Tunisie : Comptes et décomptes des salaires des patrons

salaire-dirigeant1.jpgLe rideau est finalement tombé sur cette première année de mise en application de l’obligation de déclaration des salaires des dirigeants pour les entreprises cotées à la Bourse de Tunis. Même si elle a fait peur à la plupart des dirigeants, l’écrasante majorité des sociétés ont su communiquer simplement et désamorcer ainsi les polémiques.

Youssef Kortobi, président du Conseil d’administration de la Bourse de Tunis et PDG d’AFC –intermédiaire en Bourse- considère que la divulgation des montants des salaires des patrons, a provoqué une saine réflexion sur l’utilité de la transparence et la légitimité des écarts constatés tant entre secteur public-privé qu’à l’intérieur même du secteur privé.

Jelil Bouraoui, expert-comptable, rappelle, pour sa part, que c’est le Conseil d’Administration qui fixe le revenu et pas le dirigeant lui-même, ce n’est donc pas lui qui décide,
il précisera, également, que les charges salariales déclarées sont
exprimés en montants bruts incluant environ 35% d’impôts et taxes
diverses .«Ceux qui fixent les salaires des dirigeants des entreprises sont loin d’être naïfs et ne jettent pas l’argent par les fenêtres. Si tel ou tel est plus, mieux rémunéré qu’un autre, il le mérite et le rend bien. Mieux payer est plus rentable que de sous-payer, notre relation avec l’argent doit changer»,
soulignera Youssef Kortobi.

Maher Gaida (expert-comptable), estime, quant à lui, que cette nouvelle loi a surtout servi à la «martyrisation» des patrons qui, tout d’un coup, ont commencé à se sentir persécutés et visés par une réglementation qui les cible particulièrement. Le plus important pour lui est ce problème d’interdépendance entre les détenteurs des capitaux et les gestionnaires des entreprises. L’exemple américain est très édifiant, précise t-il, car les managers sont sélectionnés en dehors du cercle des gros actionnaires et sont jugés sur leurs performances. D’où le besoin pour eux d’exiger de grosses indemnités au cas où ils sont poussés vers la porte de sortie s’ils ne réalisent pas les objectifs prévus. Ce qui nous ramène aux parachutes dorés loin d’être appliqués dans notre pays.

Les dirigeants des sociétés cotées à la Bourse de Tunis sont-ils surpayés ?

Sur les 10 banques cotées, échantillon représentatif aussi bien des écarts que des salaires les plus élevés, il faut, pour la cohérence de l’analyse, distinguer trois catégories : les dirigeants des banques publiques dont les rémunérations sont fixées sur la base de la politique salariale de l’Etat, les banques privées dont les rémunérations sont fixées par des comités de rémunérations issues des Conseils d’administrations, et les banques à participations étrangères, dont les rémunérations sont généralement fixées sur la base des politiques salariales du groupe.

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Certains observateurs du marché financier considèrent que nos dirigeants ne sont pas surpayés en comparaison avec leurs homologues dirigeant des structures semblables. Les charges salariales des dirigeants des 10 banques cotées (notre exemple) servies en 2009 représentent en moyenne 0,22% du Produit Net Bancaire (PNB) de l’année. Pour le groupe “banques publiques”, ce rapport descend à 0,03%, il se situe dans la moyenne globale pour les banques privées, alors qu’il présente quelques disparités chez “les banques à participations étrangères” (+de 50% de participation étrangère dans le capital), avec 0,5% chez l’ATB et l’UIB, 0,7% chez l’UBCI et
seulement 0,19% chez Attijari Bank.

Au vu de cette première moisson des salaires des patrons, Youssef Kortobi
pense que “nos entreprises ont surtout besoin d’un apport de compétences fortes autant au niveau du secteur public que privé”. Il estime, également, que la Tunisie doit fournir un environnement professionnel attirant et des avantages financiers attractifs susceptibles d’attirer les cadres tunisiens qui peuplent aujourd’hui les plus grandes firmes internationales.

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Salaires des dirigeants et médias

Adel Grar, président de l’Association des intermédiaires en Bourse (AIB), trouve que le traitement de la nouvelle réglementation des salaires des patrons par les médias, n’a pas été neutre ou objective. Ce qui, selon lui, se serait parfaitement attendu pour une première année de mise en application. Maher Gaida abonde dans le même en soulignant cependant qu’elle a été assez confuse, ne donnant pas de réponses au pourquoi et comment, et a manqué de pertinence en tombant dans la démagogie.

Et après !

Abdelaziz Dargouth, homme d’affaires et ancien président du CJD, pense en ce qui le concerne que le plus important est qu’il s’agit là d’une nouvelle étape en direction de la bonne gouvernance dans l’intérêt de tous les acteurs économiques. Il est approuvé par Adel Grar qui trouve que cette nouvelle loi, tout en rendant public le marché des dirigeants, a permis de mettre fin à l’opacité qui existe dans la gestion de certaines entreprises. Il estime,
par ailleurs, que le système de rémunération d’un dirigeant doit garantir son indépendance, son engagement, et son souci permanent de créer de la valeur à court et à long terme. Il considère qu’il est aussi important pour un actionnaire d’avoir une idée sur la portée des pouvoirs du dirigeant que de connaître son salaire.

“Une unanimité se dégage aujourd’hui pour une révision à la hausse des salaires et autres avantages de ceux qui, a égalité de fonctions et de responsabilités, sont sous-payés” conclu Youssef Kortobi.

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