L’Université de Lausanne manifeste un intérêt particulier pour la Tunisie

Webmanagercenter: Pouvez-vous nous présenter le concept
de l’outsourcing ?

Aziz Baccouche: Le concept d’externalisation des services, né aux
Etats-Unis dans les années 1970, prend des appellations différentes selon les
secteurs d’activités.

En effet, on parle «d’infogérance» dans les métiers de l’informatique mais on
pourrait aussi rencontrer d’autres termes dans la littérature qui traite de ce
sujet, tels que «l’impartition», la «cotraitance» ou encore les «facilities
management».

De ce fait, bien qu’il soit couramment employé dans le milieu des affaires, la
compréhension de ce concept est loin d’être évidente par les managers qui ont
tendance à le confondre avec la sous-traitance, le downsizing ou même le
reengineering.

Afin d’éclaircir et de cerner ce concept, comment pouvez-vous définir l’outsourcing
?

Parmi les définitions qui ont été citées dans plusieurs ouvrages et articles de
recherche, celle donnée par Jérôme Barthélemy, Professeur à l’ESSEC à Paris, et
Pius Bienz, Professeur émérite à HEC Lausanne et consultant international en
outsourcing et offshoring, nous semble la mieux appropriée et la plus complète.
En effet, ceux-ci considèrent l’outsourcing comme «le fait de confier une
activité et son management à un fournisseur ou à un prestataire extérieur plutôt
que de la réaliser en interne».

De là, nous comprenons que l’outsourcing, en français «externalisation», fait
partie d’une nouvelle stratégie d’organisation des entreprises qui consiste à se
focaliser sur le cœur d’un métier, en transférant tout ou une partie d’une
fonction non stratégique à un ou plusieurs partenaires externes.

Quelles sont les différentes typologies de cette industrie ?

Plusieurs typologies d’externalisation ont été données, notamment celles citées
par Pr Pius Bienz qui a focalisé sur les types d’activités externalisées, le
nombre de partenaires de l’entreprise externalisatrice, et l’emplacement
géographique des prestataires de services. En considérant le premier critère,
l’externalisation ou «outsourcing» pourrait être décomposée en trois principaux
sous-types, à savoir l’outsourcing des services de technologies de l’information
(ITO), l’outsourcing des processus business (BPO) et l’outsourcing des processus
de connaissances (KPO).

En se basant sur le second critère, on distingue, en revanche, le «mono-sourcing»
dans le cas d’un seul prestataire de service externe, et le «multi-sourcing»
dans le cas d’un nombre de prestataires externes supérieur ou égal à 2.

Enfin, en se focalisant sur le troisième et dernier critère de cette
classification, nous distinguons les concepts «d’Onshoring», de «Nearshoring» et
d’«Offshoring».

Pouvez-vous nous préciser la distinction entre les phénomènes de l’offshoring
et du nearshoring ?

L’externalisation offshore est un sujet d’actualité qui a donné lieu à des
débats passionnés lors de la campagne présidentielle américaine de 2004, étant
donné la sensibilité des domaines qu’il touche, spécialement celui des hautes
technologies.

Issu du vocabulaire pétrolier, le terme «offshoring» (délocalisation) s’applique
à toute opération d’externalisation réalisée hors du pays d’origine de
l’entreprise externalisatrice. Si l’offshoring est encore souvent assimilé aux
activités de production, il touche, d’après Barthélemy, de plus en plus les
activités de services.

Par ailleurs, on parle d’offshoring de services dans le cas où le pays où on y
externalise des services est loin aussi bien géographiquement que culturellement
du pays où se trouve l’entreprise externalisatrice.

Pouvez –vous nous donner un exemple illustrateur ?

Citons l’exemple du cas des entreprises qui se trouvent en Europe, telles que
les entreprises françaises ou suisses qui externalisent des services dans des
pays d’Asie (Inde ou la Chine par exemple) dans lesquels elles bénéficient d’un
avantage de coût par rapport à leurs concurrentes européennes ou américaines.

Comment pouvez-vous alors définir le phénomène du nearshoring ?

L’externalisation nearshore ou «nearshoring», à la différence de l’offshoring,
est le fait d’implanter une activité économique dans un pays proche du pays
d’origine aussi bien géographiquement que culturellement. Citons l’exemple de
l’Afrique du Nord ou de l’Europe de l’Est pour une entreprise française.

Pour revenir au concept général de l’outsourcing, dans quel contexte est née
cette notion?

Face à une forte croissance des services marchands aux entreprises et à une
imbrication de plus en plus forte entre les métiers de production et les métiers
de services, ces dernières n’ont guère plus le choix aujourd’hui que de se
recentrer elles aussi sur leurs métiers de base, c’est-à-dire là où elles
disposent de compétences internes avantageuses.

