Tunisie – Gouvernance : L’ITA lance sa croisade pour le renforcement du rôle des Conseils d’Administration

Officiellement créée le 18 mai 2009, l’Association Tunisienne des Procédures
d’Administration des Entreprises «ATPAE» -ou, pour faire plus simple, l’Institut
Tunisien des Administrateurs (I.T.A.), une appellation que M.
Slaheddine Ladjimi,
président, préfère-, entame sa longue marche vers une Tunisie où les entreprises
tant publiques que privées seraient parfaitement gouvernés, notamment parce
qu’elles auraient des administrateurs jouant pleinement leur rôle. Elle le fait
formellement en organisant un colloque inaugural –«les nouveaux acteurs de
l’après crise : les administrateurs de sociétés»- qui, jeudi 21 janvier 2010,
analysera «les enjeux et les défis de la bonne gouvernance des entreprises»
débattra du «développement des bonnes pratiques de gouvernance en Tunisie»,
ainsi que du «rôle des conseils d’administration et des administrateurs dans la
gouvernance des entreprises». Sur le fond, l’ITA a déjà commencé à mettre en
place les premiers outils et dispositifs de nature devant servir dans la
conduite de sa mission.

Ainsi, après l’équipe dirigeante -composée de trois experts comptables (Mohamed
Jarraya, Alpha-Audit; Taoufik Ayadi, Ayadi et Associés; et Abdessatar Mabkhout,
associé à PriceWaterhouseCoopers), deux universitaires (Slah Hellara, IHET; et
Hechmi Djemmali, Professeur à IAE de Lyon) et deux managers (Moez Joudi,
Formapro
et Slaheddine Ladjimi, BIAT)-, l’ITA a élaboré deux chartes, l’une de
l’adhérent et l’autre de l’administrateur.

Le cadre ainsi mis en place, le plus dur reste à faire : «accompagner à la fois
les pouvoirs publics et les administrateurs dans leur mission pour mettre en
pratique la bonne gouvernance», souligne le président de l’ITA, Slaheddine
Ladjimi. Car même s’ils ne le clament pas haut et fort, les responsables de l’ITA
savent pertinemment que tout ou presque reste à faire dans ce domaine en
Tunisie. Le président de cet organisme le suggère lui-même avec tact lorsqu’il
déclare que lui et les autres co-fondateurs «nous nous sommes demandés comment
sont nos conseils, nos conseils d’administration et s’il y a une pratique réelle
de la bonne gouvernance».

Conscient de l’énormité et de la délicatesse de leur tâche, dans un pays qui
doit encore faire son apprentissage dans ce domaine, les fondateurs de l’ITA ont
opté pour le statut peu encombrant d’«association scientifique». Ce qui ne
l’empêche pas d’affirmer, dans la charte de l’administrateur.

Certes d’après, la charte de l’adhérent, cet organisme vise à «partager le
savoir, les connaissances et les bonnes pratiques dans tout domaine, en vue de
rehausser la qualité de la bonne gouvernance de l’entreprise». Mais lorsqu’on
leur demande si cet institut ne va pas aussi agir en direction des pouvoirs
publics –ce qui irait au-delà d’un rôle purement scientifique- pour que leurs
idées «se transforment en textes juridiques», les responsables de l’ITA ne nient
pas.

Moez Joudi a d’ailleurs déjà identifié –ce qui est une manière de pousser dans
ce sens- au moins un domaine dans lequel les autorités peuvent grandement
contribuer à faire avancer la cause de la bonne gouvernance dans les entreprises
: les organes internes de contrôle.

Selon le vice-président de l’ITA, les comités constituent –avec la séparation du
pouvoir au sein de l’entreprise, l’indépendance des conseils d’administration,
la composition optimale de cet organe (avec la représentation des «stake holders»
en son sein) et le fonctionnement démocratique des assemblées générales- «les 5
bonnes pratiques à adopter en urgence».

Tout en admettant que la Tunisie «a fait des progrès dans ce domaine» -notamment
avec l’adoption en 2005 de deux lois sur la sécurité financière et la création
des comités d’audit-, Moez Joudi estime qu’il y a encore des progrès à faire,
tant au niveau des textes que de la pratique.

Pour cet enseignant universitaire en France, également directeur général de
Formapro, le texte sur les comités d’audit doit être amendé «pour préciser la
composition de cet organe», car «cela n’a pas de sens que le directeur général
en fasse partie».

Autre réforme incontournable, la séparation des pouvoirs et leur partage. «Quand
on a un président-directeur général à la tête d’une entreprise, celui-ci a
tendance à se comporter en grand manitou et à empêcher les structures internes
de contrôle de fonctionner», analyse Abdessatar Mabkhout. «S’il n’y a pas de
partage des prérogatives, il n’y pas de gouvernance», complète Taoufik Ayadi.