Rush des entreprises tunisiennes vers l’Algérie ?

A en croire un quotidien économique algérien, Le Financier en l’occurrence,
on assisterait à une véritable ruée des sociétés tunisiennes vers ce pays
frère. Nos entreprises seraient particulièrement séduites par le prix de
l’énergie, «environ six fois moins que ceux pratiqués dans d’autres pays du
Maghreb», selon l’auteur de l’article, et par la «surliquidité actuelle des
banques algériennes», sans oublier la cerise sur le gâteau : «une main
d’œuvre peu coûteuse en raison de la dévaluation du dinar algérien».

En somme, en investissant dans ce pays voisin, nos hommes d’affaires
pourraient ainsi minimiser leurs coûts de production grâce à l’abondance des
hydrocarbures, des possibilités d’obtention de prêts bancaires à des
conditions avantageuses, et les bas salaires pratiqués chez nos frères. On
croirait lire un document de notre FIPA, destiné à accrocher un chaland
européen. Au cœur même du Maghreb, l’Algérie renforce donc son intégration économique
régionale. Ce que le dernier rapport publié par l’Agence Nationale de
Promotion du Commerce Extérieur (ALGEX) algérien confirme. Ainsi, les
exportations à destination des pays de l’Union du Maghreb Arabe (UMA) se
sont élevées à 677,7 millions de dollars, marquant une hausse de 59,6 pour
cent. Les importations algériennes provenant des autres Etats de l’UMA sont
estimées, elles, à 232,54 millions de dollars, soit une nette augmentation
de 32,84 pour cent. Que des entreprises tunisiennes veuillent s’engouffrer dans la brèche paraît
donc légitime. Et il s’agit plutôt de poids lourds. Ainsi, la Société
tunisienne de biscuit (Sotubi) a ouvert une filiale algérienne. Alkimia,
l’un des poids lourds de notre industrie chimique, a fait acquisition, en
2006, de 25% du capital de l’usine Kimial, située dans la plus tunisienne
des villes algériennes, à savoir, Annaba. Les exemples abondent, et notre
collègue s’empresse de les énumérer. «Carthago Ceramic, société spécialisée
dans la fabrication de céramique, ouvrira bientôt une usine dans la ville de
Sétif». Notons toutefois que les entrepreneurs tunisiens sont nettement plus
nombreux que leurs homologues algériens dans notre pays. Notre ambassadeur
chez nos voisins de l’ouest l’a, du reste, confirmé en soulignant «qu’une
soixantaine d’entreprises tunisiennes (industrielles, financières…)
activent en Algérie depuis plusieurs années dans différents secteurs, alors
que seulement 25 entreprises algériennes sont installées en Tunisie». Des
entreprises comme Tunisie Profilé Aluminium (TPR), l’un des leaders du
secteur de l’emballage, comme Altéa Packaging, et Gif Filter préparent
d’ores et déjà leur installation chez nos voisins. Les sirènes algériennes semblent même séduire nos financiers. Puisque Amen
Bank et Tunisie Leasing -son partenaire dans l’aventure maghrébine-
détiennent 97% du capital de «Maghreb Leasing Algérie»… Reste que la
conclusion de notre collègue est un peu inquiétante. «Selon des experts
économiques, on pourrait même assister, dans un futur proche, à une
délocalisation massive des firmes industrielles tunisiennes». Allons, chers
voisins, avec de telles «surliquidités» vous seriez aussi bien inspirés de
les éponger un tantinet de notre côté !