Tunisie-Justice : Pour qui et par qui?


justice-15042011-2-art.jpg«Surtout soyez toujours capable de ressentir au plus profond de votre cœur
n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le
monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire», dixit Ernesto Che
Guevara, le plus grand révolutionnaire du 20ème siècle.

La justice est-elle une et indivisible? Ou bien en existe-t-il une pour nous,
une autre pour nos ennemis et une autre encore pour nos amis? Un Etat de Droit
ne commence-t-il pas par l’indépendance des avocats et des magistrats?

Ce qui se passe depuis le
14 janvier
dans notre pays, nous pousse à nous
interroger sur le rôle de la justice et de ses auxiliaires. Nos juges, nos
avocats ont-ils assuré durant cette période prérévolutionnaire délicate? Ont-ils
consacré la suprématie de la justice n’en déplaise à la «légitimité
révolutionnaire» ?

Les conditions exceptionnelles de la révolution justifieront-elles certains
dépassements de la part de la justice? Car si la justice qui, était sous la
coupe du 7 Novembre et souffrait d’un interventionnisme poussé de la part de
l’Etat-parti, subit aujourd’hui encore la pression de la Rue (précisément celle
de Bab Bnet) et agit au nom d’une soi-disant légitimité révolutionnaire ignorant
la volonté du législateur, nous sommes «cuits».

«Les Citoyens tunisiens, même antirévolutionnaires, doivent être jugés
équitablement et dans la sérénité. Aujourd’hui, nous sommes devant une justice
expéditive, ce qui est inacceptable pour moi. Sur les plans juridique, politique
et judiciaire, certaines erreurs impardonnables ont été commises dans des
jugements rendus dont celui du
RCD, et c’est une faute grave pour l’avenir de la
Tunisie. Le procès n’a pas respecté les droits de la défense. La justice n’a pas
à se mêler de politique, elle doit être neutre», clame haut et fort Me Bochra
Belhadj Hamida.

Que l’Association des Juges fasse partie du Conseil de Protection de la
Révolution au même titre que l’Union générale des travailleurs tunisiens, le
Parti Ouvrier (POCT) ou encore
Ennahdha n’a pas de sens. Car à supposer que l’un
des adhérents au Conseil soit au centre d’un procès, comment réagiront les
juges, ceux-là mêmes qui partagent avec «le présumé innocent» les idées ainsi
que l’organisation? Mohamed Nejib Echabbi a été insulté par le Conseil de
protection de la Révolution, comment les juges membres du Conseil peuvent-ils
protéger ses droits en toute équité et sans aucun parti pris?

La Justice est-elle de la seule responsabilité de la magistrature ou
relève-t-elle aujourd’hui de celle de tous les Tunisiens? Pour réussir une
transition démocratique, la justice a besoin de temps pour devenir sereine.
Rappelons-nous, pour exécuter Ceaucescu, la Roumanie a attendu une année

Il faut laisse à la justice tunisienne le temps de reprendre ses repères, il ne
faut pas qu’elle subisse une pression de quelque provenance qu’elle soit, car on
ne peut faire confiance dans une justice qui subit et réagit sous le poids de la
pression. Le cas de l’agent municipal qui a giflé feu
Bouazizi en est une
parfaite illustration. A-t-on jamais vu quelqu’un croupir en prison pour une
gifle? Fadia Hamdi a le droit d’être traitée en tant que citoyenne avec des
droits qui doivent être protégés par la justice, elle qui reste incarcérée au
mépris de la législation en vigueur. Que ce soit l’avocat ou le juge, ils sont
là pour protéger l’individu dans ses trois dimensions, à savoir son honneur, son
intégrité physique et son patrimoine financier. Un juge ne doit pas être
populiste, il est le garant de l’application de la justice en se basant sur les
faits et les règles de loi. Sa responsabilité est grande car il a l’obligation
et le devoir de faire respecter la volonté du législateur.

Que devons-nous faire pour garantir l’indépendance de la justice? Il faut tout
d’abord une remise en cause profonde de notre propre attitude par rapport à la
loi. Parce que si nous allons entrer dans le jeu des rendements de compte sales,
bêtes et méchants, nous ne pourrions pas nous en sortir, et à commencer par les
juges eux-mêmes.

Pourquoi aujourd’hui ne juger que les
Trabelssi ou les familles proches et
alliées, qu’en est-il de tous ces experts qui leur ont facilité la tâche et qui
leur ont concocté des plans dignes des plus grands en matière d’arnaques, de
vols légalisés et de spoliation des biens de l’Etat et du peuple? Et où sont ces
ONG de droits de l’homme qui étaient dans l’opposition et qui font aujourd’hui
peu de cas des droits des prévenus quels qu’ils soient? La Ligue tunisienne des
Droits de l’Homme, Amnesty international et autres. Pourquoi n’ont-elles pas
appelé dans des communiqués officiels juges et avocats à assurer leur mission en
toute objectivité et sans prise de parti, à assumer leurs responsabilités dans
le respect de la loi?

Que devons-nous faire pour garantir l’indépendance de la justice? Il faut tout
d’abord une remise en cause profonde de notre propre attitude par rapport à la
loi. Il faut avoir le recul nécessaire par rapport aux affaires que nous
traitons, il faut pouvoir et vouloir être impartial.

Est-il normal que, dans cette Tunisie nouvelle que nous voulons juste, les
avocats qui ont accepté de défendre la famille de l’ancien chef de l’Etat
subissent des intimidations et même des menaces et ont eu peur?

Doit-on accorder la primauté à la légitimité révolutionnaire ou à la suprématie
de la loi?