Tunisie – Révolution : Les snipers, Intox ou vérité?


sniper-07072011-320.jpgAprès “Le
14 janvier, une révolution spontanée ou fomentée?
et “Ali
Seriati, bouc émissaire ou l’artisan d’un complot qui a échoué?
“ , voici la dernière
partie de cette reconstitution de la fuite de Ben Ali.

«Depuis 16 heures, ce dimanche 16 janvier, le centre de Tunis dans le périmètre
de l’avenue Habib Bourguiba est le théâtre d’un affrontement. Des snipers
lourdement armés sont postés sur le toit du ministère de l’Intérieur et des tirs
résonnent sans arrêt alors que les hélicoptères survolent le bâtiment qui jouxte
l’hôtel Africa». C’est écrit sur le site www.marianne2.fr, qui suppose par
ailleurs que ces hommes faisaient partie de la garde prétorienne de Ben Ali avec
un chef arrêté, rappelons-le, vendredi
14 janvier à l’aéroport Tunis-Carthage,
ce qu’a manqué de mentionner le site précisant en passant que «rien n’est
certain».


“C’était très chaud à cause des milices. Tous les jours, on voyait des gens se
faire tuer ou être gravement blessés, raconte sur le site
www.laprovence.com
Philippe Xerri, un designer qui réside au Kram… N’importe qui avait droit de
vie ou de mort sur son voisin. Il suffisait de le désigner comme étant un proche
de Ben Ali et le malheureux se faisait lyncher… Dôle comme on exagère les faits
et les chiffres33. Le 14 janvier, il y avait 8 morts entre le Kram et Tunis, or
à lire cette information, on croirait à un génocide… Même si un pays aussi
paisible que la Tunisie n’est pas habitué au débordement d’une telle violence…

Une dépêche de l’AFP publiée sur le figaro le 16 janvier indiquait que «deux
francs tireurs ont été abattus en cette même journée par l’armée dans le centre
de Tunis, au début des affrontements armés qui ont éclaté entre miliciens armés
et forces régulières, a annoncé à la télévision publique tunisienne un
sous-lieutenant de l’armée tunisienne. “Il y a eu deux snipers qui ont tiré
depuis un bâtiment situé à proximité du ministère de l’Intérieur. On les a
abattus”, a déclaré cet officier». Sur le site Rénovation (un site de
renseignement citoyen), on peut également lire: «Des dizaines d’agents infiltrés
du Mossad israélien auraient étés arrêtés en Tunisie. Ils se seraient infiltrés
à l’aide de faux passeports suédois. Ils avaient sur eux un arsenal (balles,
etc.»). Il s’est avéré ensuite que c’étaient des touristes qui venaient faire de
la chasse au sanglier en Tunisie.

Info ou intox? Nous ne pouvons nous empêcher de douter de la véracité de tout ce
qui a été rapporté par les médias aux premières semaines de la révolution. La
confusion était à son comble, elle était telle que l’on ne pouvait plus faire la
différence entre les unités d’élite de l’Armée, de la Garde nationale ou encore
les para-commandos de la Police nationale. Les médias faisaient la course au
sensationnel, et quoi de plus percutant que le fait de parler ou encore de
généraliser la présence de snipers. Ceci, à un moment où un régime, présumé être
des plus solides, vient de tomber avec une facilité déconcertante, prenant au
dépourvu tout le monde y compris l’appareil sécuritaire du pays, sensé parer à
toute éventualité et s’attendre à tous les imprévus.

Qui sont les snipers?


Les snipers sont des tireurs d’élite très bien entraînés et formés par les
meilleurs experts à l’échelle nationale et internationale.
En Tunisie, nous avons 4 unités de tireurs d’élite. Une appartenant à l’Armée
nationale, l’autre à la Garde républicaine autrefois appelée “Garde
présidentielle“, une autre à la Police et la dernière à la Garde nationale.
Les snipers travaillent en équipe et se déplacent par 2 pour que dans le cas où
ils visent une cible, l’un identifie sa position et l’autre ajuste son arme et
tire.

Aucun tireur d’élite ne peut prendre de son propre chef la décision d’user de
son arme sauf sur ordre de son chef hiérarchique. Les armes ainsi que les balles
sont enregistrées par numéro et peuvent, ainsi que ceux qui en usent, être
rapidement identifiés. Si un tireur d’élite agit de manière unilatérale, les
membres de son équipe peuvent rapidement se rendre compte de la disparition de
leur partenaire et les informations sont très vite retransmises et propagées.

Tireurs d’élite et révolution, des meurtres programmes ou des réactions de
panique?


