Hassen Zargouni : ‘’ Miser sur les compétences humaines davantage que la logique capitalistique est un enjeu décisif pour l’entreprise tunisienne’’

Par : Tallel
 

zargouni140507.jpgA
l’issue de l’élection du nouveau bureau de l’Association des Tunisiens des
Grands Ecoles ‘’ATUGE’’, Hassen Zargouni, qui a été reconduit au poste de
président, a bien voulu nous accorder l’interview ci-dessous dans laquelle
il revient évoque les nouvelles perspectives du nouveau bureau exécutif, les
défis à relever, les impératifs qui se posent aujourd’hui à l’entreprise
tunisienne… Mais donne également au passage quelques indications sur la
rencontre traditionnelle de l’ATUGE qui se déroulera en juin et juillet
prochains, respectivement à Paris et à Tunis.

 


Webmanagercenter : L’ATUGE Tunisie vient d’élire son nouveau Bureau
exécutif. Quels défis, quelles ambitions et quels moyens ? Quel sera son
credo ou plutôt quels sont les axes qu’il va privilégier ?
 


Hassen Zargouni
 : L’ATUGE est un réseau de près de 3000
membres dont seulement un millier sont installés en Tunisie, le nouveau
bureau élu s’est fixé trois grands défis : d’abord, faire des anciens des
grandes écoles françaises d’ingénieurs et de commerce un véritable fer de
lance de l’internationalisation des entreprises tunisiennes dans son
acception la plus large, à savoir l’exportation et l’investissement à
l’étranger. La caractéristique de biculturalisme des atugéens avec un pied
en Tunisie, la mère patrie, et un pied à l’international (en France
notamment), permet légitimement aux ! membres de l’ATUGE d’ancrer une image
d’une Tunisie conquérante aux yeux du Monde et en Europe prioritairement.
 

Le deuxième défi est d’agir dans le sens du raffermissement des
liens entre les membres de l’association pour constituer un réseau citoyen
(les atugéens étaient tous boursiers de l’Etat tunisien, ils ne l’oublient
pas !), solidaire et agissant : constituer un lobby de l’excellence. Les
atugéens ont, en effet, contribué largement à l’enrichissement du débat
économique et de société en Tunisie, souvenez-vous des Mardis de l’ATUGE
(recherche scientifique, processus Euromed, financement du développement,
gestion des risques, dialogue des cultures, stratégie énergétique en
Tunisie,…) et de nos derniers forums (Internationalisation des entreprises
tunisiennes, Etat des lieux secteur financier et banc! aire en Tunisie, les
compétences et la valeur ajoutée, la transmission de l’entreprise
familiale,…).  

Enfin, le troisième défi consiste à contribuer à arrimer la Tunisie
à l’économie mondiale fondée sur la connaissance et œuvrer pour
l’édification de la société du savoir, cela est possible en effet par les
échanges scientifiques, techniques et culturels, facilités par les
connexions internationales des atugéens avec le monde académique, de la
recherche, des finances et des nouvelles technologies. Des projets concrets
en Tunisie avec les grandes écoles françaises sont proposés à la communauté
des atugéens pour y faire part avec leurs idées, voire davantage
(contributions pédagogiques ou autres). 


Vous êtes un observateur attentif de l’économie tunisienne. Selon
vous quels sont les impératifs qui se posent aujourd’hui à l’entreprise
tunisienne ? Est-ce qu’elle a les moyens de ses ambitions ?
 

A court terme, je vois trois impératifs : internationalisation de
la culture d’entreprise en Tunisie et cela à tous les niveaux du
management : mode de travail (rigueur, transparence, productivité horaire,
…), langue de travail, numérisation du travail, …. Cela suppose que nos
managers voyagent plus, que nos cadres fréquentent davantage les milieux
d’affaires à l’international, que l’anglais soit mieux maîtrisé et que les
technologies de l’information et de la communication soient la règle et non
un must au sein de nos entreprises.  

Un autre impératif réside en une nécessaire audace dans
l’entreprenariat et dans la prise de décision d’investissement, l’échéance
de 2008 (entrée en vigueur des accords de libre-échange UE-Tunisie pour les
principaux biens manufacturés) est plutôt une aubaine, le marché européen et
du Moyen-Orient nous sont ouverts, la prise de risque fait partie du
vocabulaire du management !  

