Endettement extérieur et politique de change dans le contexte de transition : Contraintes de résilience macroéconomique et pistes de réformes pour la Tunisie (4)

Par : Autres

Les contraintes externes du pilotage macroéconomique

Les vulnérabilités du secteur extérieur en Tunisie restent circonscrites au
niveau de la dette extérieure. Du fait que la part des emprunts contractés à des
taux d’intérêt variables s’est considérablement accrue, les fluctuations des
taux d’intérêt sur le marché financier international accroissent la
vulnérabilité et imposent de s’interroger à la fois sur la soutenabilité mais
aussi la viabilité de la dette externe.

Dans ce qui suit, nous démontrons que la dette extérieure de la Tunisie n’est
qu’en apparence soutenable du point de vue de son profil de stabilité et ne
l’est pas au sens de la contrainte de solvabilité optimale inter-temporelle qui
exige des flux futurs d’excédents de la balance courante.

En revanche, la dette externe n’est cependant pas viable compte tenu de son
extrême vulnérabilité à l’instabilité du taux de change et aux fluctuations des
taux d’intérêt.

1. Les contraintes de soutenabilité de la dette externe

La littérature économique abonde de définitions sur la notion de soutenabilité.
La dette externe est soutenable:

(i) si elle permet à terme de ramener le rapport de la dette au PIB à son

niveau initial (condition de stabilité),

(ii) si elle assure à terme la condition de solvabilité inter-temporelle de
l’Etat, c’est à dire si elle garantit que la dette externe ne croîtra pas dans
des proportions excessives telles que l’Etat ne puisse assurer son remboursement
(seuil d’insolvabilité). Cette dernière définition consiste donc à évaluer la
soutenabilité de la dette extérieure à partir de l’étude de sa solvabilité
optimale définie en relation avec la contrainte inter-temporelle.

En d’autres termes, la dette externe est considérée comme soutenable si la
valeur présente (actualisée) des flux de surplus courants futurs est égale à
l’endettement extérieur.

Empiriquement la soutenabilité est perçue comme étant une condition de stabilité
dans un contexte déterministe et comme une condition de stationnarité dans un
contexte aléatoire. La soutenabilité est donc une relation temporelle à long
terme.

Deux méthodes de calcul sont alors utilisées: (i) la méthode comptable et (ii)
la méthode actuarielle intégrant des tests économétriques et s’appuyant sur la
contrainte budgétaire inter-temporelle de l’Etat.

Selon la méthode purement comptable, l’approche de la solvabilité optimale
permet de conclure que la dette externe de la Tunisie n’est pas soutenable du
fait simplement de l’ampleur du déficit courant (En dépit des flux en devises
provenant des recettes touristiques et des transferts de revenus (remittances),
le déficit courant demeure essentiellement imputable au déficit structurel de la
balance commerciale).

En revanche, l’approche de stabilité permet de nuancer le propos. L’idée
fondamentale est de déterminer un déficit extérieur net requis (ou soutenable)
qui représente un solde du compte courant compatible avec un ratio d’endettement
extérieur par rapport au PIB stable au cours du temps (condition de
soutenabilité de la dette extérieure). Un écart positif (resp. négatif) entre le
déficit extérieur net requis et le déficit extérieur net effectif indique une
soutenabilité (resp. insoutenabilité) de la dette externe.

La méthodologie usuelle permet de déduire les résultats suivants:

tableau-05954214445.jpg

En dépit des flux en devises provenant des recettes touristiques et des
transferts de revenus (remittances), le déficit courant demeure essentiellement
imputable au déficit structurel de la balance commerciale.

2. Les contraintes de viabilité de la dette externe

Les tests de résilience ou de résistance sur la viabilité de la dette extérieure
démontrent que son profil est extrêmement vulnérable aux chocs sur les taux de
change et d’intérêt. Les tests paramétrés sur le ratio de la dette extérieure en
pourcentage du PIB effectués régulièrement par le FMI dénotent des résultats
suivants:

tableau-05954214445-1.jpg

Compte tenu de la dépréciation moyenne réelle du taux de change effectif de
l’ordre 15,4% en termes cumulés durant la période de référence 2005-2010,
l’hypothèse de gonflement du ratio de la dette extérieure par rapport au PIB est
plus que vraisemblable. En revanche, et fonction des données des marchés
financiers internationaux, et à supposer par mesure de prudence une indexation
des écarts des taux d’intérêt sur les spreads des risques de défaut, de l’ordre
de 257 points de base, il serait aussi envisageable d’anticiper un accroissement
du ratio de la dette externe par rapport au PIB.