Tunisie-CJD-Jalloul Ayed : Créer les générateurs de l’investissement

cjd-110611.jpgInvité du Centre des jeunes dirigeants (CJD), samedi 11 juin 2011, Jalloul Ayed, ministre des Finances, a exposé, avec force pédagogie, le programme de refondation du système financier national. Pas de doute, la démarche est solidement structurée. Il faut amener la prospérité, pour établir la démocratie et pouvoir la consolider pour qu’elle devienne irréversible. Il reste que l’œuvre s’inscrira dans le temps. Elle demande 5 à 7 ans mais dès à présent, il faut s’employer à démontrer qu’elle va réussir, afin d’assurer le retour de confiance dont le pays a tellement besoin. Il faut jouer gagnant!

Le pays a souffert depuis toujours d’une carence en capital, tel est l’audit du ministre, au demeurant largement partagé par l’opinion publique et la communauté d’affaires. On possède un cadre réglementaire cohérent pour l’investissement. Mais point de sources de capital, rien que de l’endettement. Le système a, de ce fat, vite plafonné, touchant à ses limites. Dès lors la priorité devient de doter le pays de véhicules dynamiques du capital. C’est l’Etat qui doit y pourvoir autant pour ses projets propres qu’en soutien à l’investissement privé.

CDC et Fonds souverain

Il n’y a pas de doute pour créer de l’emploi, il faut booster l’investissement. Or les providers, en l’occurrence, manquent de fonds. L’Etat voit ses comptes plombés par le social. La Caisse de compensation générale, à elle seule, dévore 56% du Budget. Ce qui reste suffit à faire l’appoint pour les services publics de base, à savoir la santé, l’éducation et les travaux publics.

Le privé a des moyens limités. Formaté à l’import substitution, il raisonne toujours dans un cadre national étriqué. Il a besoin de mobilité, à l’international et d’une vision, pour cibler grand. Le partenariat public privé démarre cahin caha. Il faut donc créer les générateurs du capital investissement. Cela se fera grace à deux structures. L’une publique, à savoir la Caisse des Dépôts et consignations. Elle apportera un matelas sécurisant aux investissemetns publics lourds et structurants, notamment ceux de l’infrastructure. Et un fonds souverain dit générationnel car ses effets dureront dans le temps et profiteront à nos enfants et futurs petits-enfants. Ce fonds démarrera dans les deux ans avec une dotation initiale de 5 milliards de dinars. Ce fonds prendra des participations dans le capital des projets privés. Ce soutien de ressources est fondamental car les projets disposeront d’assises stables, ce qui a jusque-là fait défaut.

Des effets de levier en cascade

Le ministre des Finances a énuméré une série d’effets de leviers qui émaneront du mode de gestion du fonds. Le premier est financier. La participation du fonds est de 50% dans le capital.

Donc les 5 milliards de dinars vont devoir drainer autant en apports des promoteurs. On passe donc à 10 milliards.

Le deuxième est d’endettement. Ces 10 MDT de capital garantissent leur double en crédits soit 20 MDT.

Le troisième est multiplicateur car le Fonds peut se ramifier en fonds subsidiaires pour décliner les dotations aux divers standings des investisseurs. Aucun ne sera laissé sur le bord de laroute. Mêmele micro-crédit aura la part qui doit lui revenir. D’ailleurs, le code du micro-crédit sera édité incessamment a annoncé le ministre. Celui-ci table beaucoup sur le fonds mezzanine. Beaucoup d’entreprises familiales refusent les participations tierces. On peut toujours implémenter la participation en quasi fonds propres tel le Certificat d’investissement, par exemple.

Donc, on dénoue le problème de la sous-capitalisation sans priver les dirigeants de l’integralité de leur pouvoir de décision puisqu’ils gardent la totalité du vote dans les instances dirigeantes, et notamment le Conseil d’administration.

Si donc on fait le compte, on peut aligner une enveloppe d’investissement voisine de 40 millairds de dinars, sans compter que le Fonds a lui-même la possibilité de se refinancer sur le marché international et donc de générer les mêmes mouvements de flux. Le ministre considère qu’à raison de 50 mille dinars par poste d’emploi stable, avec ce que le fonds peut induire comme flux d’investissement, les 700.000 chomeurs trouveront chacun un emploi.

A l’évidence, la refondation de l’écosystème national nécessitera une réforme fiscale, question qui n’a pas été abordée par le ministre. Elle appellera également une refondation du sytème bancaire. L’opération est chiffrée à 1 millaird de dinars. Mais des questions étaient restées en suspens et particulièrement en matière de reconfiguration du système. Quels regroupements pour demain? Faut-il persévéerer sur la voie de la convertibilité du dinar? Quel avenir pour le positionnement financier de la Place de Tunis, au moins à l’échelle régionale? Le ministre a privilégié l’essentiel sur l’important, compte tenu de la contrainte de temps préférant focaliser sur la manne du financement de notre renouveau économique.

L’avenir du futur

Travaillez, prenez du risque, c’est le fonds générationnel qui va pourvoir en capital, semblait dire Jalloul Ayed à cet auditoire de jeunes dirigeants, porteurs de promesses et qu’il a magnétisés par son discours et sa méthode. Investir 40 milliards de dinars va changer la physionomie du pays, son économie et le mental national. Disposer du nerf de la guerre c’est capital, dirions-nous. Mais un travail de planification économique n’en est pas moins nécessaire. Le ministre cite souvent des réussites comme Singapour, qu’on doit prendre comme lièvre. Mais Singapour est porté par la dynamique de son environnement naturel, l’ASEAN. Il est vrai que la bonne sagesse asiatique recommande de consulter les dieux et de compter sur ses propres moyens. Le travail d’émancipation économique est plausible mais il n’est pas garanti.

En dehors d’une dynamique régionale, la Tunisie devrait donc, seule, s’affranchir de la tutelle de sous-traitance de l’UE, et monter en gamme. Se redéployer à l’international n’est pas une mince affaire. Vendre de la machine outil en Allemagne, ou du hi-fi au Japon n’est pas une chose aisée. Aller vers les IT et l’économie de l’intelligence, c’est certes se mettre en ligne avec la matière première de la richesse de demain. La partition est écrite mais le tout est de la mettre en musique. A ministre mélomane…