Le troisième axe serait l’embauche des cadres du supérieur : le gap
entre le taux de valeur ajoutée dans l’industrie manufacturière en Tunisie
et celui que connaissent les entreprises européennes supposent que nos
entreprises recrutent des cadres pour plus de valeur ajoutée. Les
incitations sociales et fiscales sont nombreuses et au-delà de l’acte
citoyen, les entreprises peuvent profiter de l’effet d’aubaine et recruter,
sans prendre des risques financiers inconsidérés, des compétences techniques
et de gestion permettant une augmentation de la valeur ajoutée, moteur de la
croissance. Miser sur les compétences humaines davantage que la logique
capitalistique est u n enjeu décisif pour l’entreprise tunisienne. 


A l’instar de l’IACE en décembre dernier, l’entreprise maghrébine
constituera le point essentiel de la rencontre traditionnelle de l’ATUGE en
juin et juillet prochains (respectivement à Paris et à Tunis). Pourquoi ?
Est-ce que l’espace Maghreb fait tant rêver les entreprises, ou bien une
sorte de volonté de faire bouger les choses… ?
 

Avant de faire rêver les entreprises, l’espace Maghreb fait rêver
les hommes et les femmes qui vivent en Tunisie, en Algérie, au Maroc, en
Libye et en Mauritanie. L’approche de l’ATUGE en organisant son traditionnel
forum estival (le 9 juin à Paris et le 19 juillet à Tunis), événement phare
de notre association, sur le thème «La dimension maghrébine : nouvel espace
d’opportunités pour les entreprises et pour les investisseurs» est
différente de celle organisée par l’IACE en décembre 2006, en ce sens où
elle axe la réflexion sur les hommes, leurs expériences, leur parcours
entreprenarial maghrébin, et le retour d’expériences que cela suppose pour
une intégration «microéconomique» maghrébine, augurant de fait une
intégration macro-économique, voire politique réelle.  

Notre parti pris est de considérer l’espace Maghrébin comme étant
une zone d’action que les entreprises maghrébines s’approprient, et à partir
de laquelle s’opère la conquête des marchés internationaux des biens, et des
services mais aussi des capitaux. De fait, exporter ou investir dans cet
espace par des entreprises maghrébines n’est pas en soi une prouesse, mais
un début de processus de mondialisation et donc de survie.  

Il n’en demeure pas moins que l’IACE sera notre partenaire pour ce
forum, ce qui nous honore en soi, et nous partirons, en terme de contenu, de
certaines des conclusions des Journées de l’Entreprise organisée à Sousse au
mois de décembre 2006. Le CJD, Centre des Jeunes Dirigeants, partenaire
traditionnel de l’ATUGE, a été sollicité pour contribuer à ce forum, le
thème du jeune entrepreneur maghrébin a été traité, en effet, par le CJD
l’année dernière et constitue aussi de la matière première pour réussir un
forum que nous souhaitons à l’accoutumée ouvert et fécond.
 


Quel rôle joue l’ATUGE dans l’effort au niveau national pour la
création d’entreprise ?

 

L’ATUGE œuvre actuellement a impulser l’esprit d’entreprenariat
chez les étudiants en dernières années des écoles d’ingénieurs et de
gestion, en organisant des séminaires de sensibilisation (EPT, ENIT, INSAT,
ESSAI, IHEC, …), en insistant notamment sur les pré requis pour
entreprendre. Déjà en 2003, le forum ATUGE portait sur le thème « Projets
Innovants et entreprenariat», la création d’un club Entrepreneurs au sein de
l’ATUGE dont l’objectif principal est l’ancrage d’une culture
entreprenariale, tout cela indique notre engagement dans cet axe stratégique
national. Très récemment, la Maison de l’ATUGE a ouvert ses portes en tant
que business center pour abriter de jeunes promoteurs de projets innovants
accédant ainsi à toute la structure bureautique de notre permanence (sise à
Mutuelleville) ainsi que le carnet d’adresses des atugéens pour faire des
affaires ! 


Un mot de la fin ?
 

Je profite de cette tribune pour annoncer la reprise du cycle des
conférences-débats de l’ATUGE avec comme premier thème pour le mois de juin
2007 « Le temps est venu pour bâtir une Union Méditerranéenne » avec M.
Jean-Louis Guigou, Président de IPEMED, une personnalité française très
engagée dans le raffermissement des liens Nord – Sud et par ailleurs j’émets
le souhait d’une présence massive des responsables d’entreprises, du monde
de la banque et des finances, des universitaires et des médias économiques à
notre forum annuel qui se tiendra, je le rappelle, le 9 juin 2007 à l’Ecole
Supérieur de Commerce de Paris et le 19 juillet 2007 à Tunis à l’hôtel
Sheraton! , et où un hommage tout particulier sera organisé en l’honneur de
feu Si Mokhtar Latiri qui nous manque beaucoup aujourd’hui mais dont
l’esprit est, en partie, en nous tous. 

Propos recueillis par

Tallel BAHOURY