Libre-échange euroméditerranéen : enjeux stratégiques et défis politiques…


Par Imededdine Boulaâba

Dans un monde où la
libéralisation des échanges est devenue une réalité, le séminaire, organisé
à l’initiative de l’Association des Etudes Internationales avec le précieux
concours de la Fondation allemande Friedrich Ebert, à l’hôtel Africa, les 30
et 31 mai 2008 sur «La Zone de libre-échange euroméditerranéenne : mise en
œuvre, perspectives et limites», pose d’emblée la problématique des enjeux
stratégiques, des défis politiques et des conditions préalables à la mise en
place de mécanismes économiques intégrateurs au niveau du bassin
méditerranéen.

 

M. Rachid Driss, figure
de proue de la diplomatie tunisienne des années soixante, a insisté, durant
la séance inaugurale, à l’instar, d’ailleurs, de M. Lothar Witte,
représentant Résident de la Fondation germanique à Tunis, sur le
renforcement des concertations au niveau des deux rives, la concrétisation,
au plus vite, de l’initiative française d’Union pour la Méditerranée et
l’importance, pour les pays du sud, notamment ceux du Maghreb, d’opposer,
dans la perspective de futurs pourparlers, une posture de négociation
unioniste, en rang serré afin de parler d’une seule voix à une Europe,
désireuse, pragmatisme économique oblige, d’avoir affaire à un ensemble
soudé, représentatif d’un vaste marché et non pas à des aires étriquées,
morcelées et fragmentées.

 


Eveil de la
Méditerranée : volontarisme et blocage !


 

Pour que les pays de la
rive sud puissent parler à ceux du nord, ils doivent, tout d’abord,
s’entendre avec eux-mêmes, ce qui peut prendre beaucoup de temps. Le projet
d’Union pour la Méditerranée, lancé par Nicolas Sarkozy en octobre 2007, a
occupé la scène internationale, enthousiasmé les décideurs économique des
deux côtés du Bassin méditerranéen et poussé, au-delà des tensions de
voisinage, persistantes surtout dans la région du Maghreb, les politiques
nationales à se déterminer en fonction de schémas fédérateurs, de modèles
d’intégration et de complémentarité.

 

«La Méditerranée est une
des rares régions du globe où n’existe pratiquement aucune structure de
coopération comparable à l’Alena (zone de libre-échange nord-aéricain),
l’Asean ou l’Apec en Asie, voire la CEI dans l’ex-URSS. Si un peu partout
dans le monde, des pays riverains ont su s’intégrer et se compléter, le
drame de nos nations est d’être dans un chemin inverse où on s’oppose et on
s’exclut», se plait à répéter M. Ahmed Ounaies, ancien ambassadeur tunisien
à New Delhi qui a appelé, dans une intervention passionnelle, les dirigeants
du sud à accélérer les réformes politiques, à favoriser l’émergence de la
société civile et à renforcer l’indépendance du corps de la magistrature
pour pouvoir, renchérit notre interlocuteur, crédibiliser les pouvoirs
publics vis-à-vis des négociateurs du nord, soucieux aussi bien de
croissance maximisée que de politique citoyenne, respectueuse de
l’alternance, du multipartisme et des droits de l’homme.

 


 La Tunisie et les enjeux
à venir 


 

«Les pays du Maghreb
attirent 1% seulement des investissements des pays du nord à travers le
monde, ce qui provoque un sentiment de frustration et quelques inquiétudes.
Pour les relations entre l’Europe et son «sud», c’est plus d’une précieuse
décennie de perdu», nous dit M. Kamel Ben Younes, journaliste, universitaire
et rédacteur en chef de la revue Etudes Internationales qui a mis l’accent,
dans une allocution intitulé «le libre-échange et l’inégal développement»,
sur l’importance des relations bilatérales au niveau de la rive sud de la
Méditerranée, l’ouverture des frontières aux biens et aux idées et
l’adhésion à un marché commun susceptible de drainer les capitaux du nord,
de favoriser les transferts de technologie et d’intégrer le circuit des
échanges commerciaux à l’image d’une Europe étalant fièrement, à la face des
autres ensembles régionaux, 450 millions de consommateurs potentiels dotés
d’un pouvoir d’achat considérable.

 

Pour M. Tahar Sioud,
président du Conseil d’Administration de la Banque Internationale Arabe de
Tunisie et animateur de la seconde journée du séminaire, les Méditerranéens
sont en attente de modernité devant un projet d’Union en devenir, irriguant
une complémentarité prometteuse dans un cadre «gagnant-gagnant». Lui
emboîtant le pas, M. Azzam Mahjoub, expert au ministère du Développement et
de la Coopération internationale, a mis en exergue, tout au long d’une
intervention méticuleuse, des éléments de bilan de la zone de libre-échange
Tunisie / Union européenne dont les objectifs, depuis le lancement du
processus de Barcelone en 1995, étaient la réduction des écarts de revenus
des deux entités, l’incitation aux réformes institutionnelles et
l’amélioration de la compétitivité en favorisant un climat d’affaires sain,
fondé sur la transparence et l’éloge de la concurrence.

 

«A la suite de l’accord
multifibres passé avec la Commission de Bruxelles, la Tunisie, grâce à une
politique d’accompagnement active, a réussi la mise à niveau de 4.000
entreprises manufacturières sur 5.600, ce qui n’a pas empêché la Banque
mondiale de fustiger ce programme, l’assimilant à une forme de clientélisme
entre les pouvoirs publics et le secteur privé», clame l’expert tunisien qui
s’est inquiété, dans sa conclusion, de la stagnation, durant la dernière
décennie, des investissements directs étrangers, de la diminution de la part
du capital national dans les projets mixtes et de la lenteur des réformes
institutionnelles (procédures budgétaires, qualités de la réglementation,
lutte contre la corruption…), corollaires indispensables, insiste notre
vis-à-vis, à la résilience économique du pays et à son attractivité.