Le vice-président de la BEI : le développement économique du Sud de la Méditerranée tire celui de l’Europe

La Banque européenne d’Investissement (BEI) est très
présente en Tunisie par le soutien qu’elle apporte à de grands projets tels
celui de Taparura à Sfax, par l’accord de prêts pour le développement de
l’infrastructure routière et dont le dernier s’élève à 110 millions d’Euros mais
également par la mise en place de lignes de financements en direction des PME.

La BEI est également très présente en Méditerranée et dans le Maghreb.

Entretien avec Philippe de Fontaine Vive vice-président de la BEI qui, de
passage à Tunis lors du Forum des Young Mediterranean leaders, a bien voulu nous
éclairer sur la politique d’investissement de la Banque européenne de
Développement au Maghreb.

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Quels sont les secteurs économiques les plus soutenus par la Banque européenne (BEI) d’Investissement au Maghreb ?

Les financements vont tout d’abord vers les secteurs du Transport, de
l’énergie et les PME via les lignes de crédits que nous avons mis en place
pour soutenir le tissu entrepreunerial.

Comment peut-on se mobiliser économiquement pour construire une
Méditerranée et par quels moyens pourrait se traduire cette mobilisation ?

Je peux vous donner un exemple concret : aujourd’hui nous entendons les
jeunes dirigeants soulever les problèmes des blocages qui existent au niveau
de l’exportation ou de l’investissement entre les pays méditerranéens. Je
pense que ce type de message doit être porté au niveau politique et appeler
à ce que les instances responsables fassent ce qu’il faut pour légiférer et
assainir les difficultés dans le but de donner un véritable sens à la
Méditerranée. L’une des priorités de l’Union pour la Méditerranée, est le
plan solaire. Dans le Sud, il y a un soleil dont on ne fait pratiquement
rien. Nous avons deux expériences pilotes, une au Maroc et l’autre en Egypte
uniques, alors que c’est une ressource naturelle qui permettrait d’améliorer
la compétitivité de la Méditerranée.

Vous avez déclaré que la Méditerranée est un moteur de croissance
beaucoup plus important que l’Inde et la Chine pour l’Europe ?

Aujourd’hui, le Sud de la Méditerranée se situe à une moyenne de taux de
croissance de l’ordre de 5% alors que la moyenne de croissance en Europe est
de l’ordre de 2 à 2,5. Quel est le constat ? C’est que le développement
économique du Sud de la Méditerranée tire le développement économique de
l’Europe, c’est ce que je veux dire par moteur de croissance.

Pourquoi je pense que les pays méditerranéens sont plus importants pour
nous Européens que la Chine ou l’Inde ? C’est parce que dans ces pays, les
investissements viennent du monde entier. Ils sont fondamentalement
domestiques voir voisins. Ce ne sont pas les Européens qui sont les premiers
bénéficiaires de la Chine ou de l’Inde alors que les premiers bénéficiaires
et de très loin du développement économique du Maghreb et de la
Méditerranée, de façon générale, ce sont les Européens.

Dans l’ombre de la crise financière, incontournable, comment la politique
de la BEI se redéploiera en Méditerranée ?

En Méditerranée, les secteurs financiers et banquiers ont été moins
touchés que les secteurs financiers et bancaires américains dont les
produits sont plus sophistiqués. Pour l’instant, nous souffrons moins que
les banques américaines. Le risque pour la Méditerranée est moins dans la
crise financière que dans l’éventuelle récession de l’économie réelle. C’est
ce que nous devons anticiper et nous pouvons le faire en mettant en place de
nouvelles stratégies pour dynamiser la croissance et continuer à investir en
Méditerranée pour stimuler les économies des pays du Sud.

Le soutien aux investissements accordé à la Turquie est 10 fois plus
important que celui accordé aux pays maghrébins. Ne pensez-vous pas qu’il
existe un certain déséquilibre à ce niveau ?

Il ne m’appartient pas de juger si le fait d’investir en Turquie beaucoup
plus que dans les pays du Maghreb est juste ou pas. Moi je suis le banquier
qui met en œuvre les instructions politiques de l’Union européenne. Le
mandat que nouas avons reçu soutenir l’investissement dans les neuf pays du
Sud de la Méditerranée, c’est de passer de 2007 à 2013 à un niveau de
financement qui varie entre 1,6 milliards d’euros à plus de 2 milliards
d’euros par an. C’est un mandat politique qui nous a été donné et qui sera
réexaminé en 2010 par l’Union européenne.

La Turquie est un pays en cours d’accession à l’Europe, il ne fait pas
partie des neuf pays dont je viens de parler. Un processus juridique a été
lancé pour son adhésion et on est en train de négocier, chapitre par
chapitre, secteur par secteur les modalités de son appartenance à la CEE et
la mise aux normes de l’économie turque à l’économie européenne. Donc le
cheminement de la Turquie vers l’Union européenne comme ce qui s’est passé
dans le cheminement de tous les Etats au nombre de 21 qui sont devenus
européens permet à la BEI d’intervenir plus intensément, il n’y a pas de
plafond de soutien à l’économie pour les pays qui accèdent à l’Europe.

Est-ce que la politique de soutien au développement au Maghreb a changé
suite aux nouveaux adhérents à l’Europe ?

Il n’y a aucune compétition entre les nouveaux Etats membres européens et
les pays maghrébins puisque ces Etats sont dans nos activités au sein de
l’Union européenne et les pays maghrébins sont au sein de nos activités sur
un autre voler. Le budget prévu pour les pays du Sud de la Méditerranée,
comme je l’ai déjà déclaré, doit représenter un peu plus de deux milliards
d’Euros à l’horizon de 2013. Donc, nouveaux et anciens pays ne sont pas en
compétition sur les mêmes financements.

Est-ce qu’en finançant un projet, la BEI a son mot à dire lorsqu’il
s’agit de juger de son efficience et de sa rentabilité et ses répercussions
sur toute la région ? Surtout quand il s’agit de projets semblables ?

Quand nous finançons un projet, nous ne le finançons pas par rapport à un
pays, nous le finançons par rapport à sa rentabilité économique et sociale.
Si chacun des pays investi sur les mêmes secteurs, il réduit la rentabilité
économique et sociale de son projet. Dans un secteur comme celui des ports,
j’ai lancé une étude qui devrait être finalisée l’année prochaine pour que
chacun des pays maghrébins se rende compte de la dimension de ses
opportunités. Bien évidemment, c’est au pays lui-même de décider de ce qu’il
doit nous présenter comme projet mais si tous les pays nous soumettent le
même, il y a risque pour qu’aucun projet ne soit rentable.