Les femmes et le pouvoir entrepreunarial

Et si les femmes ne voulaient pas le pouvoir ? N’aiment pas
le pouvoir ? Vraiment, pour celui qui connaît l’histoire de Samson et Dalida, la
question a de quoi chagriner. Pourtant, elle mérite qu’on s’y attarde car une
bonne partie de la gent féminine a tracé sa route, en Tunisie, en mettant de
côté la question du genre. Cela dit, si des femmes de tête ont réussi à émerger
dans l’entreprise ou en politique, affichant ainsi des postures souveraines,
édifiantes et valorisantes ; nombreuses sont celles qui préfèrent encore rester
dans l’ombre ou l’anti-chambre du pouvoir où se font et se défont, souvent, des
carrières, des destins et des itinéraires inattendus. D’ailleurs, à entendre
certaines s’attarder à disserter, à épiloguer sur les notions de la hiérarchie,
des rapports de force au sein des lieux de production et du jeu impitoyable des
croisements des pouvoirs, elles paraissent si sages ! Si naïves ! Si
désintéressées !

« Je déteste le pouvoir, qui engendre trop souvent des dérives », dit Madame
Faiza Belkir, Présidente de l’Association des Femmes pour un Développement
Durable à Mahdia. « Je préfère le terme d’influence que je cherche davantage que
le pouvoir », renchérit Donia Jemail, responsable de la communication au sein
des départements de la Banque Mondiale en Tunisie. « En user pas en abuser »,
pour Madame Radhia Ben Mrad, pionnière de l’Association de Sauvegarde de la
Ville de la Marsa, qui appelle ses congénères, cheffes d’entreprises, cadres
supérieures dans la fonction publique, à assumer leurs relations au pouvoir, à
renverser les clichés du politiquement correct et à prouver, qu’une fois assises
dans un fauteuil de direction, elles n’ont pas, insiste-t-elle, pour se
distinguer des hommes, à faire de la tempérance, de la continence et de la
modestie leurs vertus cardinales.

D’un côté, donc, des femmes de caractère, véritables amazones des temps
modernes qui sont actuellement, en Tunisie, à 60% de la communauté estudiantine
du pays, signe annonciateur d’une féminisation rampante et inéluctable du marché
du travail et de ses postes de commande. De l’autre, une partie importante qui
essaie de concilier les impératifs de la vie de famille avec les contraintes
professionnelles et dont l’ambition se limite à ne pas disparaître de la scène
productive, assurant ainsi un service minimum. D’où la question : et si, au
fond, du pouvoir, elles n’en avaient cure ? Il existe sans doute, pour les
femmes, nous dit Madame Khaoula Selmi, cadre supérieur dans la fonction
publique, un côté confortable à être planqué, car il répond au fantasme d’une
féminité idéale, dotée des vertus du pardon, enracinée dans la mémoire
collective d’une culture méditerranéenne ressourcée constamment à la toute
puissance de la maternité et dont les valeurs reconnues- intuition,
bienveillance, écoute- ne se conjuguent pas toujours avec les notions du pouvoir
explicite. Il s’agit, à n’en pas douter, ajoute notre interlocutrice, de
valeurs, qui ont conféré, de tout temps, à la gent féminine, des prérogatives
spécifiques, circonscrites au foyer et qu’elles ne veulent pas lâcher.

« J’estime que les besoins éducatifs des enfants et l’ensemble de la
logistique de la famille sont de notre ressort, et déléguer ces espaces à
quelqu’un d’autre me dérangerait personnellement et mettrait en question les
fondements de toute une initiation transmise à travers les générations »,
conclut Madame Fatma Ben Amara, Directrice à la Banque de l’Habitat, qui invite
les femmes, désireuses d’accéder à des postes de responsabilité, à féminiser les
règles du jeu, car le monde de l’entreprise, dit-elle, est construit par des
hommes pour des hommes.

Finalement, si le sexe, prétendument faible, s’était senti réellement
légitime à occuper le devant des scènes de pouvoir, nous assène El Haj El Fehri,
Président du Conseil d’Affaires Tuniso-marocain, la force de la conviction
l’aurait sûrement emporté. Mais, malheureusement, les femmes aussi font obstacle
à leur épanouissement professionnel puisque dans leur majorité, insiste notre
interlocuteur, elles se méfient des fondées de pouvoir qui ont réussi, à la
force du poignet, à s’affranchir des fatalités inhérentes à la condition
féminine.