PUBLICATION – Livre – Tunisie : «‘‘Le complot’’ – Barraket Essahel» de Sami Kourda (*)


le-complot-02042012-art.jpgIII – La délivrance

Et au total, le Commandant Kurda, de son arrestation jusqu’à sa libération, a
passé un an et quatre mois, dont un mois et demi de sévices et d’humiliations
diverses.

D’un interrogatoire à l’autre, le Commandant Kourda est tout simplement
exaspéré, n’en pouvant plus avec ce suspense qui entoure son accusation, et
surtout l’ambiance faite de cris, de hurlements émanant de tous les étages, de
tous les bureaux, ceux d’autres suspects arrêtés par la sécurité militaire. Ce
n’est que plus tard, «à la prison civile de Tunis, que nous finirons par
comprendre que nous devions servir d’alibi au tyran pour lui permettre de
traduire les chefs d’Ennahdha devant un tribunal militaire pour leurs
accointances supposées avec les officiers putschistes».

En attendant, il est transféré à la caserne de police de Bouchoucha pour un
énième interrogatoire, ou plutôt pour une intimidation musclée: «Bon, Monsieur
Kourda, on commence par le commencement. Alors, tu as donc participé au complot
de Barraket Essahel le dimanche 6 janvier 1991 en accord avec le mouvement
islamiste Ennahdha?». Réponse: «Désolé, Monsieur, mais je n’ai participé à
aucune réunion, je n’ai aucun lien avec aucun mouvement politique, je n’ai rien
à dire sur toute cette affaire dont j’ignore les tenants et les aboutissants.
Monsieur le ministre de l’Intérieur Abdallah Kallel a été sensibilisé à toute
cette affaire me concernant, je pense».

Le début de la délivrance se fait pressentir lorsque, pour être traduit devant
le Juge d’instruction militaire, il est enfin permis au Commandant Kourda de se
raser, de se laver, de recouvrir ses droits primaires d’être humain. On lui
passe les menottes aux et on le transfère aux locaux du tribunal militaire de
Bab Saâdoun où, contre toute attente, il y trouve quatre avocats pour sa
défense: «Le mandat de dépôt dura jusqu’à l’été 1992, période du procès devant
le tribunal militaire des chefs politiques d’Ennahdha et des officiers retenus
et passés devant le juge d’instruction.

Fin août, verdict: non-lieu pour Mahjoub Braïek, Hédi Lejnef et moi-même. Nous
aurions tout aussi bien été condamnés à sept ans, quatre ou un an, et ceux qui
le furent auraient tout aussi bien bénéficié d’un non-lieu.

Telle est la justice dans un régime de non-droit. Il ne faut pas s’en étonner,
le contraire le devrait plutôt…».

(*) Sud Editions, 250 pages, 15 DT