Holocauste : la SNCF rattrapée par son passé sur le projet de TGV californien

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Passage d’un TGV en 2008 entre Perpignan et Narbonne (Photo : Raymond Roig)

[09/08/2010 07:14:30] LOS ANGELES (AFP) La SNCF devra faire toute la transparence sur son rôle dans le transport des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, si elle veut avoir une chance de décrocher une partie des contrats du futur train à grande vitesse californien, qui pourrait voir le jour à l’horizon 2020.

Un projet de loi présenté devant le parlement de Californie par l’élu démocrate Bob Blumenfield propose en effet d’imposer à tout candidat à un gros contrat dans la future ligne à grande vitesse entre Los Angeles et San Francisco d’expliquer son rôle éventuel dans le transport des prisonniers vers les camps de travail, de concentration ou d’extermination entre 1942 et 1944.

S’il ne la cite pas nommément, le projet de loi vise avant tout la société ferroviaire française SNCF “qui, depuis des années, refuse d’assumer sa responsabilité pour son rôle dans l’Holocauste”, assure à l’AFP M. Blumenfield. “Maintenant, cette compagnie vient en Californie et veut une part du plus gros contrat de toute l’histoire de notre Etat. Je pense que si une compagnie veut recevoir notre argent, celui de l’impôt des Californiens, alors elle doit assumer ses responsabilités pour ses actions passées”.

Denis Douté, président de SNCF America, assure que le groupe ferroviaire est “tout à fait favorable à cette transparence, puisqu’elle existe déjà depuis plusieurs décennies en France. Elle est complète. La SNCF a beaucoup agi sur ces questions-là en France et en Europe.”

Le rôle de la SNCF et de l’Etat français dans la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale a déjà donné lieu à plusieurs procédures en France. Elle avait été condamnée pour la première fois en 2006, avant que la décision ne soit cassée en appel. La SNCF a toujours affirmé avoir agi sur réquisition des Allemands.

Pour M. Douté, le projet de loi est l’occasion de “rétablir la vérité. Dire par exemple que la SNCF a organisé le transport des Juifs et tué des personnes est totalement faux. Les transports étaient organisés par les Allemands, qui fournissaient les wagons. La SNCF a fourni des conducteurs”.

“Et le rôle de la SNCF s’est limité à la conduite des trains jusqu’à la frontière de France, mais en aucun cas à conduire les trains jusqu’aux camps de concentration, comme je peux le lire”, ajoute-t-il.

“Il y a une commission, extrêmement active en France, en Israël et aux Etats-Unis, qui a traité environ 24.000 cas et procédé à des indemnisations chiffrées à plus de 550 millions de dollars. Mais ce n’est pas la SNCF. Tout ce qui est fait, c’est par l’Etat français, qui contrôlait la SNCF”, poursuit-il.

M. Blumenfield n’accepte pas cette distinction entre la SNCF et son actionnaire. “La plupart des compagnies, indépendamment de ce qu’ont fait leurs gouvernements ou leurs actionnaires, se sont excusées, ont pris des mesures, dédommagé les victimes, créé un fonds ou d’autres choses. La différence avec la SNCF, c’est qu’elle n’a rien fait de façon indépendante”, dit-il.

Le projet de loi, qui doit être voté avant la fin de la saison parlementaire le 31 août, pour une entrée en vigueur le 1er janvier prochain, stipule que le “devoir de transparence” (“full disclosure”) sera l’un des éléments pris en compte par les autorités dans l’attribution des contrats.

La SNCF, dont les premières études sur le TGV californien remontent à 1984, espère bien décrocher le contrat d’exploitation de la future ligne.

L’ensemble du projet est évalué à 43 milliards de dollars. Le financement, qui mêlera des crédits fédéraux, californiens, locaux et privés, atteint pour l’instant 4,5 milliards. L’appel d’offre pour l’exploitation pourrait être lancé l’an prochain.