Viens chez moi,… j’habite où, déjà ?


Par Amel Djait Belkaid

maison-hammamet1.jpgQuatre Tunisiens sur cinq possèdent leurs logements. C’est dire, si ce n’est
pas l’une de nos priorités absolues. Maison, appartement, studio, villa, villa
de maître, étage dans villa familiale…Tout n’est qu’une question de moyens.

 

Beaucoup de ceux qui ont déjà leur propre «chez soi» pensent à déménager,
vendre et acheter plus grand, plus lumineux, plus central. Studio passe en
appartement, S+2 passe en S+3, appartement louche sur duplex, duplex lorgne
sur petite maison dans résidence et maison indépendante tend vers villa de
maître.

 

Les plus nantis cherchent activement à investir dans « petit appartement
secondaire vue sur mer ou jardin, climatisé et sous surveillance pour passer
les vacances». Ils en ont majoritairement assez d’enrichir les autres, en
louant à mille et à cent des maisons à Korba, Kélibia, ou Hammamet, sous
prétexte de distraire les enfants à la plage.

 

Les centaines de projets immobiliers, les petits et grands arrangements avec
les financements, participent activement à cette tendance privilégiée et
privilégiant. L’offre est abondante sans être forcément concurrentielle. Des
lignes de crédits mises en place, à grands coups de publicité par l’ensemble
des banques, sont multiples. Elles restaurent le pouvoir des acheteurs aux
goûts, exigeants de plus en plus affirmés.

 

S’il y’a un ascenseur qui n’a jamais connu de panne à Tunis, c’est bien
celui de l’ascension sociale. Le vieux proverbe dit «dis-moi qui tu
fréquentes, je te dirais qui tu es ! A Tunis, c’est plutôt, «dis-moi où tu
habites, je te dirais qui tu es !

 

Dans leur quête à l’alternative aux différents types de logements, les
Tunisiens découvrent le duplex qui coiffe désormais au poteau le fameux
«appart». Faute de ne pouvoir se payer des maisons indépendantes, on note un
véritable engouement pour le duplex.

 

C’est l’habitation à la mode à Tunis. Tout le monde veut son lopin d’espace
vert, conçu en petit jardinet, il finit la plupart du temps en garage à
moins que l’on creuse ou plus simplement pose une piscine gonflable pour y
faire patauger les bambins.

 

Au fur et à mesure des années, l’ascension sociale se fait non seulement par
le type d’habitation, mais aussi par le quartier. Ceux qui habitent du côté
de la banlieue sud, veulent s’installer dans les différents Menzeh et
nouveaux Enasr. Ceux du Menzah, Manar et Enasr veulent déménager vers la
Soukra. Ceux de la Soukra veulent s’installer en banlieue nord.

 

A Tunis comme partout ailleurs, il y a une bourse des quartiers, des rues,
des impasses, et des maisons. Selon que vous viviez à la Soukra, Dar Fadhale
ou Choutrana II, l’appartenance socio économique se précise.

 

Je lisais récemment dans un rapport urbanistique très compliqué, que dans le
secteur Nord Ouest de la capitale –prolongement du quartier du Bardo- le
bâti a progressé de façon relativement anarchique. «Des occupations et
constructions illégales (bidonvilles – constructions précaires) et
constructions d’habitats collectifs populaires, légales mais bon marché
forment les quartiers de Kassar – Saïd, Den -Den, La Manouba,… ». Le
rapport concluait que «la majeure partie de l’habitat est horizontal,
addition de petites maisons à 1 ou 2 étages, à l’aspect peu fini».

 

Je ne peux m’empêcher de penser que nous sommes champions du «peu fini» ou
de l’inachevé. A l’entrée de Tunis par les autoroutes nord ou sud, l’aspect
général est celui d’un gigantesque chantier.

 

Juste quelques coups de chaux vive auraient pu faire la différence. En
avion, les espaces verts sont rares et Tunis «La Verte» vire plutôt au jaune
vue du ciel.

 

De vous à moi, il y a inachevé et inachevé…Un quartier comme Enasser bâti à
la verticale est finalement tout autant «peu fini». On y a juste oublié les
cinémas, théâtre, galeries…

 

Les quartiers sont aussi synonymes d’activités. Au lac, c’est shopping,
bureaux, et «resto». Le Menzah, c’est dortoir et «ringard». Enassr c’est
branché, ça «bouffe tout le temps» et «ça drague pas mal». Au Kram, c’est
chaussures et chaussures ! A La Goulette, c’est «brik Ouarka» et «complet
poissons». A La Marsa, c’est sandwichs et glaces.

 

Du côté d’El Manar, dans les abords des cliniques et cabinets des grands
patrons de la médecine, certains quartiers sont dédiés au tourisme médical
maghrébin. Dans certaines rues, on penserait déambuler à Tripoli ou
Constantine.

 

Puis il y a les garçonnières. On en parle dans tous les cafés et dîners.
J’en ai visité une dernièrement. Je m’attendais à des rideaux rouges et un
lit circulaire où trônerait la photo de Marilyn, bien avant qu’elle ne
devienne star. En fait, c’est triste, glauque et vide. Juste rudimentaire.

 

Du coté de Tunis Medina, on dort en Oukala. De magnifiques palais saccagés
servent à héberger des ouvriers d’un soir et des réfugiés de fortune. Bien
qu’entamée à grands frais, sa réhabilitation importante pour des raisons à
la fois patrimoniales et touristiques n’enclenche pas encore, une
valorisation de ses potentialités.

 

Du côté des foyers des filles et des garçons, on voit des centaines de
voitures faisant d’incessants allers et retours, déposant les unes et
reprenant les autres….

 

Le centre de la ville bouge encore assez peu. Le lifting fait à l’avenue et
le réaménagement du marché central en font pourtant une belle balade non
loin de l’avenue Mohamed V, quartier des affaires de Tunis.

 

Dans les belles maisons de la banlieue nord, à La Marsa, Sidi Bou Saïd,
Carthage et Gammarth, on sirote des thés à la menthe et commente les projets
à venir qui changeront la face de la ville avec les projets de «Ouard Ariana»,
«City Sports»,…