Le paradoxe du DRH

Par : Tallel
Le paradoxe du DRH


[Paradoxe, n.m. opposé au sens commun; contraire à l’opinion commune ;
contraire de orthodoxe]

 


L’anarchie
c’est l’amour

disait Léo Ferré. Pas la chienlit ni l’agressivité, pas la violence ni le
mépris d’une classe pour une autre, mais un équilibre homéostatique sociétal
d’une grande fragilité réalisé par le respect de l’équation
singularité-collectivité. Cette équation, (décrite en détail dans un pdf
disponible sur
www.5-for-management.com
), est cette relation insécable qui lie
l’individu à l’ensemble de ses congénères, et qui veut qu’au travers elle se
dessine un tissu sociétal à la fois intelligent et nourricier. L’équilibre
entre singularité et collectivité est présent dans toutes les sociétés
animales, mais prend chez les humains un caractère initiatique inévitable
car nous disposons de la liberté de ne pas le respecter. Dans un système
social pensant, la responsabilité du maintien du lien dialectique entre
individu et collectivité incombe aux individus comme elle incombe à la
collectivité elle-même. Cette dernière est responsable du développement d’un
environnement propice à l’intégration en son sein de chacun des individus
qui la composent. En revanche, l’individu est seul responsable de son
intégration dans cet environnement collectif. Ce jeu de responsabilités
réciproque constitue le moteur du développement sociétal. Cela s’applique à
nos sociétés dans leur ensemble, ainsi qu’aux entreprises créatrices de
richesses qui en émanent.

 

L’inexorable transformation de la singularité en individualisme

 

Pour avoir
vécu un bon tiers de ma vie d’adulte aux états unis et les deux autres tiers
en France, je réalise combien deux conceptions opposées du développement
sociétal conduisent en réalité à ce même phénomène qu’est l’individualisme.

 

Dans un
cas, un consumérisme aigu a conduit l’individu à s’extérioriser à un tel
point qu’il ne peut plus exister qu’extérieurement. Son intériorité
s’appauvrit. Mais la dimension dialectique de la singularité le ramenant
inexorablement vers la recherche tout prix d’un lien social, violence et
infantilisation prennent le pas. C’est ainsi que l’on assiste à des tueries
dont le seul sens est le refus que l’autre vive. Contrairement à ce que l’on
veut bien nous faire croire, le management des entreprises de ce pays est le
plus souvent fondé sur des ressorts d’infantilisation, même si les règles
sociales en vigueur sur le lieu de travail sont par ailleurs assez bien
comprises.

 

Dans le
second cas, c’est un étatisme exacerbé qui s’empare de la gestion des liens
sociaux, plongeant l’individu dans un isolement psychologique aliénant. Il
ne s’agit plus cette fois d’infantilisation mais de déresponsabilisation. Or
la responsabilisation d’un l’individu est la reconnaissance même de son
intelligence singulière
. Sans cette responsabilisation, l’individu se
voit privé de la perception de lui-même. Plus aucun miroir ne peut lui
renvoyer d’image de lui car l’intériorité n’est plus là pour décrypter
l’image. Rappelons que la France est le premier pays occidental pour
l’utilisation de psychotropes et psychologues, et le second pour son taux de
suicide chez les adultes. Dans ce pays, la pratique managériale fondée sur
une alternance entre paternalisme et autoritarisme, éprouve une grande
difficulté à se séparer de l’idée de statut social du manager pour une
conception plus pragmatique du rôle organisationnel de celui-ci.

 

En
Amérique comme en France, le lien social s’est effacé au profit d’un
non-lien caractérisé par un double isolement de soi-même et des autres. La
perte de confiance en soi est perceptible dans les deux cultures et envahit
le monde du travail au-delà du raisonnable.

 

Et si
nous prenions les choses à l’envers ?

Et si,
plutôt que de croissance (accumulation de richesses) et de compétitivité
débridée (schisme croissant entre nantis et pauvres), nous nous intéressions
en priorité à la qualité et au sens du lien social ? Et si notre
compréhension du développement sociétal devait passer par l’acceptation que
celui-ci n’est pas une question d’obésité existentielle ni d’accession à des
privilèges, mais plutôt une question de responsabilités ? Il y a fort à
parier que nos voisins de palier et nos collègues nous apparaîtraient
différemment !

