Le Prix du Grand reportage Albert Londres organisé à Tunis inspirera-t-il les médias tunisiens?

albert-londres-1.jpgLe prix Albert Londres du grand reportage sera célébré cette année en Tunisie en hommage à la révolution. Le jury et l’association des grands reporters ont voulu «être là où le cœur du monde bât très fort; là où le courage et l’aspiration des Tunisiens à la liberté et à la démocratie ont provoqué un mouvement historique» – au Théâtre municipal samedi 14 mai 2011 à 16h pour remettre les Prix Albert Londres 2011 aux lauréats.

Les journalistes tunisiens ont-ils par ailleurs été à la hauteur de cet événement historique: la Révolution?

Il faudrait peut-être prendre du recul pour juger du professionnalisme et de la qualité de l’exécution des médias tout au long de la révolution et de l’après-révolution.

Il est vrai que c’est grâce au travail, à la rigueur, à l’esprit d’indépendance que les médias pourront participer à construire l’avenir du pays. Et il va falloir travailler beaucoup sur eux-mêmes pour que les anciens mégaphones du régime disparu, amateurs par choix ou obligation, de la langue de bois, ne changent pas d’orientation de manière tout aussi systémique. Faute de vanter Zine El Abidine le demi Dieu, ce sont les vertus du peuple qu’ils loueront sans prendre du recul, sans aucune vision objective des faits et des actes, sans aucune analyse globale de la situation sociopolitique et économico-sécuritaire du pays, se méprenant sur leur rôle et devenant eux-mêmes juges et partie.

Depuis le 14 janvier, nous avons assisté à beaucoup de débordements de la part des médias et il va falloir que le syndicat des journalistes prenne ses responsabilités dans la régulation du secteur. Liberté d’expression implique également responsabilité, il ne s’agit pas de dire n’importe quoi, n’importe où et n’importe comment. On serait même porté à dire que le rôle des médias aujourd’hui, plus qu’informer en toute objectivité, est d’ordre pédagogique car il s’agit également de sensibiliser le peuple aux enjeux de la prochaine phase dans notre pays.

En Egypte, les journalistes nourris d’une longue tradition de liberté d’expression, même relative, l’ont démontré et leurs propos critiques n’ont menacé d’aucune sorte l’équilibre de leur pays mis à mal -comme le nôtre du reste- par la révolution.

L’organisation de la cérémonie de remise du Prix Albert Londres en Tunisie, marque d’une «amitié et une solidarité avec des médias libres appelés à naître, condition essentielle à la démocratie», représentera peut-être l’occasion pour la presse nationale de se remettre un peu en question à travers Néji Bghouri, président du Syndicat des journalistes et de remettre les pendules à l’heure.

Car le rôle des médias n’est certes pas celui de mettre le feu dans une poudrière qui risque à tout instant d’exploser, mais de prévenir et d’informer sur le pourquoi et le comment des choses, là où elles se passent.

Espérons qu’Albert Londres, figure emblématique «pour tous les journalistes francophones passionnés par leur métier», nous inspirera et nous incitera, nous journalistes, tous autant que nous sommes, à être plus professionnels et plus respectueux de notre mission et de l’opinion publique.

Amin Maalouf, le grand écrivain libanais a dit, «les médias reflètent ce que disent les gens, les gens reflètent ce que disent les médias».

Mais nous avons bien l’impression que nos médias reflètent ce qu’ils pensent eux-mêmes et se relisent ou se voient à travers ce que disent ou font les gens…