Marée noire : la fuite est bouchée mais les entrepreneurs américains sont inquiets

photo_1281780867819-1-1.jpg
êche à Grand Isle le 12 août 2010 (Photo : Win Mcnamee)

[14/08/2010 10:26:35] GRAND ISLE (Etats-Unis) (AFP) Le puits qui a craché son pétrole au large des côtes américaines est rebouché, mais la catastrophe économique reste entière pour les riverains du golfe du Mexique, qui attendent toujours que BP calcule les dédommagements auxquels ils ont droit.

A Grand Isle, station balnéaire de Louisiane dont la plage a été l’une des premières atteintes par le pétrole, l’usine de transformation de crevettes de Dean Blanchard reste à l’arrêt. Son entreprise, qui était le premier fournisseur américain de crevettes pêchées au large, a perdu entre 40 et 50 millions de dollars de chiffre d’affaires depuis l’accident de la plateforme de BP fin avril.

M. Blanchard a renvoyé 80 employés, ne conservant que huit personnes pour faire tourner ce qui reste de la société. La perte nette devrait atteindre 2 millions de dollars, calcule l’entrepreneur, qui n’a reçu pour l’instant que 165.000 dollars du pétrolier britannique au titre des dédommagements.

photo_1281781161719-1-1.jpg
êche à la crevette à Grand Isle, en Louisiane, le 10 juin 2010 (Photo : Saul Loeb)

“C’est nul. Ils ne paient pas”, constate le patron pêcheur, qui compare le comportement de BP à celui d’un assureur: “D’abord ils vous envoient un expert qui dit qu’on va vous rembourser, et puis ils virent l’expert jusqu’à ce qu’ils en trouvent un qui décide qu’ils ne paieront pas”.

Dean Blanchard s’inquiète particulièrement de l’échéance fixée par BP à fin novembre pour que les entreprises décident si elles portent plainte contre lui ou bien acceptent un chèque d’indemnisation qui sera censé couvrir toutes les pertes passées comme à venir.

Car cela risque de prendre des années avant que l’on mesure les conséquences sur la faune des dispersants utilisés en mer contre la nappe de brut.

“Il va nous falloir deux ou trois saisons de pêche pour voir si toutes les crevettes ont péri”, prévoit M. Blanchard. “Si le pétrole coule au fond de la mer, que vont manger les alevins ? Ils nous faut davantage de temps pour décider”, ajoute-t-il.

photo_1281781046527-1-1.jpg
êcheur de crabes traverse une zone polluée par le pétrole sur une plage récemment rouverte au public à Grand Isle, le 11 août 2010 (Photo : Win Mcnamee)

BP a indiqué jeudi avoir déjà payé 347 millions de dollars aux victimes, qui ont déposé près de 150.000 demandes de dédommagement. Le groupe s’est également engagé à créer un fonds d’indemnisation de 20 milliards de dollars.

“Nous cherchons des moyens d’améliorer ou de simplifier la procédure d’indemnisation”, assure une des ses porte-parole, Elizabeth Adams, promettant que toutes les demandes légitimes seront satisfaites.

Mais Ken Feinberg, nommé pour gérer le fonds d’indemnisation par le président Barack Obama, a déjà averti qu’il n’y aurait pas “assez d’argent sur la Terre” pour dédommager tout le monde, évoquant ainsi le cas des propriétaires dont les terrains ont perdu de la valeur.

Shelly Landry, qui possède une société de promotion immobilière, espère ainsi qu’elle ne sera pas tenue à l’écart des indemnisations. Sa société possède 76 lots en bordure de mer, mais les ventes, victimes de la crise, battaient déjà de l’aile avant la marée noire et Mme Landry ne sait pas comment elle va faire pour rembourser un prêt de plus d’un million de dollars.

“Ca fait cinq fois qu’ils me changent d’expert”, raconte-t-elle. “Ils disent qu’ils ne savent pas ce qu’ils doivent faire de moi. Eh bien, il va falloir qu’ils trouvent”, lance-t-elle.

“Ce qui me mine, c’est l’incertitude”, explique Josie Cheramie, qui possède une petite entreprise de pêche et n’a reçu pour l’heure que 10.000 dollars d’indemnisation. “Je vis des produits de la mer, il n’y en a plus et je ne sais pas si je pourrai jamais retourner pêcher. Je n’ai rien d’autre à faire que de me ronger les sangs”.