Tunisie- Semaine mondiale de l’entrepreunariat : «Bazniss-man», l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises se transforme en salle de spectacle!

buzinessman-1.jpg«Nous sommes tourmentés, irrités, car nous sommes déphasés… par le chômage menacés…; nos diplômes dépassés… par nos parents excédés… par vos promesses exaspérées… outrés, engagés… nous voulons détaler… car nous sommes épuisés, épuisés, épuisés… épuisés… épuisés…».

Vous l’avez certainement compris, cette salve de paroles est du «Rap», ce nouveau moyen d’expression des jeunes qui sert de prologue à la pièce théâtrale «Bazniss-man» produite par la Troupe «Al Halka» et réalisée par Yahia Yahia, née de l’initiative du Centre des Jeunes Entrepreneurs de l’IACE et financée par la GTZ dans une approche novatrice et créative de la problématique entrepreunariale  et s’inscrivant dans la Semaine mondiale de l’Entreprenariat 2010.

L’entrepreunariat est également et surtout une affaire de culture. Et les freins culturels y afférant sont considérables dans notre pays. L’image de l’entrepreneur frôle la caricature, on le voit souvent comme une personne conduisant une grosse voiture, fumant des cigares, passant la plupart de son temps à sauter d’un avion à l’autre, signant des contrats à des milliards de dollars et sortant avec les plus belles femmes du pays qu’il couvre, au passage, d’or et de diamant tout en exploitant à mort ses employés. Cette race d’entrepreneurs existe, certainement, mais elle ne constitue pas la majorité des hommes d’affaires et n’en fait pas l’unanimité.

«Bazniss-man» , réalisée en un court laps de temps, a tenté d’apporter des réponses mettant en cause l’environnement dans lequel évolue tout entrepreneur honnête. «Hichem», le principal protagoniste de la pièce, subit des influences majeures, représentées par l’environnement institutionnel comprenant les administrations des douanes, la CNSS, les départements ministériels mais également ceux de son environnement social et familial illustrés par ses rapports conflictuels avec sa progéniture, représentée par sa fille, peintre, et qui ambitionne de prendre sa relève.

«Entre nous, chers amis, ma belle mère n’est pas la seule à ne  rien comprendre.. au business-man ou «Rajel Aamel»… 90% de la population n’y pigent que dalle. Au « Rajel Aamel, Rajel Ihmel,… un business-man est plutôt marié à ses affaires qu’à une femme…,  et lorsqu’on dit business-man dans notre pays, on voit défiler devant nos yeux…  une Porche Cayenne, une Lamborghini, une Jaguar, limousine…  Ca sent le cigare cubain, et le giga bureau avec la jolie secrétaire-maîtresse…».

Ce sont les stéréotypes que dénonce Hichem dans la pièce, car d’après lui, on oublie très souvent que l’homme d’affaires ou le porteur de projet est également celui qui «quand il pleut à New Delhi,  plonge…, quand la terre tremble à New York, ses remparts s’effondrent…, quand 2 ou 3 pirates somaliens s’emparent d’un petit navire iranien, ses rêves s’évaporent…»; Il est celui qui, «lorsque le bol de lablabi… devient plus cher, voit baisser la productivité dans ses usines…  et lorsque le banquier perd la connexion Internet… lui fait perdre des centaines de millions… pour ne pas dire autre chose …».

 L’entreprenariat, on omet très souvent de le mentionner, est également une affaire de culture, c’est une façon d’être, un style de vie, ce n’est pas qu’un climat d’affaires, des réglementations, des lois, des incitations et des encouragements. Les facteurs sociaux et culturels ont un impact direct sur le désir de réaliser ou de se réaliser à travers un projet de vie. Ainsi, lorsque le milieu valorise fortement la création d’entreprise, il en résulte une perception positive de cette tendance sur ceux qui en expriment le désir.

Et dans un pays comme le nôtre où l’entreprenariat mystifié aux années 70 et 80 a fini par être démystifié aux années 2000, la dimension sensibilisation par le biais de nouveaux canaux de communication revêt une grande importance.

Revaloriser l’entreprenariat en tant que mode de vie reconnu, honnête et crédible, lui donner une dimension étique et intègre, est important si nous voulons que nos jeunes intègrent de nouveaux modèles d’entreprenariat mettant l’humain au centre de leurs préoccupations.

Le théâtre, le cinéma, la télévision ont un rôle important dans la perception de l’entrepreneur et la valorisation de son mode de vie. Une société qui encourage et soutient l’entreprenariat est une société qui valorise les affaires, l’initiative, la volonté et la détermination. Une société qui accepte le risque et qui ose le changement. Encore faut-il qu’elle-même soit consciente de l’importance de la démarche entreprenariale dans l’édification de l’avenir et le développement du pays à moyen et long terme. C’est pour cela qu’il est important de simplifier et vulgariser la problématique entreprenariale en direction du large public et à travers de nouveaux modes de transmission autres que ceux adoptés traditionnellement. Et quoi de mieux que le quatrième art pour parler aux émotions et convaincre les esprits?

Aux Etats-Unis, dès que le gouvernement met en place un projet de société économique, politique ou même de guerre, toute la machine hollywoodienne, se met en marche, et Broadway n’est pas du reste. C’est dire à quel point travailler sur les «têtes» vaut toutes les démarches encourageantes et incitatives et c’est en cela que l’initiative de l’IACE, est pertinente. Car elle prouve que pour défendre une idée, et en créer d’autres, il faut faire appel à toutes les composantes de la société, opérateurs culturels compris. Le théâtre Al Halka, qui a réalisé la pièce en tout juste un mois et demi, a compris la problématique, et l’a exprimée à travers une présentation d’une heure appréciée par un public hautement critique fait en majorité d’entrepreneurs. Espérons que cette initiative se poursuivra dans l’avenir car elle annonce une nouvelle manière d’aborder une thématique importante: celle du porteur ou de meneur de projet dans notre pays.