L’euro fort donne des sueurs froides aux politiques, pas aux économistes

 
 
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Le siège de la Banque centrale européenne à Francfort en 2005 (Photo : John MacDougall)

[02/12/2006 09:06:47] LONDRES (AFP) Le bond de l’euro, cette semaine, à des niveaux plus vus depuis 20 mois face au dollar, a suscité des inquiétudes dans les milieux politiques en zone euro, mais les analystes jugent cette évolution conforme aux fondamentaux économiques, et évoquent ses aspects bénéfiques.

La monnaie unique enchaîne les pics depuis le 15 novembre, et a culminé vendredi à 1,3348 dollar, un plus haut depuis vingt mois.

Alors que l’euro végétait dans les mêmes marges depuis mai, il s’est envolé après avoir franchi le seuil de 1,30 dollar. Entre le 21 novembre, quand il valait 1,28 dollar, et son pic atteint vendredi, il a pris 4,3%.

Il a également touché vendredi un record historique face au yen, à 154,11 yens.

Ce bond a provoqué quelques sueurs froides en zone euro, particulièrement au sein de la classe politique française, inquiète de voir la monnaie européene devenir un frein aux exportations, alors que la croissance a stagné au troisième trimestre.

A plusieurs reprises, le ministre français de l’Economie et des Finances Thierry Breton est monté au créneau pour appeler ses homologues à faire entendre leur voix, et en substance à faire pression sur la Banque centrale européenne (BCE), dont la politique monétaire est tenue pour responsable de l’appréciation de l’euro.

Les exportations ne sont pas le seul point sensible. L’euro fort devrait également affecter la marge des entreprises qui rapatrient des Etats-Unis une partie de leurs bénéfices.

Selon Standard and Poor’s, un euro à 1,37 dollar en moyenne en 2007 diminuerait de 4,4% les bénéfices des grandes entreprises européennes. Dans le “pire des cas” – un euro à 1,45 sur l’année – cette proportion s’éleverait à plus de 5%.

La Banque centrale europénne (BCE), visée par le ministre français, n’est certes pas étrangère à la hausse de l’euro. Alors que la Réserve fédérale américaine pourrait être obligée de baisser ses taux d’intérêt en 2007, la BCE semble disposée à poursuivre l’année prochaine son resserrement monétaire. Certains analystes tablent sur des taux à 4% fin 2007, contre 2% il y a un an.

Mais l’institut monétaire ne porte pas toute la responsabilité. La vigueur de l’euro reflète aussi la robustesse de la reprise économique en zone euro, alors que l’économie freine des quatre fers aux Etats-Unis.

Le rôle des banques centrales mondiales est aussi primordial. Selon les cambistes de la Deutsche Bank, elles seraient “d’actives acheteuses d’euros depuis une semaine”.

“Les banques centrales sentent que les fondamentaux ne jouent pas en faveur du dollar, et doivent être mal à l’aise quand elles contemplent les dollars qu’elles ont accumulé”, expliquent les analystes de la banque ABN Amro.

Par ailleurs, un euro fort n’a pas que des inconvénients. Il augmente le pouvoir d’achat des consommateurs européens pour les produits importés, et devrait stimuler la consommation, souligne David Page, économiste chez Investec.

Il diminue aussi le prix des matières premières libellées en dollar, notamment le pétrole, ce qui a un effet déflationniste.

Les sombres pronostics et les protestations de M. Breton ne devraient ainsi pas empêcher la BCE de porter ses taux de 3,25% à 3,50% jeudi prochain. Son président Jean-Claude Trichet ne manquera pas d’être questionné sur la valeur de l’euro.

“M. Trichet avait qualifié de +brutal+ le mouvement de l’euro fin 2004, quand il a grimpé jusqu’à 1,36 dollar. Mais jusqu’à présent la hausse n’est pas si aiguë, et nous ne nous attendons donc pas à un commentaire spécifique sur la question”, a estimé David Page.

 02/12/2006 09:06:47 – © 2006 AFP