Tunisie : Un pas vers la bonne gouvernance

gouvernance-210611-1.jpgLa bonne gouvernance, on en a beaucoup parlé mais on y croyait peu. Par les temps qui passent, ce mot –représentant pourtant le socle de l’Etat moderne– a perdu son sens, en Tunisie du moins. Et il est temps, grâce à la révolution du 14 janvier, de lui rendre ses lettres de noblesse. Un programme de réforme a été spécialement conçu portant le titre «Gouvernance, opportunité et développement inclusif», par le ministère de la Planification et de la Coopération internationale. Un programme qui aurait été préparé afin de rompre avec les pratiques ancestrales de l’ancien régime.

«Une vingtaine de mesures a été promulguée, après un travail intense pour l’identification des réformes. D’ailleurs, nous comptons les exécuter tout de suite», affirme Abdelhamid Triki, ministre de la Planification et de la Coopération internationale, lors de la conférence de presse du 21 juin 2011. Ces mesures font suite au programme de relance économique d’urgence promulgué par le gouvernement provisoire par des réformes structurelles.

«Vu de l’extérieur, la Tunisie ne semble pas avoir de grands problèmes auparavant. Elle enregistrait des indicateurs assez positifs, de point de vue croissance, niveau de vie, éducation, etc. Mais la révolution a dévoilé le déséquilibre existant. La croissance, qui était de 5%, ne suffisait pas à combattre le chômage», précise M. Triki.

Même pour le classement de la Tunisie dans les rapports internationaux comme ceux de Davos et Doing Business, qui était relativement bon, notre pays se trouve dans les dernières positions pour les indicateurs relevant de la transparence, la liberté d’expression, etc. Une situation qui a découragé l’investissement privé surtout dans les grands projets.

Transparence et efficacité…

Le programme de réforme comprend quatre axes, à savoir la bonne gouvernance, le secteur financier, l’emploi et le développement régional et les secteurs sociaux. L’axe de la bonne gouvernance compte sept mesures. Il s’agit de réviser la loi sur les associations afin de supprimer les clauses discrétionnaires et restrictions pesant sur la création et le fonctionnement des associations.

Une deuxième mesure vise à faciliter l’accès aux documents administratifs des organismes publics, tel que promulgué dans le décret-loi n°41 du 26 mai 2011. Elle permettra au grand public d’accéder aux différents sondages et statistiques de l’Institut National de la Statistique.

Une troisième mesure vise l’amélioration de l’efficacité et la transparence des procédures de passation des marchés publics et la réduction de la durée du processus de décision, comme indiqué dans le décret-loi n°623 du 26 mai 2011. Le fait est que les délais sont trop longs et présentent une entrave dans l’exécution des projets et investissements programmés. On prévoit également la création d’une commission nationale chargée de la coordination et du suivi des travaux de réforme du système des marchés publics au sein du Premier ministère.

Il s’agit également de la création d’une commission supérieure de réforme administrative pour réviser les prestations administrative fournies aux citoyens et à l’entreprise. Les trois dernières mesures consistent en la publication des rapports annuels de la Cour des comptes pour les cinq dernières années, la modification de la charte de nommage pour l’hébergement des sites Internet et la mise en place d’un guide d’orientation pour la participation du citoyen aux décisions de l’administration publique.

De la micro-finance…

Le deuxième axe de la réforme concerne le secteur financier. Il englobe l’élaboration d’un cadre réglementaire régissant l’organisation et la supervision de la micro-finance. Selon le ministère de la Planification et de la Coopération Internationale, ce segment est confronté, depuis la révolution, à un recul notable du niveau de recouvrement du crédit parallèlement à de fortes pressions au niveau des demandes d’octroi de ce type de financement. D’ailleurs, M. Triki affirme que des aides financières seront versées dans les deux semaines qui viennent afin d’alimenter le marché intérieur et pourvoir de la liquidité pour l’exécution des différents programmes préconisés.

Il s’agit aussi de définir les règles de bonne gouvernance pour les établissements de crédit conformément aux meilleures pratiques internationales, suivant la circulaire n°6 du 20 mai 2011. Cela s’ajoutera au renforcement des capacités d’analyse et de gestion des risques de crédits par la Banque centrale de Tunisie (stress testing) et l’élaboration d’une loi visant la dynamisation du capital risque.

Le troisième axe de réforme s’intéresse à l’emploi et le développement régional. Les mesures entreprises concernent le transfert de la gestion du Fonds national de l’emploi au ministère de la Formation professionnelle et de l’Emploi, la mise en place du programme Amal, des actions d’appui pour préserver les emplois menacés et la mise en place de modalité de transfert d’urgence aux collectivités locales.

Evaluation et suivi…

En ce qui concerne le quatrième axe, relevant des secteurs sociaux, il vise le renforcement du cadre institutionnel régissant la prestation des services publics de base et les programmes d’assistance aux ménages nécessiteux et aux régions défavorisées. Un mécanisme de suivi a été instauré par une circulaire du Premier ministère afin d’évaluer les performances des services publics. Une autre circulaire a été adoptée pour établir un programme d’urgence pour les services sociaux de proximité dans les régions intérieures défavorisées.

Il s’agit aussi de l’adoption d’un décret portant sur la mise en place d’un mécanisme de gestion transparente et rationnelle des médicaments, et une circulaire établit les critères d’éligibilité aux programmes d’assistance sociale. D’un autre côté, un décret a été promulgué pour le lancement d’un audit financier et technique du Fonds National de l’Emploi, connu sous le nom 21-21 et de l’Union Tunisienne de Solidarité Sociale.

Le ministère tient à préciser que 80% des actions préconisées ont été concrétisés dans l’espace de quatre mois. Espérons qu’ils porteront leurs fruits au plus vite. Il est clair que la bonne gouvernance est un processus continu qui requiert une démarche structurelle, et ne peut se réaliser en un laps de temps. Un parcours du combattant dans lequel l’action citoyenne joue un grand rôle dans sa consécration et dans la dénonciation des dépassements.