Afrique – Tunisie : Pourquoi ce qui se passe au nord du Mali nous concerne!


mali-15042012-art.jpgLe Mali, certes c’est loin. Plus de 3.000 kilomètres nous séparent de ce pays
africain. Mais, selon de nombreux analystes, si les indépendantistes du nord de
ce pays arrivent à s’implanter durablement sur cette partie (environ deux tiers
du
Mali équivalent à 900.000 Km2),et y créent un Etat, il y a risque de voir
l’onde de choc de l’islamisme violent et criminel déstabiliser une bonne partie
de l’Afrique. Et les pays de l’Afrique de l’Ouest et son voisin du Nord,
l’Algérie, ne sont pas les seuls concernés ; les pays situés dans leur
périphérie le sont également et qui peuvent être exposés à une vague déferlante
de terrorisme.

«La Tunisie dénonce l’attaque contre le consulat d’Algérie à Gao au nord-est du
Mali et l’enlèvement du consul algérien et de six membres de sa mission par un
groupe non identifié. Il s’agit là d’actes qui sont contraires aux coutumes
internationales et aux deux conventions de Vienne».

Le communiqué diffusé, vendredi 6 avril 2012, par le ministère tunisien des
Affaires étrangères, poursuit en ces termes: «La Tunisie réaffirme son
attachement absolu au principe du respect de la légitimité constitutionnelle et
à la préservation de l’intégrité territoriale du Mali ainsi que de sa sécurité
et de sa stabilité».

Le citoyen tunisien, qui prend connaissance de ce communiqué, applaudit. La
Tunisie ne pouvait pas ne pas manifester sa solidarité à l’égard de l’Algérie
voisine. Un pays avec lequel la Tunisie est liée par une véritable communauté de
destin.

Menace pour la sécurité de la Tunisie

Certes, mais ce qui se passe, depuis l’installation, en mars-avril 2012, d’un
nouveau pouvoir indépendantiste au nord du Mali, ne peut qu’intéresser au
premier chef la Tunisie. En effet, même si notre pays n’a pas de frontière avec
le Mali –situé à plus de 3.000 Km des frontières de notre pays-, les
indépendantistes qui règnent sur Kidal, Gao et Tombouctou, peuvent menacer la
sécurité de notre pays.

Le Mali est un pays frontalier de l’Algérie. La frontière entre ces deux pays
est longue de 1.375 Km et est, par endroits, poreuse. Les habitants des deux
côtés de la frontière, qui connaissent le moindre arpent de terre et la moindre
dune comme le moindre palmier et le moindre caillou, traversent, chaque jour, de
longues distances dans les deux sens, depuis des siècles du reste, en déjouant
tous les contrôles des douaniers et de l’armée, dont la présence a été renforcée
ces dernières années.

Poreuse, la frontière l’est, par ailleurs, avec les nombreux autres pays
frontaliers du Mali: le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, la
Mauritanie et le Sénégal. Cette position centrale du Mali constitue d’ailleurs
une source d’inquiétude. Elle fait de ce pays un véritable carrefour qui
favorise des déplacements dans tous les sens. Les contrôles sont menés, souvent
avec des moyens sophistiqués: rien n’y fait, les passoires existent. Cette vaste
sous-région du Continent noir a été du reste toujours appelée par les géographes
médiévaux arabes «Bled-es-siba» (pays du désordre), caractérisée par la présence
de tribus jalouses de leur indépendance et marquée par une dilution des
frontières et une grande mobilité des hommes.

Inutile de préciser que des empêcheurs de tourner en rond ont saisi les
avantages que leur procurent les vastes espaces désertiques de cette zone. Ils
la fréquentent assidûment, depuis au moins une dizaine d’années –notamment
depuis que les riverains et la communauté internationale ont resserré l’étau
autour des adeptes du jihadisme violent et criminel-, dans ce vaste territoire
au climat en partie saharien, et les zones frontalières qui l’entourent, un
terreau pour préparer l’avènement d’un ordre –islamiste– «nouveau» dans la
région.

