Tunisie : Faut-il délimiter le pouvoir des dirigeants,… est-ce la bonne question?

Le pouvoir des dirigeants est toujours délimité, même s’ils disposent souvent de
tous les pouvoirs. Il a tous les pouvoirs, par défaut, quand il est lui-même
propriétaire du capital ou d’une bonne partie du capital, et c’est le cas de
l’écrasante majorité des entreprises privées de type familiales ou assimilées.

Il a, en effet, tous les pouvoirs, si le propriétaire du capital n’a ni l’envie
ni la possibilité (sur le plan de l’organisation) d’exercer un réel pouvoir de
contrôle de l’entreprise, et c’est le cas de la plupart des entreprises
publiques.

Il a, également, tous les pouvoirs dans les entreprises où le pouvoir du capital
est suffisamment dilué et ne permet pas l’émergence d’actionnariats ayant les
moyens d’exercer, au sein des conseils d’administration, de réels pouvoirs
d’influencer les décisions de la direction de l’entreprise.

Au fait, la question, qui est restée en suspens lors de la rencontre organisée
le jeudi 13 mai 2010, par
le Centre tunisien de gouvernance d’entreprise de l’IACE,
ne serait-elle pas plutôt “comment donner un réel pouvoir aux conseils
d’administration et autres conseils de surveillance?”.

On connaît surtout des conseils d’administration qui se contentent d’agréer les
rapports d’activités et les propositions du président-directeur général, des
administrateurs qui se contentent souvent de parapher les procès verbaux et d’en
profiter pour une séance de bavardage, d’échanges de bons procédés autour d’un
café, même les remarques ou les quelques relents de désaccords restent souvent
timides et ne modifient, le plus souvent, en rien la copie qui leur seront
soumise pour signature.

Certains participants de cette rencontre à l’IACE n’ont d’ailleurs pas manqué de
préciser que dans beaucoup de cas les conseils d’administration ne se tiennent
même pas et qu’on se contente le plus souvent de faire parvenir, aux
administrateurs, les procès-verbaux pour signature. Assez souvent, d’ailleurs,
les discussions les plus utiles entre direction et certains administrateurs se
font à l’occasion de rencontres informelles.

Ainsi, le problème ne se pose peut-être pas au niveau de la délimitation du
pouvoir du dirigeant, mais probablement plus sur comment assurer un réel pouvoir
d’influence et de décision aux conseils d’administrations.

Les solutions possibles ne seront probablement pas les mêmes s’il s’agit
d’entreprises privées, publiques ou d’entreprises à capital dilué. Et les rares
exemples, qui commencent à apparaître en Tunisie, de séparation des rôles entre
direction et conseils d’administration, avec des réels pouvoirs pour ces
derniers, vient du secteur privé où certaines entreprises familiales ont compris
l’intérêt de nommer à la tête de leurs entreprises des dirigeants externes.

Dans ce type de situation, le pouvoir du propriétaire du capital se retrouve
effectivement dans le conseil d’administration, ce qui lui permet de jouer
réellement un rôle de contrôle sur l’entreprise. Dans ce cas, la direction de
l’entreprise ne dispose en fait que des pouvoirs qui devraient lui permettre
d’atteindre les objectifs convenus avec le conseil d’administration; le P-dg
reste un chargé de mission qui a tout intérêt à réussir et à continuer à
convaincre le conseil de la justesse de ses décisions. C’est ce qui fait que ce
type d’organisation, même en Tunisie, donne le plus souvent de bien meilleurs
résultats.