Rhodia : les risques environnementaux auraient été sous-estimés dans un audit

 
 
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Siège du groupe chimique Rhodia à Paris (Photo : Jean-Pierre Muller)

[15/10/2006 20:11:47] PARIS (AFP) Un cabinet d’audit, mandaté en 2002 par Rhodia pour évaluer les coûts environnementaux d’usines que lui avait transférées Rhône-Poulenc, a adressé au groupe chimique un courrier confidentiel dont l’AFP a eu connaissance, contenant une estimation des risques cinq fois supérieure à celle que le même cabinet d’audit faisait figurer dans le rapport officiel.

Ce courrier du cabinet d’audit Marsh SA a été transmis à la justice.

Son auteur a été auditionné le 14 juin par les juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons qui instruisent la plainte d’actionnaires de Rhodia, Hughes de Lasteyrie et Edouard Stern, visant “une présentation de comptes inexacts”.

Les plaignants estiment en effet avoir été trompés sur la valeur de l’entreprise et accusent Rhodia et son ancienne maison mère Rhône-Poulenc d’avoir dissimulé ces passifs environnementaux pour survaloriser le titre lors de son introduction en Bourse en 1998.

Rhodia est né de la séparation des activités chimie du français Rhône-Poulenc lors du mariage avec l’allemand Hoechst qui a donné naissance au groupe pharmaceutique Aventis, qui lui-même a fusionné avec Sanofi-Synthélabo en 2004.

Le cabinet Marsh, spécialiste en analyse de courtage environnemental, avait été mandaté par Rhodia pour évaluer le montant de la “garantie Environnement” devant être assumé par Aventis, après le transfert de 180 sites chimiques dont 40 usines fermées à dépolluer.

Dans un audit officiel transmis le 9 décembre 2002 au conseil d’administration de Rhodia, le rapporteur de Marsh, Christophe Mocklinghoff, directeur du département environnement, situe cette garantie entre 83 et 98 millions d’euros.

Or, le même jour, l’auditeur adresse une lettre confidentielle à Rhodia, dans laquelle il évalue les risques de seulement six sites à un montant compris entre 400 et 500 millions d’euros, soit cinq fois plus que l’audit officiel.

“En complément du rapport, nous souhaitons attirer votre attention sur un certain nombre de risques majeurs que nous avons relevés lors de l’audit (…) ces sites ont un potentiel de risque catastrophe d’un niveau tel qu’ils mériteraient d’être considérés comme stratégiques”, précise l’auditeur.

Il évoque la présence à La Rochelle “de déchets faiblement radioactifs (…) dont le traitement pourrait se chiffrer à plusieurs dizaines de millions d’euros et se produire du jour au lendemain dans un contexte médiatisé”.

Le cabinet chiffre à 100 millions d’euros le coût de la dépollution d’une décharge près de Lyon à Pont-de-Claix (produit cancérigènes) et autant pour le traitement d’un site près de Lille à Wattrelos (déchets chromés).

Interrogé par l’AFP, Marsh s’est défendu d’avoir sous-estimé le rapport officiel arguant que le courrier confidentiel prenait en compte “des risques maximum et aléatoires et avait pour but de proposer à Rhodia une assurance”.

En 2003, Rhodia a finalement accepté de toucher 88 millions d’euros de Sanofi-Aventis pour faire face aux risques écologistes futurs.

Mais, pour les plaignants, les dirigeants de Rhodia de l’époque, auraient agi sous l’influence d’Aventis dans laquelle certains d’entre eux avaient des intérêts.

Une enquête de la Commission européenne a conclu en 2004 que l’indépendance des dirigeants de Rhodia vis-à-vis de sa maison mère Aventis avait été “sérieusement compromise” entre 2000 et 2003″.

Selon Bruxelles, le PDG de Rhodia, Jean-Pierre Tirouflet, disposait en 2002 d’actions d’Aventis représentant onze fois sa rémunération chez Rhodia.

Finalement, devant la lourdeur du passif environnemental, une nouvelle direction du groupe a engagé en 2005 une procédure devant un tribunal arbitral pour obtenir de son ex-actionnaire principal, 125 millions d’euros de rallonge. Cette demande a été rejetée en septembre.

Les autres sites concernés sont ceux de Silverbow et Portland aux Etats-Unis et de Cubatao au Brésil.

 15/10/2006 20:11:47 – © 2006 AFP