 

Le modèle
Expert 5A décrit par le détail un ensemble de lois naturelles de
fonctionnement social. Cela vaut pour une entreprise comme pour une société
dans son ensemble. Il nous apprend que comme nous l’avons évoqué plus haut,
tout tissu social se développe par l’exercice de responsabilités croisées. A
la société la responsabilité de l’enseignement, des traditions, de
la création de richesses, de la réflexion, du questionnement, des réformes,
du respect de l’environnement et de l’altérité, etc.. Et à l’individu
la responsabilité de son engagement, de ses apprentissages, de son
introspection, de sa remise en question, du développement de ses
compétences, de l’exercice de son imagination, de l’acceptation de l’autre,
etc.. A l’entreprise la responsabilité de l’organisation d’un tissu
coopératif, de l’entretien de son intelligence économique(°), de son
intégration locale. Au collaborateur la responsabilité de
l’identification de ses compétences T5 (charnière entre individu et
organisation de travail), de l’exercice conjoint de ses compétences
techniques et T5, de son engagement (contractuel) à produire. Dans un cas
comme dans l’autre, ces différentes responsabilités ne peuvent s’exprimer
pleinement que si le lien qui lie un individu à son environnement social est
respecté, car c’est ce lien qui régule et équilibre les forces
contradictoires présentes dans toute collectivité. C’est lorsque la priorité
est donnée à ce lien qu’il est possible de se nourrir conjointement de
l’intelligence des autres et de sa propre intelligence. Intelligence du cœur
sur le plan sociétal (liens affectifs), intelligence créatrice sur le plan
de l’entreprise (liens fonctionnels). La préservation de ces liens : voilà
la condition du développement social. A l’inverse, si accumulation et
compétition sont voulues comme critères de développement sociétal, alors
oui, l’établissement du non-lien est effectivement une nécessité. Il en est
de même si égalitarisme et collectivisme sont le but recherché. Et pourtant
!

 

(°)
L’intelligence économique consiste à accroître l’interface
entreprise/environnement afin d’en retirer le maximum d’informations
possible puis d’en extraire la pertinence nécessaire au développement de
l’entreprise. Cela implique un travail de veille et surveillance (pôle
externe) de son environnement, mais également une capacité à faire entrer
(et conserver) au sein de l’entreprise les meilleurs éléments de ce même
environnement. De ce point de vue, la RSE et tous les éléments sur lesquels
elle repose : parité, recrutement multiculturel, politique salariale,
pratique managériale, éthique sociale, etc., nourrissent également
l’intelligence économique d’une entreprise. Ces éléments en constituent le
pôle interne.

 

Le
paradoxe du DRH

 

Dans le
cadre de l’entreprise, le modèle systémique qu’est Expert 5A montre que le
lien fonctionnel entre collaborateurs (communication, circulation des
informations, complémentarité des missions, etc.), est garant d’une
efficience maximale. En effet, dans leur environnement professionnel, les
collaborateurs d’une entreprise doivent échanger, se coordonner, s’informer,
s’aider, s’épauler, pour que l’entreprise se pérennise et se développe au
mieux, et pour qu’eux-mêmes s’inscrivent positivement dans cet
environnement. De la même manière, les différents niveaux organisationnels
de l’entreprise doivent coopérer pleinement pour que l’information circule
avec pertinence d’un niveau à un autre. C’est à cette condition que
productivité et compétitivité se combinent pour assurer son développement.
Autrement dit, c’est par la qualité de ses liens fonctionnels qu’une
entreprise peut s’épanouir dans notre contexte socio-économique aux effets
délétères pourtant de plus en plus contestés. Quel paradoxe ! En effet, en
instaurant les conditions de synergies fonctionnelles optimales, une
entreprise travaille sur les deux tableaux internes et externes. En interne,
elle développe un tissu professionnel responsabilisant. Cela la conduit à
optimiser son efficience par l’instauration d’une pratique managériale plus
respectueuse des intelligences sur lesquelles elle se repose. En externe
elle s’adapte au mieux aux règles contestées d’un marché trop financiarisé,
grâce à l’agilité permise par cette efficience.

 

Moteur
essentiel de l’entreprise moderne parce qu’il modèle à la demande
la matière première de celle-ci, -les ressources humaines-, le DRH est de
fait un acteur du développement économique tel qu’on le connaît
actuellement. Ce faisant, tour à tour facilitateur, instrument des
restructurations, inquisiteur ou formateur, le DRH est de par son rôle
complexe, l’expression de cette dualité qui veut qu’un collaborateur soit à
la fois variable économique et/ou élément précieux. Mais quoi qu’il en soit,
la mission du DRH est de faciliter la performance de l’organisation. Or nous
avons vu que cela passe par l’établissement de liens fonctionnels et donc
par la responsabilisation à tous les niveaux des acteurs de l’entreprise.
Redisons-le ici, la responsabilisation d’un individu est la reconnaissance
de son intelligence singulière. Encore ce paradoxe ! Instrument économique,
le DRH peut également être réparateur de liens sociaux.

 

Faut-il
voir dans la gestion des ressources humaines de l’entreprise de demain une
force de changement social? Je pense que oui. Il ne s’agit pas d’une force
politique, mais d’une force opérationnelle qui, en répondant à une exigence
de performance d’une organisation de travail, contribuerait à rétablir des
liens sociaux plus respectueux de l’individu et de sa singularité. Quel
digne challenge que de pouvoir contribuer à réparer des liens si précieux à
nos sociétés. Mais quelle responsabilité aussi !

 

Holsen
Consulting,

Inventeur
de modèle de management Expert 5A

cgensse@holsen-consulting.com

(Source :

http://www.indicerh.net/actu/article.php?sid=419
)