Tunisie-Réformes des formalités douanières et fiscales : la méthode de la Guillotine pour épurer les procédures

«La méthodologie de la Guillotine réglementaire», c’est le projet mis en place
par le gouvernement et amorcée au
ministère des Finances
en collaboration avec
les professionnels et les entreprises pour une réforme des formalités fiscales
et douanières selon une démarche participative et structurée».

La
fiscalité et les douanes, deux secteurs clés de l’économie nationale, sont
aussi les deux secteurs qui préoccupent le plus les acteurs privés. Pour
améliorer la gouvernance publique, une remise en cause rapide des formalités
fiscales et douanières s’imposait. Le but est de rationaliser. Une bonne gestion
réglementaire du pays, fondée sur la participation, est une piste qui a été
adoptée par tous les pays développés et émergents et qui a démontré son
efficacité. «Nous voulons instaurer la tradition d’une gestion citoyenne des
affaires publiques sur laquelle veille l’Etat en impliquant toutes les parties
prenantes. Les leviers de concrétisation nécessitent un temps d’apprentissage et
des moyens. Une meilleure gouvernance en vaut la peine», indique Ali Mekki,
directeur général au ministère des Finances.

De la concertation jaillit la lumière et au commencement, il faut parer au plus
urgent: faciliter le quotidien des usagers et en particulier les entreprises,
réduire les coûts réglementaires et administratif et créer un processus durable
et sécurisé de contrôle de la qualité réglementaire.

C’est la guillotine, une démarche brevetée et expérimentée dans nombre de pays
qui a été adoptée en Tunisie où l’on passait auparavant des décennies à revoir
l’arsenal juridique. «Cela fait près de 20 ans que nous avons démarré les
réformes des mécanismes fiscaux dans notre pays, nous n’avons d’ailleurs jamais
arrêté d’y introduire de nouvelles. Il faut commencer par les urgences:
allègement des procédures fiscales et douanières du commerce et du tourisme»,
explique M. Mekki. Toute procédure administrative doit être fondée sur une règle
juridique, publique, déterminée dans le temps, au coût abordable et doit être
réalisée dans des délais valables et viables non négociables et s’appliquant de
la même manière à tout le monde. Le pouvoir discrétionnaire de l’Administration
doit être dans des proportions raisonnables et rationnelles et implique le
recours aux autorités d’arbitrage au cas où certaines personnes pourraient se
sentir lésées.

370 entreprises et experts concernés impliqués dans l’instauration de la
guillotine réglementaire.

C’est un échantillonnage représentatif de 70 professionnels experts-comptables,
comptables et commissaires de douanes et près de 300 entreprises qui couvrent
près de 85% du tissu économique du pays qui sont aujourd’hui concernés par
l’évaluation des 446 formalités administratives dont 60% douanière et 40%
fiscales et qui formeront le panel de la guillotine réglementaire. 130
entreprises seulement ont réagi à cette opération lancée depuis le début de
l’année, et indiscutablement importante pour la bonne marche des affaires. Onze
questions ont été établies selon une méthode standard et auxquelles devaient
répondre les panelistes selon une méthode standard sécurisée.

«Dans tous les pays en crise, il y a des mesures d’urgence pour relancer
l’activité économique. La première thérapie que nous, autres décideurs publics,
préconisons est l’amélioration du climat des affaires et l’aération du système.
Ceci implique l’allègement des procédures. Un plan a été arrêté avec des experts
internationaux, en coopération avec la banque mondiale et l’Union européenne
pour y veiller. Cela a commencé par la mise en place d’un nouveau cadre
juridique pour la microfinance, l’élargissement du champ d’action des
associations en matière d’accord de prêts et de publics cibles et l’accès aux
informations administratives. Lesquelles, soit dit en passant, ne seront pas
accessibles demain mais nécessitent une organisation qui pourrait s’étendre sur
au moins deux années», explique Ali Mekki. Le but de l’opération étant
l’amélioration de la gouvernance de tous les secteurs publics.

Pour démarrer le programme, le ministère des Finances a été sélectionné: «Notre
département est dynamique et bien rôdé aux actions de réformes. Nous nous sommes
engagés dans cette initiative avec l’assistance d’un bureau international chargé
par l’OCDE». Une démarche unifiée a été établie et basée sur le principe de la
transparence, de la participation et de la traçabilité. Pour affirmer la volonté
politique concernant cette initiative, le ministre des Finances, à l’époque Jalloul Ayed, a signé l’arrêté du 22 novembre 2011 qui engage fermement la
procédure ainsi que les institutions qui doivent assurer sa concrétisation.

Le service public s’engage à lancer des réformes en partant du principe que
toute formalité administrative est suspecte jusqu’à ce que son utilité et son
efficience soient prouvées. Toutes les formalités dissimulées ou écartées
subissent la procédure de la Guillotine qui leur tombe dessous. Toute formalité
doit être justifiée par l’Administration elle-même.

Le deuxième intervenant dans l’opération guillotine est le secteur privé ou le
citoyen sur lesquels seront appliquées les règles et formalités.

La Guillotine permet d’examiner un grand nombre de règlements et formalités afin
d’éliminer ceux qui ne sont plus nécessaires, justifiés légalement ou dont les
coûts sont plus importants que les bénéfices qu’ils produisent.

Une plateforme informatique a été mise en place pour conduire l’opération dans
des conditions extrêmes de transparence, de sécurité et d’accessibilités. Chaque
partie associée au projet reçoit un code d’accès personnalisé avec mot de passe
qui permet d’accéder au système. Dès qu’on accède au site, on peut choisir les
formalités dont on use dans ses opérations courantes, les évaluer, les remettre
en cause, les désapprouver ou tout au contraire, les ratifier et valider
l’opération. Ceci se fait dans la liberté la plus totale; le système est
verrouillé et transparent.

Le Système restitue la synthèse de la consultation: si 80% sont pour le maintien
de la formalité, 20% pour la suppression ou le contraire, l’équipe technique se
réunit et étudie les conclusions de la consultation et prend les décisions
adéquates. Cette équipe est constituée d’experts techniques consultatifs
représentants de tous les concernés et ne regroupant que deux représentants de
l’Administration qui ont pour charge la facilitation de l’accès à l’information
et l’officialisation de l’activité. Le processus est couronné par la mise en
œuvre des recommandations et en particulier la création d’un registre Internet
de toutes les formalités retenues et réformées avec description détaillée des
nouvelles procédures, des nouveaux formulaires homologués et de contrôle des
abus de pouvoir discrétionnaire

Après la consultation, il faut parfaire le process et implémenter ce projet
pilote au niveau de toutes les institutions, mais aussi au niveau des
établissements et autres entreprises publiques. Le plus important est que cette
première étape, associant le secteur privé à l’élaboration de ces nouvelles
procédures, trouve écho chez ce dernier qui ne semble pas être très réactif, lui
qui s’était toujours plaint de la «lenteur administrative et de son manque de
réactivité». «Nous relançons régulièrement nos panelistes saisissables par
email. Nous avons d’ailleurs tenu à fixer les délais de réponse au 12 février
2012 en espérant récupérer les récalcitrants», précise Ali Mekki, directeur
général au ministère des Finances.

Un proverbe persan dit «La passoire reproche à l’écumoire d’avoir des trous».
Dans le cas de l’association du secteur privé à l’opération Guillotine
réglementaire, les panelistes n’ont pas du tout intérêt à jouer à la passoire
car dans ce cas, ils n’auront plus aucune raison pour reprocher quoi que ce soit
à l’écumoire.