trader, ça ne veut pas dire +je ne prends pas de risques+”.

“J’ai fait ce que j’ai appris”, insiste le jeune homme, assurant que les traders du service “Delta One” auquel il appartenait avaient “plus ou moins les mêmes techniques”.

“Sur un desk de trading, ce ne sont pas des perdreaux de l’année, on se comprend entre nous”. Et s’il n’a pas dit clairement par exemple qu’il “planquait du résultat”, c’est juste parce que “tout le monde le faisait”.

Le procès reprend mercredi, avec l’examen de l’année 2007, durant laquelle Jérôme Kerviel a pulvérisé toutes les limites, toutes les normes, se trouvant “perdant” d’abord, puis “gagnant” à la fin de l’année. Avant de plonger début 2008.