Le système financier américain s’emballe

Par : Autres

Depuis quelques semaines, il n’y a pas un jour qui passe sans
que la presse du monde entier ne reprenne une information venue d’outre
-Atlantique et concernant le système financier américain qui s’enfonce chaque
jour davantage dans la morosité, entraînant les principales places financières
internationales dans sa chute. Beau résultat de la globalisation des marchés
dont on nous a dit tant de bien.

Quatre des cinq banques d’affaires américaines qui, il y a encore quelques
mois présentaient des résultats mirobolants et qui conseillaient les
gouvernements de nombreux pays et les grands groupes internationaux, n’ont pas
échappé à la tourmente.

Bear Stearnes a été sauvé in extremis en mars 2008 avec son rachat par JP
Morgan. Les actionnaires ont tout perdu dans cette opération qui n’aurait pu se
réaliser sans la garantie des dettes par le Trésor américain. Morgan Stanley
s’est associée avec une banque de dépôts pour ne pas déposer son bilan. Merrill
Lynch a été achetée sur ordre du gouvernement par Bank of America. Lehman
Brothers s’est placé sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine pour
éviter la faillite. Cette protection provisoire lui permet d’échapper
momentanément au dépôt de bilan.

Goldman Sachs, la plus importante, a perdu plus de 30% de sa valeur en bourse
et va adopter une structure de holding pour bénéficier de l’aide de la Federal
Reserve, la Banque centrale américaine.

Quelques jours plus tôt, le gouvernement américain a pris le contrôle des
deux plus grandes sociétés de services financiers spécialisées dans le
refinancement des crédits hypothécaires Fannie May et Freddie Mac. Ces deux
sociétés, qui bénéficient de privilèges fédéraux, lignes de crédits , achat par
le Trésor de leurs créances hypothécaires…sont actuellement sous tutelle et le
gouvernement a déjà nommé de nouveaux dirigeants. Les actionnaires ont presque
tout perdu, les cours boursiers ont perdu entre 70 et 90% de leurs valeurs par
comparaison avec la situation d’il y a un an, mais les sociétés continueront à
fonctionner; le gouvernement garantira leurs dettes.

Plusieurs banques étrangères et même des Banques centrales auraient acquis
des titres émis par ces deux sociétés. En effet, la technique de la titrisation
– transformation des créances en produits financiers – permet de racheter les
crédits hypothécaires des banques ou organismes qui accordent des crédits
immobiliers. Ces dernières se refinançaient auprès de ces organismes
spécialisés. Ces crédits étaient revendus à une structure ad hoc — un fonds
commun de placement de créances — créé par ces organismes spécialisés qui, à
leur tour, émettaient des obligations vendues dans le monde entier. Ces
organismes peuvent aussi émettre des obligations garanties par les crédits
hypothécaires acquis par elles et mises en portefeuille.

Ces obligations sont présentées aux investisseurs du monde entier comme des
produits présentant peu de risques et se retrouvent donc dans les portefeuilles
de sociétés, de fonds d’investissement, de fonds de pension, de grandes et de
petites banques, situés aux quatre coins du monde.

La qualité de ces fonds communs dépend des contrôles des risques de
défaillance à plusieurs niveaux, du client initial emprunteur, du logement et de
son évaluation, du classement des créances, de la constitution des fonds et des
garanties contre les risques de non recouvrement et de la notation du fonds. Les
défaillances d’une des chaînes de contrôle des risques peuvent faire vaciller
tout l’édifice. C’est ce qui est arrivé dans la crise des subprimes. La première
chaîne de contrôle se trouve au niveau de la sélection des bénéficiaires des
crédits. La distribution massive des crédits hypothécaires, par des courtiers
intéressés uniquement par le chiffre et les commissions sur ventes, n’a pas
encouragé l’analyse et la sélection des risques. Les fournisseurs de crédits,
banques et autres structures financières, n’ont pas été très regardants,
d’autant plus que très rapidement les crédits étaient titrisés, vendus et
l’argent récupéré rapidement avec transfert du risque de crédit de la banque au
marché.

Les sociétés de notation chargées de suivre ces fonds, de noter leur capacité
à honorer leurs engagements ont aussi été défaillantes, ce qui a entamé leur
crédibilité.

Si on ajoute à cela des prêts à taux variables et sur le très long terme et
une conjoncture économique défavorable entraînant l’insolvabilité des clients
emprunteurs, une crise de l’immobilier qui a vu fondre la valeur des biens
immobiliers, le résultat c’est la crise des «subprimes», dont on n’a pas fini
d’entendre parler et dont les dégâts dépassent les frontières du nouveau monde.

Dernière intervention en date des autorités monétaires américaines, la
nationalisation d’American International Group AIG, le géant de l’assurance,
premier assureur du monde qui intervient dans 130 pays.

En contrepartie des 79% du capital de la société, les autorités américaines
ont avancé 85 milliards de dollars, fonds nécessaires pour éviter la faillite de
cette société. Les conséquences d’une telle faillite sont difficilement
imaginables. Au vu de la diversité des activités et le nombre des pays dans
lesquels cette société intervient, des faillites de banques, d’entreprises, une
diminution de l’activité d’assurance, donc du commerce, sont possibles.

Après l’intervention des autorités monétaires aux Etats-Unis, en Angleterre
et probablement dans plusieurs autres pays, des voix s’élèvent pour réclamer
plus de contrôle des autorités monétaires sur la sphère financière. Il faut
rappeler que c’est le contribuable qui réglera la note en dernier ressort. En
effet, le Trésor américain vient de lancer un programme d’émission de Bons du
Trésor pour renflouer les caisses de la Banque centrale américaine. Le politique
devra avoir son mot à dire dans cette fuite en avant dans la création de
produits financiers de plus en plus sophistiqués. Parmi les résultats de cette
crise et bien qu’on puisse s’attendre à une contraction plus importante du
crédit, à une augmentation du chômage, au renforcement du climat de méfiance
entre les banques — ce qui ne va pas encourager le développement du commerce et
des investissements au niveau mondial—,les pays en développement vont
certainement en pâtir.