Tunisie : Médias, le gouvernement Jebali a-t-il ouvert la boîte de pandore?

 

instance-information-1.jpgContestations et refus des nominations opérées par le gouvernement Jebali, samedi 7 décembre, dans des organes publics d’information. Il est à craindre, sur ce chapitre, que le gouvernement Jebali ait ouvert la boîte de pandore. Car, en acceptant de revoir sa copie, il donne des arguments à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, pourraient ne pas accepter à l’avenir une nomination dans un service public de quelque nature qu’il soit.

Les nominations décidées, samedi 7 décembre 2011, dans des organes publics d’information, en l’occurrence à l’ETT (Etablissement de la Télévision Tunisienne), à l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP) et à la SNIPE (Société Nationale d’Impression de Presse et d’Edition), qui édite les quotidiens «La Presse de Tunisie» et «Essahafa», constituent-elles le premier baptême de feu du gouvernement de Hamadi Jebali?

Quoiqu’il en soit, il s’agit là d’un épisode qui ne manquera pas de faire couler –encore- beaucoup d’encre. Tant il s’agit du premier sérieux «couac» dans les relations entre la société civile et le gouvernement constitué entre Ennahdha, le CPR (Congrès Pour la République) et Ettakatol.

«Seul le spectateur est un cavalier!»

Ce premier test sérieux a été ressenti au sein même de cette majorité. Dans la mesure où Ettakatol et certains membres du CPR auraient exprimé une voix bien discordante pour contester la méthode utilisée par le gouvernement Jebali.

Cet épisode montre, d’abord, combien l’exercice du pouvoir est difficile et comme dit bien le proverbe tunisien, «seul le spectateur est un cavalier!». En somme, lorsqu’on gouverne –et l’on ne met plus l’habit de l’opposant-, et pour paraphrase le philosophe français Jean-Paul Sartre, on se «salit» les mains.

Le gouvernement Jebali ne pouvait du reste mal tomber. Ces premières décisions ont été opérées dans un secteur (l’information publique) qui cristallise, pour ainsi dire, la contestation. C’est du reste le cas dans de nombreux pays. A commencer par la France où les journalistes du secteur public de l’audiovisuel sont les plus vigoureux en matière de défense des droits et libertés des journalistes. Un phénomène que de nombreux sociologues des médias ont longuement analysé.

Passons, pour dire, ensuite, que le gouvernement Jebali s’est cru pressé, et que donc ces nominations étaient hâtives. Certes, il fallait remplacer des responsables qui arrivés à l’âge de la retraite, qui démissionnaires, mais le gouvernement pouvait prendre un peu de temps pour mieux «réfléchir» les décisions en évitant le pire. C’est-à-dire commencer mal l’exercice du pouvoir a fortiori dans un secteur sensible.

Cela ne s’est jamais fait

L’annonce des décisions un samedi après-midi ne pouvait, à ce propos, mettre de l’huile sur le feu. Y avait-il urgence ou voulait-on asseoir le fait accompli? Certaines âmes, évidement pas toujours bien nées, sont allées dans cette seconde interprétation.

Autre décision fatale qu’il ne fallait pas, ensuite, prendre: décider au niveau des rédacteurs en chef, comme au niveau des quotidiens de la SNIPE. Sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali, cela ne s’est jamais fait. Certes, les gouvernements Bourguiba et Ben Ali décidaient en la manière, mais ils «laissaient faire» le PDG de la SNIPE qui agissait sans doute avec des instructions d’en haut.

Il fallait sans doute s’y attendre notamment après que le journal Tv de la Wataniya 1 a, quelques jours après l’avènement du 14 janvier 2011, constitué un Comité de rédaction qui choisissait son rédacteur en chef. Faut-il mettre cela sur le dos de l’inexpérience ou le gouvernement a-t-il été mal conseillé?

L’histoire le dira! Mais l’essentiel est ailleurs: avec cet épisode, le gouvernement Jebali a ouvert, sans le moindre doute, la boîte de pandore. Car, en acceptant de revoir sa copie, il donne des arguments à tous ceux qui, pour une raison ou une autre, n’accepteront pas à l’avenir une nomination dans un service public de quelque nature qu’il soit.

Un dernier mot, il est à craindre que les contestations et autres refus ne soient pas menés pour la bonne cause. Dans deux articles publiés, vendredi et samedi 6 et 7 décembre 2011, dans les colonnes du quotidien La Presse de Tunisie, les deux premiers responsables de la rédaction de ce grand quotidien, le directeur de la rédacteur en chef, ont écrit noir sur blanc que la contestation du personnel de ce journal, à laquelle le directeur faisait face, sentait le soufre!