La grande discorde entre sociétés de commerce et producteurs va-t-elle prendre fin ?

export110906200.jpgA
l’initiative de la Chambre des Sociétés de Commerce Internationale (CSCI),
un étude sur les relations de ces entreprises avec les producteurs a été
menée au cours des derniers mois, dont les conclusions seront révélées le 17
avril, lors d’un séminaire. Explications du président de la CSCI et, par
ailleurs, p-dg de la Société de Commerce International de Tunisie (SCIT).

WMC : La Chambre Syndicale des Sociétés de Commerce International a lancé il
y a quelques mois une étude sur les relations entre ces sociétés et les
producteurs. Pourquoi ?


Taoufik Mlayah
 :
Nous avons lancé cette étude parce que nous avions senti qu’il y avait un
malaise entre les sociétés de commerce international et les producteurs. Il
fallait, donc, en connaître les causes. Mais ne pouvant pas, en tant que
sociétés de commerce international (SCI), être juge et partie, nous avons
chargé madame Fatma Smaoui, une enseignante universitaire, d’analyser les
raisons du malaise auprès d’un grand échantillon –une centaine- de sociétés
de commerce et de producteurs. Elle en a tiré des enseignements que nous
allons discuter lors de la journée d’étude du séminaire du 17 avril 2007.

A
la lumière de votre expérience de président directeur général de la Société
de Commerce International de Tunisie (SCIT), à quoi sont dues les frictions
entre les SCI et les producteurs ?

-Les
sociétés de commerce international constituent un corps récent. Elles
existent depuis près de vingt ans sur la place. Tout a commencé avec la loi
de 1984 qui a créé les sociétés d’exportation. En 1988, elles sont devenues
des sociétés de commerce international, au grès d’un amendement de la loi.
Et depuis nous n’avons pas opéré de diagnostic, bien que les débuts de ces
sociétés n’étaient pas faciles, car les producteurs acceptaient mal à
l’époque l’idée de confier l’exportation de leurs produits à d’autres.

Mais
petit à petit, certaines sociétés de commerce international se sont fait un
nom sur la place. Et elles ont du mérite, car sur certains marchés elles
étaient précurseur. C’est le cas de l’Irak, et de l’Afrique. Avant, les
industriels tunisiens ne s’aventuraient pas sur des marchés lointains. C’est
les sociétés de commerce qui l’ont fait.


Mais les industriels ont aussi des reproches à l’encontre des sociétés de
commerce…

Oui.
Les producteurs reprochent, d’abord, aux sociétés de commerce de ne pas être
spécialisées. Ils voudraient confier leurs affaires à des sociétés
spécialisées par produits ou par marché. C’est vrai qu’à l’exception de
quelques unes, nos sociétés de commerce international ne sont pas dans ce
cas de figure.

Mais
pour les producteurs, ces sociétés ne sont pas, également, structurées,
professionnelles, et ne sont pas financièrement fiables.

En
effet, la plupart des sociétés de commerce, disons 99%, ont un capital de
150 000 dinars, si ce n’est pas moins –pour les jeunes promoteurs.

Venons-en maintenant aux reproches des sociétés de commerce aux industriels.
Elles reprochent à ces derniers de ne pas être à leur écoute, de les
percevoir elles, les sociétés de commerce, comme un élément perturbateur de
leurs marchés. Nous, à la SCIT que je dirige, nous avons compris cela. Nous
avons compris que pour travailler avec les industriels tunisiens, il faut
trouver un marché autre que celui déjà établi par les industriels, tel que
l’Europe.

La
SCIT n’a pas voulu rentrer en Europe parce que 99% des producteurs tunisiens
y ont déjà leurs propres réseaux. Nous sommes donc allés sur un marché où
aucun industriel tunisien n’a mis les pieds auparavant. C’est pour cela –je
ne devrai pas le dire, mais je le dis quand même-, que les industriels nous
font confiance.

Un
autre reproche des sociétés de commerce aux producteurs concerne le
non-respect des délais de livraison. Certaines sociétés de commerce
international sont capables aujourd’hui d’avoir un programme annuel
d’exportation, mais malheureusement cela n’est pas respecté par certains
producteurs. Nous en souffrons énormément. D’ailleurs, en tant que SCIT,
nous ne sommes pas aujourd’hui à la recherche du client, mais du produit.
C’est grave. Avant nous manquions de clients, aujourd’hui nous manquons de
marchandises pour nos clients.

Donc, cela va nous pousser vers une de deux choses : faire du négoce, ce qui
est légal pour les sociétés de commerce, mais veut dire qu’on délaisse les
produits tunisiens, ou chercher ailleurs. Mais comme notre société est une
société dans le capital de laquelle l’Etat est présent, nous nous
considérons comme société para-étatique, j’ai pris l’engagement ferme de ne
faire que le produit tunisien. Et, je suis désolé, j’en souffre un peu.

Pour
ce qui des autres sociétés de commerce, les producteurs ne ratent pas
l’occasion de les contourner lorsqu’elle se présente. C’est vrai, certains
industriels tunisiens respectent l’ordre établi avec les sociétés de
commerce, mais d’autres ne respectent pas cet engagement. Or, aucune loi ni
autorité ne peut régler ce problème. Ce problème ne peut être réglé qu’à
l’amiable entre les deux parties.


Qu’attendez-vous du séminaire du 17 avril ?

Cela
nous servira à nous dire nos quatre vérités et à voir ce que nous pouvons
faire ensemble. Et je remercie M. Mondher Zenaïdi, ministre du Commerce et
de l’Artisanat, d’avoir accepté non seulement procéder à l’ouverture du
séminaire, mais d’y assister jusqu’au bout pour écouter et voir ce qui se
passe entre ces deux corps.

Quel
est notre objectif ? C’est d’augmenter le volume des exportations
tunisiennes. D’ailleurs, la part des sociétés de commerce dans ces
exportations a beaucoup augmenté depuis 1984, et est passée de 1 à 7%. Cela
bien que nous ne sommes pas encore entrés dans les produits technologiques
et chimiques.


Confier l’exportation de ses produits à des sociétés de commerce
international est-il intéressant pour tous les industriels dans tous les
secteurs, ou seulement pour certains ?

Je
ne peux répondre à la place des industriels. Mais ce que je peux dire c’est
que le fait de travailler avec des sociétés de commerce international
procure un plus à l’industriel. Je le dis non pas parce que je défends la
profession, mais parce que j’en suis convaincu. Un industriel gagne à
travailler par notre intermédiaire.


Comment ?

Si
l’industriel décide d’exporter lui-même en Afrique, cela va lui coûter cher
en temps en argent. D’abord, au niveau du transport –des personnes
physiques- en vue de prospecter une vingtaine ou même une dizaine seulement
de marchés. C’est vrai que les sociétés de commerce ne maîtrisent pas encore
les produits à haute technologie. Mais cela n’empêche que cet industriel
peut nous accompagner pour donner un plus à son produit. En réponse aux
reproches selon lesquels nous, les sociétés de commerce, ne sommes pas des
professionnels, je dis nous sommes des professionnels, mais des
technico-commerciaux. Nous sommes des commerciaux, point à la ligne. Cela
veut dire que nous ne pourrons pas vendre certains produits sans l’apport
technique de l’industriel.


Combien compte-t-on aujourd’hui de sociétés de commerce international et
quelle est la proportion de celles qui tirent leurs épingles du jeu ?

Le
Cepex, que je remercie au passage pour nous avoir accompagnés dans la
réalisation de cette étude, est en train de faire le décompte et révèlera le
nombre lors du séminaire

Propos recueillis par Moncef MAHROUG