Tunisie – Economie : Néjib Karafi, DG du CETTEX, «Le secteur du textile est en période de convalescence»

En période de crise, la prudence doit être une règle absolue! Chercher des
opportunités, développer de nouveaux créneaux, au pire changer de stratégies,
sont des alternatives pour en sortir sain et un peu moins sauf. Le secteur
textile & habillement, qui a souffert de la dernière crise, est un exemple
éloquent. Après les retombées de 2009, les inquiétudes pour 2010 sont à leur
comble. «On est en période de convalescence», nous affirme M. Néjib Karafi,
directeur général du Centre technique du textile (CETTEX). Dans ce qui
l’interview ci-dessous, il nous dresse les principales lignes directrices de la
promotion du secteur ainsi que ses perspectives pour la période à venir.

Webmanagercenter : 2009 aura été une année difficile pour l’économie tunisienne,
à l’instar de tous les pays du monde. La baisse des exportations dans un secteur
comme le textile & habillement a évidemment fait peur à certains qui y voyaient
un signe sur la fragilité du secteur. Quel bilan dressez-vous pour l’année
passée?


nejib-karafi1.jpgNéjib Karafi:
Le secteur a connu la crise, c’est sûr. Mais son effet a été bien
amorti. Il était moins important que ce que nous avions prévu et de ce qu’on a
observé dans les autres pays. C’est parce qu’on a cumulé pas mal d’acquis. On a
bien encadré la profession (structures d’appui, formation professionnelle,
instituts spécialisés, code d’investissement). Les industriels ont été très
dynamiques. Pour la période 2008-2009, le secteur est le premier en matière
d’investissement, soit 50% des adhésions au Programme de Mise à Niveau et près
de 50% des adhésions aux Investissements Technologiques Prioritaires (ITP).

Les entreprises ont continué à bouger grâce, notamment, aux mesures
présidentielles. Certes, le volume a chuté, mais en valeur c’était moins grave
puisque le prix moyen a augmenté grâce aux efforts de montée en gamme. Le
travail basique a baissé contre une augmentation de l’encadrement. D’ailleurs,
les entreprises font de plus en plus appel à de nouvelles compétences (des
diplômés du supérieur).

On a compris, le secteur a su surmonter tant bien que mal la crise. Cependant,
quelles faiblesses a-t-elle dévoilées ?

Le sourcing continue à poser des problèmes de proximité. Il y a des mesures pour
pallier à cela et qui nous permettront de dépasser cette difficulté. Mais ce
sont les professionnels qui devront bouger et faire la promotion du secteur sur
les marchés extérieurs, surtout que les marges de progression sont énormes.

L’autre faiblesse est constatée dans le manque de profils qui accompagnent la
montée en gamme du secteur, à l’instar des stylistes modélistes et les chefs de
produit.

L’étude stratégique du secteur a démontré une problématique liée à la réticence
des institutions financières à financier certaines activités économiques, dont
le secteur textile & habillement, considéré comme un secteur à risques. Dans
cette étude, on a proposé de mettre en place une ligne de crédit pour le
financement des entreprises du secteur mais aussi d’encourager l’investissement
dans la mode et l’innovation afin de répondre aux nouvelles exigences du marché
et d’aller vers des créneaux et des formations pointus. Par exemple, on peut
investir dans le secteur aéronautique surtout avec les nouveaux investissements
dans ce domaine en Tunisie. Il faut savoir que 20 à 30% de la construction de
l’avion se fait en textile. Il ne faut pas axer uniquement sur l’habillement. Il
faut aller encore loin vers le textile intelligent, le textile technique, etc.

Certains analystes affirment que l’année 2010 ne serait pas facile non plus pour
l’économie mondiale, et elle est, pour certains, une continuation de l’année
2009. Quelles sont, selon vous, les perspectives du secteur pour l’année en
cours?

On est, actuellement, en période de convalescence. Ce ne sera jamais aussi
facile comme avant. L’année 2010 sera le début de la reprise. Et il faut savoir
qu’elle ne sera pas pire que 2009. Il y a un frémissement, un réchauffement qui
augure d’une fin de crise. Les gens sont plus prudents. L’enjeu est de se
préparer comme il se doit et d’attraper au vol les opportunités.

C’est ce que notre service veille est en train de faire : détecter les nouvelles
exigences de la consommation. Il y a une orientation vers l’éthique sociale, le
fast fashion, on investit dans les réseaux sociaux et les nouveaux circuits de
distribution, etc. Il est vrai, certaines branches du secteur ont résisté mieux
que d’autres à l’instar de la maille et de la lingerie. Ce qui exige des
industriels tunisiens plus d’innovation mais aussi plus de mobilité pour
détecter les nouvelles tendances et pour saisir les opportunités.