Vingt ans après “Wall Street”, les golden-boys toujours fans des excès

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La Bourse de New York (Photo : Chris Hondros)

[14/05/2010 16:32:46] PARIS (AFP) Costumes à fines rayures et chemises chic, bonus énormes et appartements de luxe, mais le cigare en moins: plus de vingt ans après le film Wall Street, dont la suite est présentée vendredi à Cannes, le trader ou “golden boy” n’a pas beaucoup changé en dépit de la crise.

“L’argent est toujours roi”, confie à l’AFP Alice Lhabouz, directrice de la société de gestion MW à Paris.

“Les débordements sont toujours là. Le fonds du problème reste le même: la cupidité”, renchérit Jacques-Antoine Bretteil, président de la société de gestion financière ICG International.

“Le moteur n’a pas changé: se faire de l’argent”, enchérit Manoj Ladwa, trader chez le courtier ETX Capital à Londres.

Employés chouchoutés des banques et des maisons de courtage, les traders, souvent de jeunes diplômés d’écoles de commerce réputées, vendent et achètent des actions, obligations ou produits financiers pour leur employeur.

Ils sont rémunérés au “chiffre” via des bonus ou primes qui ont atteint des sommes astronomiques ces derniers mois, alors que l’économie mondiale est encore plongée dans la récession.

En 1987, Gordon Gekko, le héros du film Wall Street qui dépeint les excès de la finance, incarné par l’acteur Michael Douglas, lance une phrase qui deviendra culte: “La cupidité c’est bon” (Greed is good).

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à la Bourse de Francfort (Photo : Martin Oeser)

C’est l’époque de la finance folle, celle qui n’a pour objectif que de s’enrichir. “C’était le Far-West. Les traders s’enivraient de champagne et roulaient en limousines”, raconte Mme Labhouz.

En 2010, le style tape-à-l’oeil a certes pris quelques rides, mais le credo reste identique, mais avec des moyens autrement plus importants. Les traders disposent désormais de robots intervenant directement sur les marchés et des logiciels mathématiques qui rendent difficile le contrôle des transactions.

Cette révolution s’accompagne de produits dérivés complexes aux acronymes barbares –CDS, ABS, RMBS, etc.- qui vont se révéler des gouffres financiers pour les particuliers et les Etats mais une manne pour les golden-boys.

“Ce qui a déclenché la crise ce sont les produits vendus par ces traders”, soutient par exemple Waldenmar Brun-Theremin, gérant du Fonds Turgo Asset Management, en référence aux crédits immobiliers à risques (+subprime+), accordés aux ménages américains fragiles.

“Il n’est pas sûr que les banques qui ont acheté les +subprime+ comprenaient ce qu’elles achetaient”, enchérit M. Bretteill.

Pour M. Brun-Theremin, lui-même trader, il est devenu difficile de savoir si l’intérêt du client passe avant celui du golden-boy ou de la banque qui emploie ce dernier.

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Un trader de la place de Paris (Photo : Charly Triballeau)

Contrairement aux années 80, les traders bénéficient également aujourd’hui de la dérégulation et de l’opacité dans certains marchés, notamment ceux où s’échangent des produits dérivés. “Greed is legal” (la cupidité est légale), se félicite Gordon Gekko dans Wall Street II.

Flairant la bonne affaire, les hedge-funds, qui spéculent entre autres sur la faillite d’un produit, d’une société ou un d’Etat, s’y sont jetés et y ont prospéré. Ils pèsent désormais environ 1.670 mds USD, soit pas loin du PIB de la France – près de 2.400 mds USD- selon des chifres officiels.

“C’est le règne de l’IBG (I will be gone, je serai parti), quelqu’un d’autre va devoir recoller les morceaux”, explique Ray Brescia, enseignant en droit basé à Albany au nord de New York.

Grosso modo, “on se refile la patate chaude. On crée des bulles et on sait qu’elles vont exploser”, résume Mme Labhouz.

Et à l’instar de Gordon Gekko, les traders vont aussi en prison. Jérome Kerviel a passé un mois et demi derrière les barreaux. L’ex-trader de la Société Générale, symbole des dérives de la finance, attend son procés prévu le 8 juin. Il risque cinq ans de prison. Quant à Fabrice Tourre, l’ex-cadre de la banque Goldman Sachs accusée de fraude, il attend de connaître l’issue de la plainte déposée à son encontre par la SEC, le gendarme de la bourse de New York.