ù les habitants se sont révoltés après la vente de terrains à leur détriment, en décembre 2011 |
[06/01/2012 08:55:46] PEKIN (AFP) En Chine, l’Etat central est peu endetté mais les provinces et municipalités empruntent à tour de bras pour construire routes, aéroports ou hôpitaux et nombre d’entre elles sont insolvables, mettant en péril la santé du système financier, selon les analystes.
Leurs emprunts sont souvent gagés sur des ventes de terrains au détriment d’habitants qui se disent spoliés et parfois se révoltent, comme le mois dernier à Wukan, dans le Guangdong (sud).
Les finances du gouvernement central n’inquiètent pas les économistes.
“Le gouvernement (chinois) a beaucoup moins de dettes que les pays développés, c’est pourquoi les inquiétudes sur une crise de la dette en Chine sont infondées”, a affirmé le vice-président de la Banque mondiale, Lin Yifu, dans une interview mi-décembre au China Daily.
Les obligations d’Etat émises par la banque centrale chinoise ne représentaient fin 2010 que 17,1% du Produit intérieur brut (PIB) en 2010, et 30% avec celles de la China Development Bank, qui finance des infrastructures.
En revanche, les emprunts des provinces et des municipalités s’élevaient à 10.700 milliards de yuans (1.300 mds d’euros) fin 2010, soit 27% du PIB, selon un rapport publié fin juin par le Bureau national d’Audit.
Ce chiffre serait sous-estimé de 3.500 milliards de yuans, d’après l’agence de notation Moody’s qui évalue les dettes non remboursables des banques chinoises à entre 8% et 10% de l’ensemble de leurs créances.
Au total, l’endettement public –central et local– de la Chine reste toutefois limité à 68% de son PIB, d’après une étude de la banque Standard Chartered à Hong Kong, ce qui reste inférieur à celui de la France (85%).
Le problème vient de ce que les collectivités locales comptent pour rembourser leurs dettes sur les recettes générées par les infrastructures, dont beaucoup ne sont pas rentables.
En dehors des projets dont l’intérêt économique est contestable, il y a “ceux qui ont un intérêt économique mais ne sont pas viables commercialement” comme les routes ou les hôpitaux, qui auraient dû être financés avec l’argent du contribuable, explique à l’AFP Patrick Chovanec, professeur d’économie à l’Université Tsinghua de Pékin.
Vue de la ville de Shanghai (Photo : Marcus Brandt) |
Tous ces investissements sont un moteur essentiel de la croissance chinoise. “Ces dernières années, plus de la moitié du PIB chinois a été généré par de l’investissement en capital fixe”, comme la construction d’usines, de routes, d’aéroports, rappelle M. Chovanec.
“Dans l’ensemble de l’économie, les dettes progressent rapidement”, ce qui fragilise le système bancaire, souligne de son côté Michael Pettis, spécialiste des marchés financiers chinois à l’Université de Pékin.
Mais “toute tentative d’enrayer cette augmentation (de la dette) va se traduire par une réduction rapide de l’investissement et de la croissance” en Chine, selon lui.
Le récent retournement du marché immobilier va par ailleurs peser sur les finances des municipalités qui comptaient vendre des terrains au prix fort pour rembourser leur dettes. A Canton, ces ventes ont représenté, taxes comprises, 48% des recettes de la ville en 2010, d’après le China Business News.
A Shanghai, le prix moyen du mètre carré cédé aux promoteurs s’est effondré de 41% l’an dernier, selon la même source.
Aujourd’hui, les terrains se vendent mal: en 2011, plus de 900 parcelles dans 130 villes n’ont pas trouvé d’acquéreur, contre seulement 280 en 2010, a rapporté vendredi le quotidien Xinjing Bao (Nouvelles de Pékin).
Face à cette situation, Pékin cherche à rendre les finances des collectivités locales moins dépendantes du foncier. A titre expérimental, les provinces cotières et riches du Guangdong (sud) et du Zhejiang (est), tout comme les villes de Shanghai et Shenzhen (sud) ont ainsi été autorisées en octobre à émettre des obligations.
Mais ces titres, dont les rendements sont bas, ont d’abord trouvé acquéreur auprès des banques commerciales étatiques, les mêmes qui ont prêté aux collectivités locales par le biais de “plate-formes de financement” créées ad hoc.
“Si tout va bien, (les banques) devraient pouvoir vendre ces obligations à d’autres entités ou à des particuliers”, selon Ren Xianfang, économiste chez IHS global Insight à Pékin.
“Sinon, c’est l’idée même de ces émissions d’obligations, à savoir de rassurer sur l’exposition des banques” qui est menacée, selon cette analyste.