Tunisie-France : le projet d’implantation d’une usine aéronautique n’est peut-être pas définitivement compromis


Par Moncef MAHROUG

Le 29 avril 2008, le
président Nicolas Sarkozy avait annoncé, devant un parterre d’hommes
d’affaires tunisiens et français, réunis à l’occasion de la visite du chef
de l’Etat français en Tunisie, l’installation dans ce pays d’une usine
aéronautique devant employer 2.000 personnes. Confirmé la veille, par M.
Pierre Junca, président du Conseil de surveillance de Latécoère, à ses
interlocuteurs tunisiens, lors de la cérémonie de signature des accords
portant sur l’achat par la Tunisie d’une bonne dizaine d’Airbus, au siège du
ministère des Transports, ce projet a pris du plomb dans l’aile quelques
jours plus tard, après que la transaction portant rachat par Latècoère de
deux usines d’Airbus ait été annulée peu de temps qu’elle ne soit conclue.
Car, les deux projets sont intimement liés entre eux et avec l’achat par la
Tunisie de seize Airbus. Tout en constituant la contrepartie à cette
dernière opération, dans le cadre de ce qu’on appelle, en Tunisie, la
«compensation industrielle» -c’est-à-dire l’engagement par le vendeur, en
l’occurrence Airbus, de développer une activité industrielle dans le pays,
en échange de l’achat d’avions par ce dernier-, le projet d’implantation
d’une usine aéronautique en Tunisie devait également illustrer un
raffermissement des liens entre Latécoère et Airbus.

 

En effet, pour se
préparer à racheter les deux sites d’Airbus à Méaulte et St Nazaire-Ville
–pour lesquels il avait été choisi, en décembre 2007, comme «partenaire
préférentiel»-, et, en même temps renforcer «les possibilités de financement
des nouveaux programmes», dont celui de l’A350, Latécoère avait réuni un
tour de table en vue d’augmenter son capital de 300 millions d’euros. Tout
cela n’est plus à l’ordre du jour.

D’ailleurs, Latécoère,
qui a visiblement été pris de court, semble aujourd’hui s’accommoder de
cette situation, et agir en conséquence.

 

En effet, tirant les
leçons de cette affaire, le Directoire de Latécoère a proposé au Conseil de
Surveillance du groupe, réuni début juin pour «examiner les conséquences de
la décision d’Airbus de mettre fin aux négociations relatives à
l’acquisition» des deux sites, de prendre une série de mesures
«exceptionnelles» : révision de la politique de partenariat sur les nouveaux
programmes (d’Airbus, ndlr), développement de l’activité de prestations de
services, lancement «d’un plan drastique de réduction des coûts et
d’amélioration de la productivité», baptisé «défi 2011», non renouvellement
des contrats de personnel temporaire dans les fonctions administratives et
techniques, et, enfin, «augmentation des transferts de production vers les
pays «low cost». Ce que Latécoère est déjà en train de faire en Tunisie.

 

En effet, présent en
Tunisie depuis une bonne dizaine d’années, ce groupe français est en train
d’y développer son activité, avec la récente création d’une nouvelle
société, baptisée «Société d’Electronique Aéronautique» (SEA), spécialisée
dans la fabrication de faisceaux de câbles et équipements électroniques.

 

Toutefois, même le projet
d’usine aéronautique ne semble pas définitivement perdu pour la Tunisie.
Tout en reconnaissant que «ce projet a du retard à l’allumage en raison du
changement des plans d’Airbus», une source française affirme qu’il «n’est
pas remis en cause». Certes, «le schéma avec augmentation du capital et
rachat (des deux unités d’Airbus) est pour l’instant suspendu», mais «il se
passera quelque chose dans la région, en Tunisie en particulier, dans les
prochaines années». Le chef de l’Etat français s’étant en quelque sorte
personnellement engagé dans cette affaire, on imagine mal du côté français
que cette affaire tombe totalement et définitivement à l’eau. Quitte à ce
qu’elle se concrétise avec d’autres partenaires.