Tunisie- Commerce parallèle et contrefaçon, confusion de genres et de perceptions?

Le commerce parallèle et l’industrie informelle sont devenus les bêtes noires du
secteur privé «formel» dans notre pays. Pas une réunion ou une manifestation
n’échappe aux critiques acérées des hommes d’affaires qui déplorent l’évolution
de ce phénomène et l’impuissance des autorités à le freiner. Cependant, pour
Chokri Mamoghli, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, il faudrait tout
d’abord s’entendre sur la signification du commerce parallèle: «nombre de
pratiques commerciales considérées par l’opinion comme étant du commerce
parallèle ne le sont pas. D’autres sont illégales mais ne relèvent pas du
commerce parallèle. Lorsqu’à titre d’exemple nous parlons de contrefaçon, il ne
s’agit aucunement de commerce parallèle, pareil s’agissant de l’envahissement
des espaces commerciaux par des marchands ambulants».

Ce sont, d’après le secrétaire d’Etat, généralement des personnes qui possèdent
des autorisations légales délivrées par la municipalité et qui opèrent dans un
cadre légal. Tout comme l’agriculteur qui vend ses produits au bord de la route.
Il faudrait donc distinguer entre commerce parallèle et pratiques commerciales
relevant de l’organisation ou de la désorganisation des espaces commerciaux.

Toutefois, relève M. Mamoghli, si nous devions considérer comme elles sont et
éviter la dramatisation, nous réaliserons que ce phénomène ne dépasse pas en
importance ce qui existe dans d’autres pays en Europe et ailleurs. Sur les
frontières entre la France et la Suisse ou la France et la Belgique, ces
pratiques existent également.

En pourcentage, on estime à entre 10 et 15% le nombre des transactions
effectuées dans le cadre du commerce parallèle. Ceci ne reflète pas, toutefois,
la situation réelle des ces pratiques commerciales vu la confusion qui existe
dans la définition même du
commerce parallèle.

La contrefaçon aussi problématique que le commerce parallèle

Les places prétendument considérées comme étant les fiefs du commerce parallèle
dans notre pays sont truffées de structures administratives de contrôles et
d’inspections surveillant la légalité des opérations. Les commerçants opérant
sur ces places disposent des autorisations légales nécessaires, payent leurs
taxes municipales et présentent au besoin les factures des marchandises
exposées, parmi lesquelles beaucoup sont contrefaites.

Dans notre pays, on ne cite pas autant la contrefaçon que le commerce parallèle
alors que celle là menace notre produit artisanal et dans leur existence même
des centaines d’artisans. Toutes les marchandises commercialisées dans nos souks
seraient importées, de manière légale, factures à l’appui et il y aurait même
des Tunisiens qui se rendent dans des pays asiatiques pour fabriquer des
produits avec lesquels ils rentrent concurrencer la production locale.

Pour lutter contre ce phénomène, il faudrait pouvoir disposer d’un cadre légal
qui permettrait de protéger les produits nationaux. Tout d’abord en déposant les
modèles ou échantillons à l’Institut national de la normalisation et de la
propriété industrielle (INNORPI) pour préserver la propriété intellectuelle,
ceci qu’ils appartiennent au patrimoine national ou à un particulier.
L’enregistrement systématique des prototypes à l’INNORPI donnera les moyens
légaux aux contrôleurs de limiter le phénomène de prolifération des produits
contrefaits.

Un effort d’information et de communication est à fournir en direction des
artisans qui ne sont pas conscients de l’importance des enjeux. Il faudrait donc
mettre en place deux approches différentes pour traiter les phénomènes de la
contrefaçon et du commerce parallèle.

D’un autre côté, il ne faut pas négliger la dimension sociale s’agissant du
commerce parallèle qui nous renvoie au dilemme de la poule et de l’œuf. Les
opérateurs privés disent qu’ils ne peuvent pas investir pour créer de nouveaux
postes d’emplois s’ils sont concurrencés dans leurs propres produits. Les
personnes qui profitent ou qui vivent du commerce parallèle, estiment, pour leur
part, qu’elles ont le droit de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de
leurs familles par les moyens dont elles disposent. Qui a tort ? Qui a raison ?
La racine du mal réside dans ce point noir qu’est le chômage dans notre pays et
qui entraîne des difficultés de plus en plus ingérables. Il faudrait peut-être
commencer par là.