Avec camps d’entraînement et stockage d’armes. Les Etats-Unis d’Amérique ont
créé, en juillet 2008, un commandement unifié pour l’Afrique dont l’acronyme est
AFRICOM, avec l’objectif précisément de coordonner les activités militaires dans
le Sahara africain. Il compte 3.600 hommes. La France dispose également de
forces spéciales dédiées à une intervention dans le Sahel africain. Elles sont
positionnées en Côte d’Ivoire et à Djibouti.

Drogue, armes, rapt d’étrangers…

Mais aussi trafics en tous genres. Drogue (notamment la cocaïne en provenance
d’Amérique du sud), armes, rapt d’étrangers avec demandes de rançon, braquages…
les occupants des lieux ne reculent devant rien. Comment en effet ont-ils pu
financer les armes dont ils disposent et le «nouvel» establishment auxquels ils
aspirent?
Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) réclame “au moins 90 millions
d’euros” (imaginez 180 milliards de nos millimes) de rançon pour la libération
de quatre Français enlevés en septembre 2010 au Niger. Une manne capable de
financer les quelque …100.000 fusils Kalachnikovs qui circulent dans cette zone
qui constitue «une poudrière démographique»: le taux de croissance de la
population serait de 3,5%. Et qui se trouve être très riche en ressources
naturelles: phosphates, uranium, fer, cuivre, pétrole, cuivre, étain, sel et or.
Un élément central pour opérer une analyse géopolitique.

Le canevas dressé plus haut donne toute la mesure des dangers qui guettent la
Tunisie notamment ceux qui peuvent provenir de la frontière avec la Libye somme
toute proche: la frontière entre l’Algérie et la Lybie –deux pays voisins de la
Tunis, faut-il le rappeler?- est longue de quelque 900 kilomètres. Or, certaines
régions libyennes situées de l’autre côté de la frontière algérienne sont
gagnées par le chaos.

Dans ce contexte, les activistes du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad),
qui occupent aujourd’hui le devant de l’actualité dans le nord du Mali et qui
ont été rejoints par les hommes du groupe touareg d’Ansar Eddine d’Iyag d’Ag
Ghaly -de tendance intégriste-, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en
Afrique de l’Ouest (MUJAO, «filiale» de l’AQMI) ont longtemps bénéficié d’un
soutien financier de taille du régime de l’ancien dirigeant libyen Kadhafi. Des
guerriers Touareg ont servi même dans l’armée libyenne avant la révolution du 17
février 2011. Des sources dignes de foi indiquent que 400 d’entre eux ont
rejoint les rangs d’Ansar Eddine. C’est dire que ces guerriers ont –encore- de
solides relations en Libye.

En clair: selon de nombreux analystes, si les indépendantistes du nord malien
arrivent à s’implanter durablement dans ce territoire, il y a risque de voir
l’onde de choc de l’islamisme violent et criminel avoir un pied à terre en
Afrique. Et les pays de l’Afrique de l’Ouest et son voisin algérien, qui se
doivent de gérer la crise malienne, qui a une influence directe sur leur
sécurité nationale, ne sont pas les seuls concernés. Sont concernés également
les pays situés dans leur périphérie qui peuvent être exposés à une vague
déferlante de terrorisme: le Maroc, la Tunisie, le Niger, le Tchad,… Et même
bien au-delà.

Ne l’oublions pas: en février 2008, l’AQMI a kidnappé sur le territoire tunisien
deux touristes autrichiens (Wolfgang Ebner, 51 ans, et sa compagne Andrea
Kloiber, 44 ans) pour les guider aux confins du Mali. Les ravisseurs avaient
également demandé le versement d’une rançon de 5 millions d’euros (10 milliards
de nos millimes), ensuite réduite à 2 millions d’euros (4 milliards de millimes).
Ils ont été libérés en octobre de la même année.

L’affaire qui a, alors, déferlé la chronique, s’était déroulée dans un contexte
différent. Aussi bien la Libye qu’en Tunisie, la situation sécuritaire était
meilleure. Du moins en apparence. Que dire aujourd’hui? Vendredi 6 avril 2012,
le jour où le département tunisien des Affaires étrangères diffusait son
communiqué sur la situation au Mali, cinq Tunisiens s’adonnant au commerce des
hydrocarbures étaient kidnappés par des hommes en armes à la frontière
tuniso-libyenne. Le pire ne peut-il pas être envisagé?