Suicides à France Télécom : questionnaire aux salariés sur le stress au travail

[19/10/2009 17:35:30] PARIS (AFP)

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és de France Télécom marchent en silence le 16 octobre 2009 à Lannion pour rendre hommage à un collègue qui s’est sucidé (Photo : Fred Tanneau)

Les salariés de France Télécom, endeuillés par les suicides de 25 de leurs collègues en moins de deux ans, sont invités depuis lundi à répondre à un questionnaire sur les souffrances au travail, à la veille d’une journée d’actions et d’une nouvelle réunion de négociations.

“Vous arrive-t-il ou vous est-il arrivé au cours des 12 derniers mois de vous sentir très fatigué(e) ou stressé(e) par votre travail?”, “J’ai l’impression de travailler pour satisfaire les critères d’évaluation de la hiérarchie, et non pour répondre aux exigences du métier”, “il arrive souvent que vous ne puissiez pas effectuer correctement votre travail parce que les exigences demandées sont trop fortes”, sont quelques unes des 161 questions ou affirmations posées depuis lundi aux 102.000 salariés du groupe.

Cette consultation donnera “un état des lieux le plus fiable possible de nos salariés”, a déclaré à Toulouse le numéro 2 de l’entreprise, Stéphane Richard, estimant qu’il y aura “un taux de réponse très élevé”.

Lundi à 18H00, déjà 9.000 salariés y avaient répondu, sur 70.000 questionnaires envoyés, échelonnés dans la journée, a indiqué la direction.

Les salariés volontaires ont jusqu’au 16 novembre pour y répondre.

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és du groupe France Télécom manifestent, le 19 octobre 2009, devant le siège régional de leur entreprise à Toulouse (Photo : Remy Gabalda)

Les questions portent notamment sur leur charge de travail, l’autonomie, la reconnaissance du travail, les mobilités, leurs contraintes professionnelles, le temps de travail, les relations avec l’encadrement, mais aussi leur situation psychologique liée au travail ou encore les intimidations dont ils ont pu être victimes.

“L’anonymat et la confidentialité sont absolument respectés”, a assuré la direction.

Ce questionnaire, dont les résultats sont attendus fin novembre-début décembre, est une des actions menées par le cabinet d’expertise technologia, qui va aussi notamment analyser les 25 suicides et 15 tentatives recensés dans le groupe.

“Les salariés vont pouvoir prendre la parole”, a salué Sandrine Leroy (FO), qui “préconise de profiter de la journée de mobilisation de mardi pour y répondre”.

Les syndicats ont appelé le personnel à “agir sous toutes les formes” –rassemblements, débrayages..- mardi, en marge d’une nouvelle séance de négociation sur le stress, qui coïncide avec les obsèques du salarié qui s’est suicidé jeudi à Lannion (Côtes d’Armor).

Mais pour Christophe Dejours, psychiatre et spécialiste du suicide au travail, le questionnaire “ne sert à rien” car “on sait déjà que les salariés vont mal”.

Même constat pour Christian Mathorel (CGT): le questionnaire “n’est pas au coeur des solutions. Ce sont les négociations qui sont au coeur, même si elles pourront s’appuyer sur les résultats du questionnaire”.

Selon lui, certains salariés pourront être réticents à répondre, car “il y a eu beaucoup de suspicions et de flicage”. “Il est difficile de transformer la méfiance des salariés du jour au lendemain”.

Patrick Ackermann (Sud-PTT) rappelle que son syndicat, avec la CFE-CGC, avait déjà organisé une enquête similaire il y a deux ans, via l’Observatoire du stress. “L’enquête avait donné 66% de gens stressés et 15% en situation de détresse, mais la direction avait contesté nos chiffres”, ajoute-t-il, regrettant “un questionnaire qui arrive un peu tard”.

Pierre Morville (CFE-CGC) attend lui “un bon retour”, même si la consultation “s’insère dans un environnement complexe”, entre négociations, “assises de la refondation sociale” voulues par la direction, et élections des représentants des salariés au conseil d’administration.