C’est dans ce contexte qu’est apparue la nécessité de recourir à l’outsourcing.
En effet, en confiant à des prestataires externes une partie de ses activités,
l’entreprise tend à assurer sa pérennité face à une concurrence rude et intense
ainsi qu’aux exigences d’une clientèle souvent volatile.

Quels sont, d’après vous, les autres avantages de l’outsourcing ?

En recourant à l’outsourcing, l’entreprise, outre le fait de se recentrer sur
son métier principal, développera davantage ses capacités d’innovation et de
recherche.

Ce faisant, elle sera toujours en mesure de mieux gérer les fonctions critiques
qui sont les siennes dans un marché où la demande exerce chaque jour sa
pression. D’où la recherche d’idées novatrices et de positionnement performant,
quitte à nouer des alliances et des liens de toutes natures entre les acteurs de
l’économie du XXIème siècle.

Quel est le rôle des NTIC dans le développement de cette notion ?

Grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)
qui se sont développés depuis la fin du siècle dernier, l’entreprise sort de son
périmètre classique en externalisant ses services -ou fonctions- périphériques
comme les services généraux, la logistique et les ressources humaines…

Evidemment, elles le font sans tapage ni ostentation, par souci, sûrement, de
préservation d’une certaine image et de prise en compte des impératifs de la
paix sociale.

Ceci est d’autant avéré que les hommes politiques se mêlent au débat suscité par
cette nouvelle approche des systèmes d’information qui constitue, désormais, une
méthode de management consacrée par convergence de la mondialisation des
échanges et l’évolution des technologies informatiques.

Mais comme l’enjeu est d’importance puisqu’il est en rapport avec le devenir
d’une société en mutation notamment au niveau des emplois très qualifiés et des
hautes technologies, il est indéniable que les Etats puissent définir, par le
biais de la loi, les contours du nouveau champ sans cesse élargi de
l’externalisation.

Celle-ci, naguère méconnue, est désormais une question d’actualité et qui revêt,
pour les entreprises comme pour les pays, un caractère urgent.

Quel est l’état des lieux de l’outsourcing en Tunisie, et qu’en est-il de la
situation dans le monde ?

L’outsourcing est un mouvement qui est visible depuis 2004. «Des pans entiers de
l’économie mondiale se modifient rapidement à cause de l’offshore», selon Luc
FAYARD de la revue 01 Informatique.

Amorcé aux Etats-Unis, ce mouvement s’est très vite développé. Peu de pays
peuvent y échapper. Selon McKinsey Quarterly, 40% des 500 premières entreprises
européennes ont commencé à délocaliser une partie de leurs opérations.

Par ailleurs, si l’on sait que les services représentent aujourd’hui près de 20%
du commerce international et que le taux de leur croissance est autour de 6%,
donc supérieur à celui du PIB mondial, l’on est en droit de s’attendre à un
renforcement de cette tendance.

Comme le souligne un avis du Comité économique et social européen publié dans le
Journal officiel de l’Union européenne «des services aux entreprises, dont
notamment les services financiers et informatiques sont particulièrement
dynamiques». Il ajoute: «Si l’on compare les résultats nets (les exportations
moins les importations), on constate que les grands gagnants de
l’externalisation des services sont les Etats-Unis, l’Union européenne et
l’Inde».

Il faut remarquer au sujet de ce denier pays que c’est toute l’Asie et
particulièrement la Chine qui aspire, moyennant de forts investissements dans la
Recherche-Développement et la formation à s’élever rapidement dans la chaîne de
valeur.

Ce continent ainsi que d’autres pays émergents à travers le monde se posent en
concurrents potentiels de l’Europe en matière d’outsourcing.

Toutefois, il faut signaler que, par le biais «d’un fonds d’ajustement à la
mondialisation», l’Union européenne va tenter de prêter main-forte aux groupes
d’entreprises qui risquent d’être affectées par la concurrence des pays tiers.

Au total, l’on peut affirmer que grâce aux technologies de l’information et de
la communication (TIC), l’externalisation va générer une intensification des
échanges mondiaux de biens et de services.

Quels sont les différents secteurs touchés par l’industrie de l’outsourcing ?

On peut distinguer différents domaines touchés par les secteurs du nearshoring
et de l’offshoring, notamment ceux à forte valeur ajoutée, forte croissance et
fort potentiel de développement, parmi lesquels nous pouvons citer : le
développement de logiciels, la maintenance applicative et corrective, les
solutions ASP, l’hébergement externe, l’ingénierie des réseaux, la gestion des
plans de reprises d’activités, l’intégration des systèmes d’informations, les
services de traitements, l’outsourcing RH, la gestion des relations avec les
clients.