Au début, les rumeurs à propos des tireurs d’élite, devenues rapidement des
«informations sûres et convaincantes», prétendaient qu’ils faisaient partie du
corps de la Garde «présidentielle», aujourd’hui républicaine. En réalité, il
n’en était rien. A l’annonce du départ de Ben Ali, un haut gradé sécuritaire
s’est dirigé, accompagné d’un contingent d’agents, au Palais présidentiel et a
procédé au décompte des armes, des balles et des personnels. Tout le monde a été
consigné au Palais de Carthage. 5 personnes seulement étaient sorties et ont été
arrêtées illico presto par l’Armée nationale. Il s’est ensuite avéré qu’elles
s’occupaient de la partie logistique. L’un travaillait dans la restauration,
l’autre était jardinier, un autre pompiste. Parmi eux, uniquement un seul était
en possession d’un pistolet, il avait un permis de port d’arme et son arme a été
tout de suite saisie.

Qui a tiré sur la foule alors? A Sidi Bouzid comme à Kasserine, il est plus que
sûr qu’il n’y avait pas de snipers. Ceux qui avaient tiré étaient des agents
faisant partie des Corps réglementaires. Avaient-ils reçu des ordres de tirer?
Fort possible, mais d’après des témoins, il y en avaient qui ont riposté aux
mouvements de foule craignant pour leur vie surtout après que les postes de
police aient été incendiés et les armes volées. Il y en a qui sont montés sur
les toitures et ont tiré pour disperser les foules pensant se protéger
eux-mêmes.

Il est indéniable que des bavures ont été commises. Par qui? A quels corps
appartenaient-ils? Certaines informations qui ont filtré affirment que nombre
d’agents et d’officiers du ministère de l’Intérieur ont été mis à la disposition
de la justice. Ils peuvent appartenir à n’importe quelle équipe ou brigade:
«Imaginez, la fumée des bombes lacrymogènes, les manifestants qui se bousculent
et les différentes équipes chargées de ramener l’ordre entendant ordre et contre
ordre dans le désordre la plus total. Elles se sont même tiré les unes sur les
autres croyant avoir affaire à des snipers», témoigne un officier.

Les rumeurs à propos de l’existence de snipers étaient persistantes à tel point
que même trois semaines après le 14 janvier et alors que l’Armée nationale, en
partenariat avec la police, assurait les rondes de sécurité, on les pensait
encore à l’œuvre. «Je vous assure que nous n’avons pas mis sur le terrain des
snipers pour tirer sciemment sur la foule, nombre de ceux qui ont tiré étaient
des agents complètement paniqués. Il y en a qui, les moyens de dissuasion
habituels épuisés comme les bombes lacrymogènes, ont réagi en tirant à balles
réelles…», assure un officier au ministère de l’Intérieur.

Ailleurs, des témoins qui ont interrogé des personnes blessées, échappées de
justesse à la mort, donnent un autre son de cloche. «Il est fort possible qu’à
l’intérieur du pays, il n’y avait pas de tireurs d’élite, mais sur certaines
villes de la côte, on se doute bien de l’existence de ces derniers. Les blessés
dans une ville comme Bizerte, prétendent avoir senti de la chaleur avant d’avoir
reçu la balle». Ce qui laisse supposer l’existence d’armes à infrarouges qui
n’existent apparemment pas en Tunisie. Sont-ils réellement des snipers et
pourquoi leur présence se serait-elle limitée aux villes côtières? Sont-ils
entrés au pays par la mer pour y jeter de l’huile sur le feu et exacerber les
passions dans le conflit qui opposait le peuple meurtri à Ben Ali? Sont-ils
repartis comme ils sont venus ou sont-ils encore en Tunisie? Existent-ils
seulement?

L’ancien ministre de l’Intérieur, Farhat Rajhi, nie l’existence de snipers, Béji
Caïd Essebsi, Premier ministre, a également affirmé qu’ils n’ont jamais existé.
Toujours est-il que trois cents tunisiens de tous âges ont été abattus lors des
événements, allant de décembre 2010 à janvier 2011.

Qui est responsable de ces carnages? D’après des sources officielles, les
enquêtes vont bon train et les responsables commencent à être identifiés, mais
pour connaitre la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, il va falloir
laisser les commissions d’enquête assurer leur travail dans la sérénité et
dénouer le fil de faits. Faits, lesquels, à chaque fois que l’on pense les avoir
dénoués, sont encore plus complexes qu’ils ne l’avaient paru.

Toutefois, il est sûr que le sniper le plus dangereux de la révolution
tunisienne est la rumeur qui a été, elle, réellement mortelle.