La promotion de l’innovation : Enjeu de partenariat entre les secteurs public, privé et associatif

Par : Tallel
 
 

invention200.jpgL’innovation et la recherche surtout appliquée sont de plus en plus
considérées comme des choix stratégiques pour le pays. Le président de la
République a, dans une approche originale et pragmatique, associé les
efforts des secteurs public, privé et associatif pour justement promouvoir
l’innovation et la recherche. Objectif : fournir aux entreprises les
arguments techniques et technologiques leur permettant d’innover en matière
de production. Seule, en effet, l’innovation est susceptible d’améliorer la
productivité des entreprises et donc de soutenir leur concurrence.

La décision du
Président de la République de porter dès 2004 à 1% la part du PIB réservée à
la recherche-innovation est donc opportune et salutaire. Or, en complément
ou en soutien à cet effort public particulier enregistré pour la première
fois en Tunisie, le Président a appelé le secteur privé à s’impliquer mieux
et plus dans la promotion de l’innovation et de la recherche en Tunisie.
Dans les pays développés, le financement de la recherche-innovation incombe
presque exclusivement au secteur privé. Le tissu associatif est aussi appelé
à joindre ses efforts à ceux des autres secteurs pour que lui aussi rame
dans le sens de la promotion de l’innovation et de la recherche.  

Notre implication dans
ce choix stratégique de la promotion de l’innovation et de la recherche
emprunte et simultanément les deux voies balisées par le président de la
République. Nous nous y investissons en tant que partenaire privé devant
apporter sa contribution à l’effort global fourni dans ce sens. Nous
participons aussi en tant qu’association à clarifier et à densifier les
débats sur l’innovation afin d’identifier les choix les plus adaptés à notre
environnement particulier et à nos problématiques propres. 
 


L’innovation :
définition et approches intégrées
 

Nous ne nous
contentons pas ainsi de sponsoriser les activités de l’ATI dont surtout
l’organisation du Concours BSB de l’Invention et de l’Innovation dont la 15ème
version aura lieu les 23, 24 et 25 novembre 2006 au Pôle Elgazala des
Technologies de la Communication. Nous avons aussi, dans le cadre des
activités d’encadrement des inventeurs-innovateurs individuels,
institutionnels et entreprises, opté pour l’identification de programmes
d’actions adaptés à nos spécificités économiques et culturelles, voire
civilisationnelles. C’est dans ce contexte que l’ATI a organisé le 26 avril
dernier, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la
Propriété intellectuelle, un séminaire sur le modèle d’utilité, appelé à
connaître un succès majeur en Tunisie.

Dans une communication
sur le modèle d’utilité faite par Maître Ameur Boudhiba, spécialiste en
matière de propriété intellectuelle, nous apprenons qu’autant le champ de
définition et d’intervention de l’innovation est flou, autant les
perspectives d’amélioration de la productivité des entreprises par le biais
des modèles d’utilité sont immenses et prometteuses. Dans les entreprises
industrielles, en effet, l’innovation n’a pas de contours précis. Elle est
en plus perçue avec appréhension. Or, l’innovation peut concerner une simple
modification d’un objet, d’une machine ou d’un équipement ou de simples
instruments, ou une nouvelle adaptation d’un objet à un mécanisme connu. Il
y a donc lieu de procéder à une remise en cause de la perception erronée de
l’innovation et à démystifier son concept. Les pays développés et même ceux
en développement ont saisi le profit tant industriel qu’économique à tirer
de la prolifération de ce type d’innovations couvert par la notion de modèle
d’utilité. Ils lui ont alors conçu et mis en place un cadre législatif
incitateur depuis la fin du 19 siècle déjà pour certains mais depuis ces
dernières années pour la majorité. C’est donc ce contexte propre au cadre
des modèles d’utilité et spécifique à la Tunisie, désireuse de mettre à
niveau son tissu industriel, que se trouve derrière l’intérêt manifesté par
l’ATI à ce nouveau concept.

Les institutions
universitaires, les centres de formation et les inventeurs individuels, en
plus des entreprises, peuvent s’épanouir dans un tel cadre législatif dont
les autorités concernées semblent enthousiastes à mettre en place. D’où la
nouvelle orientation que l’ATI compte donner à son 15ème «Concours BSB de
l’Invention et de l’Innovation» et consistant à privilégier les innovations
introduites par tous les intervenants en la matière : entreprises,
institutions universitaires,  centres de formation, inventeurs-innovateurs
individuels… et s’inscrivant dans le cadre des modèles d’utilité.

