Au Royaume-Uni, les appels contre les bonus de la City font florès

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Logo du London Stock Exchange, la Bourse de Londres (Photo : Ben Stansall)

[03/09/2009 09:00:14] LONDRES (AFP) Les attaques contre les bonus faramineux versés par les banques de la City ont pris de l’ampleur ces dernières semaines au Royaume-Uni, et font monter la pression sur le gouvernement de Gordon Brown, à l’approche du prochain sommet du G20.

Alors que des journaux rapportaient que des banques comme Royal Bank of Scotland continuaient à octroyer des millions de livres à certains de leurs employés, une quinzaine d’enseignants en écoles de commerce ont lancé la charge début août en proposant l’instauration d’un impôt exceptionnel (“windfall tax”) sur les bonus des banquiers, qui servirait à financer “les services publics, l’art et l’aide au développement”.

Selon le fer de lance de cette proposition, Stefano Harney, professeur à l’Université Queen Mary à Londres, il faut “extirper la culture des bonus du secteur bancaire”, qui fait “croire aux banquiers et aux courtiers qu’ils valent cent fois plus que des infirmières, des conducteurs de bus ou des postiers”.

“D’un côté, on n’a aucune preuve que les bonus génèrent des performances meilleures, et de l’autre, on a de multiples preuves qu’ils génèrent de la volatilité, des risques, et portent eux des germes de crises”, explique-t-il dans un entretien à l’AFP.

Le cercle de réflexion Compass, proche du Labour, a suivi cet exemple en réclamant la création d’une “commission des hauts revenus”, sur le modèle de la “commission sur les bas revenus” mise en place par les travaillistes à leur arrivée au pouvoir en 1997.

Alors que la “low pay commission” avait abouti à la création d’un salaire minimum, son avatar aurait pour tâche de limiter les rémunérations des banquiers rois et autres patrons de la City.

“La rémunération moyenne d’un patron du Footsie (l’équivalent britannique du CAC 40, ndlr) a grimpé de près de 300% sur la dernière décennie, et dans le même temps, l’indice a chuté de 30%, ce qui détruit complètement le mythe selon lequel les rémunérations seraient liées aux performances”, plaide Gavin Hayes, le secrétaire général de Compass.

Selon lui, “ces rémunérations excessives font peser un risque systémique non seulement sur le secteur bancaire, mais sur l’économie dans son ensemble et toute la société”, et le système actuel “place la spéculation sans scrupules au-dessus du travail et de la responsabilité”.

Ces appels pourraient sembler à première vue condamnés à l’avance, dans un pays où le gouvernement se montre très à l’écoute de la City. Le maire conservateur de Londres, Boris Johnson, s’est lui-même rendu mercredi à Bruxelles pour plaider contre une limitation des bonus.

Mais la crise financière est passée par là, et ces idées commencent à faire boule de neige. Compass a déjà reçu le soutien de plusieurs dizaines d’économistes et de députés, notamment au sein du parti travailliste, et selon le professeur Harney, “la dynamique en faveur d’un durcissement de la règlementation se renforce”.

Les partisans de mesures radicales ont même reçu le soutien inattendu d’Adair Turner, le président de l’Autorité britannique des services financiers, elle-même accusée de complaisance à l’égard des banquiers qu’elle est censée superviser.

Il a pourfendu les rémunérations démesurées d’un secteur financier “hypertrophié”, et préconisé, pour les juguler, des mesures qui pourraient aller jusqu’à taxer les transactions financières, à la manière de ce qu’avait proposé dans les années 70 l’économiste américain James Tobin.

De quoi faire monter encore la pression sur le gouvernement britannique, qui se dit prêt à durcir fortement la règlementation, mais écarte pour l’instant un plafonnement des bonus tel que prôné par l’Allemagne et la France.