REPORTAGE Tunisie : Gafsa… L’emploi encore et toujours!

gafsa-210212.jpgLa thématique de l’emploi mobilise plus d’un à Gafsa où des «cris de colère» surviennent de temps à autre. Comme lorsqu’il y a quelques jours, des jeunes diplômés des Centres de formation professionnelle ont manifesté dans les principales artères de la ville. Avant de prendre le chemin de la délégation de Gafsa Sud. Et d’attaquer son bâtiment et de détruire documents et mobiliers. Pour ensuite perturber la circulation dans certaines avenues et rues de Gafsa.

Seize dinars les 20 litres de gasoil, 14 et puis 13,5: au fur et à mesure que l’on avance vers la ville de Gafsa en sortant de Kairouan et plus le prix est à la baisse. Explication: sans doute, nous nous approchons de la frontière algérienne qui n’est qu’à 140 kilomètres de la ville de Gafsa.

Amenés de l’Algérie voisine, des bidons de couleurs différentes (rouge, blanc, vert, noir, marron,..) sont proposé aux automobilistes et autres routiers, souvent posés à même le sol ou sur une table de fortune. Des automobilistes s’arrêtent pour en acheter quelques-uns qu’ils placent dans le coffre ou pour remplir le réservoir de leur véhicule.

Sur cette longue route, il ne faut pas trop insister pour se faire servir en matière de produits «Made in Algeria». Réfrigérateurs, cuisinières, récepteurs satellitaires, tapis et autres ustensiles de cuisine sont à portée de main. Et beaucoup moins chers qu’à Tunis ou une toute autre ville de la partie Est de la Tunisie.

«Les gens d’ici prennent ce qu’ils trouvent comme emplois»

C’est que la «contra» (comprenez la contrebande) est aussi répandue qu’avant la révolution. «Peut-être même un peu plus…», note Abdelhamid, un habitant de Bir El Hefey, une ville située sur l’axe routier Kairouan-Gafsa, rencontré dans un café du coin, la quarantaine, keffieh au tour du coup, jean, Kachabya et grosses chaussures aux pieds. Il ajoute: «La misère y est pour quelque chose. Car les gens d’ici prennent ce qu’ils trouvent comme emplois. Pensez-vous que quelqu’un s’adonnerait à la contrebande, s’il avait un emploi décent?», s’interroge-t-il.

Arrivé à Gafsa, vous ne pouvez rater la tente rouge et bleue qui trône «pratiquement depuis la révolution», observe un habitué des lieux, face au siège du gouvernorat, sur la principale artère de la ville, l’Avenue Habib Bourguiba. Des jeunes s’y relayeraient pour demander des licences pour exploiter des taxis. Ces derniers ne cachent pas du reste leurs revendications: ils ont placé dans un coin de la tente, longue d’environ cinq mètres, une pancarte sur laquelle ils ont écrit ceci: «Assez de fausses promesses. Nous voulons des licences pour exploiter des taxis!». Et le texte est signé: «Les chauffeurs des taxis».

Les personnes qui arpentent l’artère et autres riverains ne semblent plus jeter un regard en direction de la tente. Ils sont occupés à autre chose: ils pensent d’abord comment joindre les deux bouts. Car, ici comme ailleurs en Tunisie, les habitants de Gafsa souffrent de la vie chère. Mohamed, peintre en bâtiment, dit souffrir le martyr «avec une fille qui étudie à Sfax… J’espère qu’elle ne se retrouvera pas au chômage demain!», s’inquiète-t-il.

Un peu plus loin, dans le café dit «Le coin bleu», rue Mohamed Khadouma, de nombreux jeunes discutent, ce matin du samedi 18 février 2012. Avec pour principal thème, le problème de l’emploi. Et ils reviennent largement sur «le cri de colère» d’il y à peine trois jours dans Gafsa Sud. Lorsque des jeunes diplômés des centres de formation professionnelle avaient manifesté dans les principales artères de la ville. Avant de prendre le chemin de la délégation de Gafsa Sud. Et d’attaquer son bâtiment et détruire documents et mobiliers. Pour ensuite perturber la circulation dans certaines avenues et rues de la ville.

Parmi eux, Ezzeddine, Ismaël, Faouzi et Mounir. Seuls le premier et le second travaillent. Ezzeddine n’a pas le bac et est employé dans une pharmacie de la ville. «Je l’ai échappé belle», aime-t-il à dire. Le second est maîtrisard et est employé dans un grand hôtel comme agent de réception. Il aurait souhaité avoir mieux… «Mais, je n’ai pas d’autre choix», désole-t-il! Les deux autres sont chômeurs ou «plus ou moins chômeurs», selon les dires de Mounir qui accomplit un stage dans une entreprise de la région.

Le groupe d’amis, qui fait quotidiennement et refait le monde, s’assoit dans le café pour évoquer de nouveaux horizons. Il leur arrive ainsi de parler des possibilités de trouver du travail notamment à la CPG (Compagnie des Phosphates de Gafsa) où tout le monde est bien payé. En somme, dans «un eldorado» où il fait bon vivre. Le bâtiment qui abrite cette Compagnie, à la rue Jamel Abdel Nasser, est du reste le plus grand et le …plus majestueux de toute la ville. «On dirait que c’est l’Europe», commente Faouzi en souriant. Avant de conclure en ces termes: «Il est préférable, en la matière, d’être plutôt dedans que dehors».