Nous voudrions saisir
cette occasion pour exprimer nos vifs remerciements à toutes les parties
prenantes qui nous ont encouragé à emprunter cette voie et à y persévérer.
Nous voudrions mentionner en particulier le ministère de l’Industrie, de
l’Energie et des PME qui a réservé un accueil enthousiaste aux
recommandations de notre séminaire, en particulier la recommandation
relative à l’opportunité d’aménager un cadre législatif en faveur des
modèles d’utilité. Ce même ministère vient d’ailleurs de mobiliser l’API
pour nous aider dans l’identification des entreprises innovantes par le
biais des modèles d’utilité et dont les plus performantes seront invitées à
participer au 15ème Concours BSB de l’Invention et de
l’Innovation. Il s’agit ainsi de consacrer dans le droit par la promulgation
d’une loi appropriée un phénomène qui prospère dans le fait. Objectif :
participer à multiplier et à diversifier les modèles d’utilité dans un cadre
législatif incitateur à mettre sur pied dans les meilleurs délais.
 


Les créations
industrielles : un cadre approprié mais non incitateur

C’est que la
législation tunisienne relative aux créations industrielles ne reconnaît que
deux grandes catégories juridiques : l’une, régie par la loi du 2 août
2000,  s’intéresse aux inventions, et l’autre, organisée par la loi du 6
février 2001, couvre le domaine des dessins et modèles industriels.
Cependant, malgré l’institution de ce cadre juridique propice au
développement de l’activité créatrice dans le domaine de l’industrie, le
résultat demeure en deçà des espérances suscitées. En effet, le nombre de
demandes de brevets déposé par les inventeurs tunisiens ne dépasse pas la
dizaine chaque année.

La loi du 2 août  sur
les brevets d’invention n’a pas apporté des changements notables par rapport
au cadre juridique institué par le décret du 25
décembre 1888 surtout en ce qui concerne les conditions d’octroi du
brevet d’invention.

En effet, l’invention
qui fait l’objet d’une demande de brevet doit toujours remplir trois
conditions : la nouveauté, l’inventivité et l’applicabilité industrielle.

Or, cette définition
représente un obstacle pratiquement infranchissable pour les inventeurs
individuels ou même pour les petites et moyennes entreprises.

Le brevet d’invention
requiert, en effet, de compétences techniques éprouvées et de gros moyens.
Il demeure ainsi dans la quasi-totalité des cas l’apanage des
multinationales qui disposent pratiquement de 90% de la technologie mondiale
alors que le tiers-monde détient à peine 1% dont 60% sont détenues par
quelques états tels que le Brésil, l’Inde, le Mexique… Les grandes
entreprises japonaises, Toyota et Sharp, nos partenaires à BSB en sont les
meilleurs exemples. Elles consacrent annuellement un budget colossal à la
recherche de nouveaux produits. Or, toute entreprise, pour se développer,
voire pour assurer sa survie, doit se constituer un portefeuille
intellectuel. La Tunisie n’échappe pas à cette donne. Ainsi, le modèle
d’utilité pourrait constituer une alternative au brevet d’invention et
devenir un stimulant à l’innovation pour nos entreprises. Il ne s’agit pas
là à proprement parler d’une nouvelle catégorie juridique : le modèle
d’utilité a déjà été pris en compte par le législateur allemand depuis la
fin du 19ème siècle, en 1891. En effet, l’Allemagne a estimé que
ces créations, même si elles n’atteignaient pas le niveau du  brevet
d’invention, présentaient une avancée technologique. Elles représentaient
une valeur économique qui ne pouvait pas être sans protection. D’autres pays
développés et en développement ont suivi l’exemple allemand pour mettre en
place des cadres législatifs incitateurs aux modèles d’utilité.
 


Le modèle d’utilité :
définition et champ d’application

Juridiquement donc, le
modèle d’utilité est un titre de propriété qui est délivré pour des
inventions peu complexes sur le plan technique, donc ne présentant pas un
haut niveau d’inventivité. Il peut s’agir,  comme nous venons de le
mentionner, d’un simple ajout,
de modification
mineure, d’une nouvelle
adaptation
, d’une
amélioration
d’un objet,
d’un instrument, d’un mécanisme, d’une machine… ou d’un
avantage
pratique
ou technique
dans l’utilisation ou la fabrication d’un
produit ou d’un procédé. De ce point de vue, le modèle d’utilité représente
une certaine avancée technologique et donc une valeur économique.

Aussi et contrairement
au brevet, la demande concernant le modèle d’utilité n’est pas soumise à une
procédure d’examen au fond.

Le modèle d’utilité
confère néanmoins à son titulaire un monopole d’exploitation de son
invention pour une période se situant, en général, entre six ou sept ans
selon les pays.

Le modèle d’utilité
offre juridiquement toutes les garanties nécessaires à la protection de
l’invention. D’où son intérêt pour l’entreprise dépositaire d’un modèle
d’utilité : pour améliorer sa productivité et aussi pour en tirer des
profits en cédant son exploitation à d’autres entreprises.

De ce fait, le modèle
d’utilité peut devenir un instrument à l’encouragement de l’activité
inventive et innovatrice dans la mesure où, par ce biais, l’entreprise
pourrait constituer son propre portefeuille de propriété industrielle.


* P.D.G de BSB et
Vice-président  de l’Association Tunisienne des Inventeurs